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Jean-Christophe Lanquetin (Collaborateur)
EAN : 9782911412837
256 pages
Vents d'ailleurs (17/03/2011)
5/5   1 notes
Résumé :

Serge Amisi n'a pas dix ans quand il est enlevé par les soldats de Kabila. Conditionné, drogué, n'ayant pour père et mère que la kalachnikov, il sera, comme ses compagnons d'armes, acteur et témoin d'une des plus grandes guerres qu'ait connues l'humanité depuis 1945, celle du Congo. Mais l'enfant, arme de guerre redoutable quand les adultes ont perdu toute humanité, ne cesse de s'interroger, ne cesse de vouloir retr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je n'aime pas m'exprimer sur un bouquin dont je n'ai pas totalement achevé la lecture. Quand il me tombe des mains, ce qui est très rare, je ne publie pas de chronique car il me semble incorrect de produire un avis sur un livre dont on n'a pas épuisé la lecture. Imaginez donc mon malaise quand je me suis retrouvé avec Serge Amisi dans le cadre de la rencontre d'Afriqua Paris du 28 avril, je n'étais qu'à la moitié du texte quand j'ai dû questionner le jeune artiste congolais…

Un défaut chez moi, je ne sais pas lire un texte à toute vitesse. Et je me suis fait surprendre par la densité du texte proposé par Serge Amisi et ajusté par Jean-Luc Raharimanana. Cette introduction me parait importante parce qu'elle conforte l'idée en moi que l'on n'a pas mesuré toute la force, toutes les questions d'un texte tant que la dernière page n'a pas été tournée.

Je l'ai terminé en prenant le temps de lire chaque ligne, d'entendre la langue africaine derrière chaque mot, chaque description, en me plongeant dans l'univers de Serge Amisi.

Ce roman raconte l'histoire d'un môme de dix ans embrigadé dans les troupes rwandaises conduites par Laurent Désiré Kabila pour chasser le maréchal Mobutu Sese Seko du pouvoir zaïrois. Arraché trop tôt de l'enfance, Serge découvre très vite les atrocités et barbaries de la guerre, car il doit passer le rituel classique de déshumanisation de l'individu par l'ordre qui lui est donné d'éliminer physiquement son oncle, venu le soustraire à la folie de la guerre.

Mon oncle est resté dans ce village de Beni en décidant de ne pas partir jusqu'au jour de me revoir. En restant là, il est allé se renseigné auprès des Rwandais s'ils me connaissaient. Les Rwandais lui ont demandé pourquoi il me cherchait, et l'oncle a manqué la bonne réponse, il a vraiment dit qu'il me cherchait. Les Rwandais ont arrêté mon oncles, menacé, tapé des crosses des armes, on l'a amené jusque-là où nous étions en train de prendre la formation. Et le matin, j'ai eu la nouvelle qu'on a arrêté mon oncle que j'aime. Ils m'ont drogué, ils m'ont obligé de le tuer, je n'ai pas voulu, mais les Rwandais m'ont dit : vas-y, ce n'est pas lui qui est ton oncle, c'est ton arme qui est ton oncle. Ton père, ta mère et ta famille, c'est l'armée.[...] Et la façon que j'ai eue de tuer mon oncle, je ne savais pas qu'il pouvait mourir, car je ne connaissais pas encore l'arme, mais c'est après quand j'ai vuque c'est vrai qu'il est mort, je me suis dit : Donc l'arme ça tue.
Page 244, Ed. Vents d'ailleurs

A partir de là, Serge Amisi raconte ses pérégrinations de kadogo (enfant soldat en swahili) au gré des déplacements des troupes rwandaises puis des troupes congolaises, suite à l'éviction des éléments armés rwandais de Kinshasa, la capitale de la RDC. C'est le regard de l'enfant qui devient par la force homme que porte Serge Amisi. le roman d'une survie. L'histoire d'un enrôlement qui va faire d'Amisi un tireur d'élite, un guerrier, un chef de peloton, un kadogo aux quatre coins de ce grand pays

J'ai lu ces dernières années beaucoup de textes inspirés de la tragédie des enfants soldats. Et très honnêtement, je pensais avoir fait le tour de la question, tant sur la forme, sur la manière de conter, plutôt de raconter la bêtise humaine mais également sur le fond, les auteurs utilisant leurs personnages de fiction pour explorer l'intérieur de ces milices qui terrorisent l'Afrique au nom d'intérêts politiques et économiques divers… La spécificité de l'histoire de Serge Amisi est que son action se déroule au sein d'une armée nationale. Celle de la RDC. En reconstruction certes au moment des faits, mais avec des hommes de guerre formés, des instructeurs étrangers venus de Corée du nord. Et des mômes formés à la dure comme n'importe quel adulte, punis et battus comme n'importe quel militaire mur physiquement. Aussi quand ce que l'on a appelé à Brazzaville les « korokoro » déconnent avec leurs fusils de guerre, la sentence qu'impose la discipline militaire est également ressentie par le lecteur qui imagine les deux cent flagellations infligées au kadogo avec la même violence qu'à un adulte.

L'extrait suivant relate la suite d'un incident où le narrateur tire dans Kinshasa suite à une altercation avec des civils :
"Quand les PM* m'ont fait entrer dans leur voiture, les civils ont applaudi en leur disant qu'ils avaient fait bien de m'arrêter. Ils m'ont amené jusqu'au camp de police militaire, au camp Luanu, vers Kitambo. On est arrivé là-bas, il y avait beaucoup de PM qui sont venus là pour me regarder, ils m'ont fait jeter deux seaux d'eau. Quand j'étais mouillé, ils m'ont fermé les fils aux jambes, pour que je ne puisse pas bouger, ils ont placé deux militaires à côté de moi pour qu'ils puissent me taper 500 coups de fouet et les autres militaires continuaient à me jeter de l'eau. Avec le mal qu'il m'avait fait au marché, ils m'ont tapé dans leur camp, ils m'ont tapé, je pleurais, je pleurais, j'étais fatigué de pleurer, mais ils continuaient toujours de taper, jusqu'à ce qu'ils cessent de me taper, ils m'ont amené au cachot, ils m'ont demandé où je travaillais."
Page 55, Ed. Vents d'ailleurs

Serge Amisi parle de sa souffrance, de sa solitude, du pouvoir qu'octroie une arme à celui qui la détient, de la troupe, des kadogo. Mais il parle aussi avec une clairvoyance intéressante de la géopolitique de cette guerre. Entre les soldats angolais, zimbabwéens, ougandais, namibiens, rwandais, les milices cobras du Congo, les rwandais et l'armée de Kabila, on ressent dans la chair de cet enfant toute la complexité du conflit qui déchire la RDC. Et je crois que c'est là que réside le plus de ce texte. La manière avec laquelle de manière consciente ou inconsciente, en relatant des propos des soldats ou des officiers, en détroussant les poches de soldats ougandais, Serge parle de cette guerre et apporte un éclairage au lecteur :
"Et là, à l'aérodrome de Dongo, je venais de comprendre que les chars de combat des ougandais, ça se conduisait par des Russes. Les Russes, ils sont des Blancs. Je venais de comprendre que des soldats ougandais, ils sont appuyés par les Américains. Les Américains ils sont des Blancs. Mais moi, je ne fais pas de politique pour entrer dans le détail de savoir le problème des Américains, mais je sais que cette guerre est soutenue par les Américains, les ougandais nous disaient que leur armement, c'est l'armement américain. L'argent qu'on leur payait, c'est des dollars américains..."
Page 217, Ed. Vents d'ailleurs

Pour terminer, je rappellerai un point important qui explique le style singulier de l'écriture de Serge Amisi. Ce jeune homme a été démobilisé en 2001. Et chargé par toutes les horreurs qu'il a vu, il a entrepris d'écrire en lingala (une langue des deux Congo) toute son histoire et celle d'autres kadogo dont il a recueilli les témoignages. Il a traduit le texte original avec le concours de Jean-Christophe Lanquetin. Donc, cela donne une certaine originalité qui pourrait déranger les défenseurs d'une certaine orthodoxie de l'usage de la langue française. Mais, encore une fois, c'est une transposition du lingala sur de nombreuses formules en français. C'est une belle expérience de lecture, au-delà l'expérience de Serge Amisi.

Alors pour vous souvenir de cet enfant de demain, découvrez et faites découvrir ce récit romancé. Vous serez sûrement bouleversés, mais vous ne serez pas déçus par ce premier roman. A mettre entre les mains de tous les va-t-en guerre de la planète.
Lien : http://gangoueus.blogspot.co..
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ce texte a l'intérêt de nous offrir une description précise de la vie d'un enfant soldat et, à ce titre, est tout à fait exceptionnel. On a ainsi une image précise à la fois des perceptions congolaises de la guerre et des violences infligées à la population civile - les femmes étant particulièrement visées - et aux soldats, sans compter les enfants enrolés de force.
Je trouve que ce texte apporte plus sur la compréhension du phénomène d'enfant soldat que certains films réalisés sur le sujet (comme le film Rebelle pourtant réussi, ce qui n'est pas le cas de tous les films sur le sujet) ou certains romans (comme Johnny chien méchant, que je n'ai pas aimé. Trop artificiel).
J'ai toutefois une grosse réserve à faire sur le style qui n'est absolument pas choisi mais résulte de la faible maitrise de la langue française écrite (il paraît que c'est traduit. Dans ce cas, c'est très mal traduit). Par moment, je reconnais que cela donne un ton particulier qui est intéressant, mais, globalement, ça ennuit le lecteur, tout au moins moi !
Il n'en reste pas moins que ce récit vaut vraiment la peine d'être connu, au moins pour celles et ceux qui veulent comprendre le phénomène des enfants soldats dans la guerre au Congo.
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Vidéo de Serge Amisi
Serge Amisi est comédien. Enfant de la République Démocratique du Congo, il devient soldat, tireur d'élite, durant la guerre entre 1997 et 2001. En un plan, une séquence, consacré d'une écriture radicale et dépouillé, le film réalise une quête toujours plus étendue vers un impossible authentique. FUROR, c'est l'invocation d'une chasse à l'imaginaire sur un territoire où la morale enfantine est le jeu de la réalité.
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