La démocratie constitue depuis deux siècles l'horizon évident du bien politique », écrit Pierre Rosanvallon, qui ajoute cependant aussitôt que celle-ci fut toujours incertaine d'elle-même et vacillante et qui étudie dans Le Peuple introuvable (1998), les expressions du constant malaise dans la démocratie qui s'exprime de l'abstentionnisme au mépris récurrent de la classe politique dans l'opinion. Un siècle et demi auparavant, Alexis de Tocqueville, le premier, avait représenté la démocratie comme cet horizon de la modernité politique, pour lui, dynamique fatale par-delà le bien et le mal, puisqu'il en parle comme d'« un fait providentiel, universel, durable, échappant chaque jour à la puissance humaine, servi par tous les événements comme par tous les hommes.
L’hostilité réactionnaire et conservatrice à la démocratie est connue et ne pose pas grand problème à interpréter : pour les droites de jadis et de naguère, la démocratie, incarnant le cours peccamineux pris par l'histoire en 1789, sapant les Traditions qui font la grandeur d'un pays, écartant les « élites naturelles », règne des médiocres et des incapables, est facteur de décadence nationale, de désordre et d'anarchie, de même que les idées égalitaires et humanitaires sont d'infâmes sophismes et des formes de pathologie inspirées par le ressentiment. La démocratie en son principe est un dogme insensé et, ajoute Louis de Bonald, « impie » : les hommes naissent dépendants et inégaux.
Marc Angenot : du fascime .Marc Angenot interrogé à Paris, pour Mediapart, par Antoine Perraud (décembre 2014).