Odyssée : anthologie

Voici une anthologie très variée dans le fond et la forme puisqu'elle réunit vingt-huit nouvelles dont le seul dénominateur commun (et encore, au sens très large du terme) est l'odyssée. Et les auteurices s'en sont donné à coeur joie, en étirant cette notion dans tous les sens, allant de la SF pure à la fantasy en passant par le fantastique. En voyage…

Cela fait toujours plaisir de découvrir de nouveaux auteurices. Et là, dans cette anthologie, on est gâté, car pour beaucoup, on est dans les premiers textes. le seul nom que je connaissais, en fait, c'est de celui de Philippe Caza, dont je savais qu'il écrivait, mais que je connaissais essentiellement pour ses illustrations et ses BD.

Vingt-huit nouvelles qui m'ont emmené dans pas mal de lieux, à pas mal d'époques, avec des tons bien différents (du très sérieux, voire un peu prétentieux à l'humoristique qui s'amuse du thème proposé), des genres variés (space opera, voyage temporel, fantastique pur, horreur légère, on a de quoi faire). Certains textes m'ont paru très anecdotiques, d'autres écrits de façon encore maladroite ; certains m'ont tout de suite embarqué, d'autres m'ont laissé sur le quai ; certains m'ont semblé originaux, d'autres moins. Bref, un bilan dans l'ensemble positif car je me suis peu ennuyé, mais très hétérogène. Voici quelques lignes sur chaque texte.

« le jour où l'oncle Anatole s'est envolé » de Maxime Herbaut

Histoire sympathique d'un homme qui, sans savoir pourquoi, s'envole un jour et continue à monter sans rien y comprendre. Fable qui n'a rien de vraiment original (dont le thème m'a fait penser au Voyage improbable, BD en deux parties de Turf, plus humoristique et plus aboutie), mais est bien agréable à lire pour commencer cette anthologie.

« le Gardien » de Thierry Caspar

Classique mais efficace, cette histoire de quête, avec des mystères et des aventures. La fin est prévisible, mais bien amenée.

« le Curspi » de Julien Bartoletti

Classique histoire de monstre marin, bien documentée, avec les personnages habituels (le scientifique un peu hautain, le capitaine cupide, les marins inquiets) et les mythes qui se vérifient à la toute fin.

« Louise et l'Ampoule » de Samuel Lévêque

Amusante histoire (qui rappelle Kafka en beaucoup plus drôle et Les douze travaux d'Astérix) de délire administratif. Où il faut se battre, comme un chevalier, en armure, pour tenter d'obtenir… une ampoule pour son bureau.

« Aux confins » de Lucie Niclaes

Texte poétique qui s'interroge sur les limites et ce qu'on trouve au-delà. Un peu trop hermétique à mon goût.

« Labyrinthe » de Jean-Louis Ermine

Une version moderne du labyrinthe, avec des voitures, un métro et des rues par dizaines, par centaines. Embouteillage géant, stations fermées. le cauchemar qui rappelle un peu « Louise et l'Ampoule » pour le côté ubuesque de notre société. Mais sans l'humour. Pas d'une grande originalité, mais bien fichu.

« Lire Ulysse au lit » de Philippe Caza

Ce texte m'a aussitôt fait penser à l'Oulipo, avec ses jeux sur les mots. On passe de Joyce à Homère avec soulagement. On ajouts des allitérations, de la scatologie (la Terre déborde en fait d'excréments, à force). Distrayant mais pas inoubliable.

« L'archipel urbain » de Xavier Lhomme

Un homme se trouve projeté par une fenêtre et de là dans un univers parallèle. le Bordeaux qu'il connaissait est à présent envahi en partie par les eaux et livré aux mains de bandes violentes. Il s'agit de survivre. Histoire efficace.

« le bus bleu » de Telma Deconinck

Nouvelle sympathique où le personnage s'adresse à l'autrice, narratrice omnipotente. Jeu sur le destin des personnages après la fin de leurs histoires. Pas mal trouvé, mais une peu naïf à mon goût.

« de sel et d'ivresse » de Basile Despierres

Encore un kraken, comme dans « le Curspi ». Il fascine, cet animal ! Encore un capitaine cupide. Récit bien fichu, avec une montée en puissance et une touche d'humour appréciables. Cela rend l'histoire moins solennelle, moins compassée. Ah, l'alcool comme moteur !

« L'Odyssée de Wuik » de Yohan Poilbarbe

Un gobelin né pour se battre refuse ce destin et se veut libre. Il s'échappe de son armée mais est poursuivi. Course pour la liberté, rencontre, combats. Pas mal trouvé te mené.

« La cité-frontière » de Cécile Matt

Un homme qui va rentrer chez lui est abordé par une ombre qui le prévient : s'il pénètre dans son appartement, il connaîtra un sort terrible. Il hésite et finit par suivre le conseil de l'ombre. Des révélations sur le passé et l'avenir vont survenir. L'existence de cet homme va être totalement bouleversée. Un récit maîtrisé.

« Océan » d'Alberto Arecchi

Courte nouvelle mettant en scène un naufragé qui passe des mois en mer, seul. Jusqu'à rencontrer le continent de plastique et voir sa solitude bouleversée. Une réflexion rapide sur les sentiments du naufragé et le difficile retour au monde.

« le principe de plénitude » de Baptiste Schricke

Un flic minable classique des polars vit dans un monde où l'eau manque (je me demande comment les personnages peuvent survivre plus de cinq jours sans boire, malgré les drogues dont parle l'auteur). Un peu de fantastique à la Borgès. Pas mal, mais un peu maladroit dans son style et simpliste parfois.

« le vieillard et la mer » de Julia Rizzotto

Odyssée personnelle. Un vieillard part sur une mer crainte par tous afin de trouver un monstre, lui qui est mi humain, mi monstre. Curieux et pas toujours facile d'accès (certaines transitions sont bien abruptes).

« Armandias et Ophidée » de Simon Drillat

Comme un conte classique (grec ou plus tardif). Deux jumeaux sont inséparables jusqu'à la mort de l'un d'entre eux. le survivant se laisse aller jusqu'à… Un peu précieux à mon goût dans la langue utilisée (quand on a pour modèle Jean-Philippe Jaworski, c'est assez normal), mais agréable à lire.

« Tout un monde sur une carte routière » de Camille Nevez

Voyage inquiétant, mais attendrissant, vers un passé pas si lointain où la carte papier tenait la première place, quand le GPS n'existait pas. Une jeune femme se perd dans un autre lieu, un autre temps. Et cela n'a rien de rassurant. Quelques maladresses de style mais une tonalité agréable.

« le caillou dans la chaussure » de Micka HB

Amusant, mais tous les procédés d'écriture alourdissent le récit à mon avis et ont en tout cas fini par m'agacer. En fait, texte trop peu sérieux pour moi et fin trop pompeuse à mon goût.

« le train de la liberté » de Juliette Chino Nombo

Sympathique histoire qui offre un regard différent puisqu'il nous mène en Afrique. L'originalité (pour moi en tout cas) de certaines expressions imagées (les dialogues en particulier) a été un point positif. Quelques jeunes font mine d'aller en voyage scolaire mais, en fait, partent de leur côté en sortie. Mais à un arrêt, une des participantes disparaît en passant à travers un arbre. Magie, sorcellerie. La suite de l'aventure est convaincante, même si plus classique.

« L'homme de Mars 2.0 » de Julien Giovannoni

Entre exploration de Mars et contact avec des extraterrestres, avec une petite note qui m'a fait penser à la série X-Files. Assez intéressant, mais j'ai trouvé que le début était trop différent dans le ton et le rythme de la suite.

« le retour de Pénélope » de Natalia Aparicio

Amusant jeu sur le thème d'Ulysse et Pénélope. Nous sommes dans un monde futur, proche du cyberpunk, mais plus onirique, plus fantasmé, plus haut en couleur. Ithaque devient e-TaK 6, Polyphème un prétendant de l'épouse fidèle. Cette dernière tisse un tapis en fibres gravitationnelles. Un peu de Mille et une nuits et on obtient une histoire très agréable à lire et plutôt maligne.

« L'escarboucle » de Pascal Arnaud

Belle et savante reprise du mythe de la Vouivre, dans le Jura, qui fait la part belle à la culture, sans pédanterie excessive (la plupart du temps). L'écriture est maitrisée, ce qui n'est pas toujours le cas dans cette anthologie.

« Là où vont les invisibles » de Lucian Cloud

La Terre a été rendue inhabitable. Les êtres humains ont lancé une vaste mission d'ensemencement de planètes (plus de 200 quand même !), afin de se trouver de nouveaux lieux où vivre. Mais cela n'est pas sans conséquence. Une nouvelle qui reprend un sujet classique, plutôt bien traitée mais qui aurait pu être davantage développée (en passant à la novella, par exemple).

« Néo, un renouveau » de Jean-Yann Mokodopo

Une histoire spatiale de royauté tyrannique défaite grâce à un voyage dans le temps rocambolesque. Je n'ai pas du tout accroché au style flamboyant et digne des années d'or.

« L'odyssée de l'enfant de verre » d'Alexis Ferrero

Texte poétique, empli de jeux sur les sonorités, assonances, allitérations, paronomases et autres. L'histoire tient du conte, avec un Pinocchio de verre qui se cherche un prénom, une existence. Joli.

« Pique-nique » de François Carlo-Camar

Histoire sympathique d'un baroudeur qui débarque sur une colonie planétaire qui restait muette depuis peu. Une bonne raison : tout le monde est mort. Qui est derrière ce massacre ? Classique, mais efficace.

« Les Ouvrages » de S.C. Raza

Idée intéressante de voyage en vaisseau dans une bibliothèque, à la recherche des Ouvrages traitant de bibliothèques. Mais, malgré certains passages réussis, le style m'a empêché d'entrer dans l'histoire, comme la multiplication des termes abscons ou inventés. Trop d'inconnues.

« Une Eéssydo » d'Anthony Boulanger

Une télépathe, retirée des affaires politiques et militaires, est appelée pour sauver sa soeur jumelle, victime d'un accident. Elle va devoir pénétrer son esprit, son labyrinthe mental et y éviter les pièges. Plutôt réussi. Cela clôt sur une note positive cette anthologie.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..