En 1910, des hommes armés débarquent dans une mission évangélique et ordonnent de leur remettre tous les enfants. Arrachés de force à leurs parents par ces militaires sans merci, les jeunes aborigènes seront ensuite placés dans des familles de blancs afin de les « civiliser ». Thomas Freeman est l'un d'entre eux. Cinq ans plus tard, l'Australie se prépare à entrer en guerre. Un bataillon de jeunes engagés s'apprête à débarquer sur la péninsule de Gallipoli, front turc de la Première Guerre mondiale. Parmi la chair à canon qui prend place dans le premier canot, Thomas n'est pas seulement une des cibles faciles offertes à l'ennemi, mais également celle de la haine raciste de ses camarades d'infortune. Perdu dans l'enfer de la bataille des Dardanelles, il se réfugie dans le temps du rêve, au plus profond de ses racines aborigènes…
Pour ses premiers pas au sein du neuvième art,
Stéphane Antoni s'attaque donc à une trilogie consacrée à la der des Ders. Après une brève introduction en plein bush australien, permettant de présenter le héros de cette saga, tout en rappelant la politique discutable du pays en matière d'intégration des enfants aborigènes, c'est bel et bien l'engagement militaire australien aux côtés des forces alliées qui passe au centre des débats.
Si les horreurs et les absurdités de la guerre ont déjà été maintes fois relatées en bandes dessinées, l'originalité de ce récit consiste à les partager à travers le regard de deux soldats australiens aux visions diamétralement opposées. le premier, Thomas Freeman, entre en communication avec les esprits de la Terre et trouve son salut dans les prophéties de son peuple. le second, un officier idéaliste, a quant à lui une approche beaucoup plus pragmatique de cette boucherie quotidienne visant à prendre le contrôle des Dardanelles.
Visuellement,
Olivier Ormière accompagne ces mouvements de troupes parsemés de sang et de corps mutilés avec réalisme et efficacité. Malgré quelques personnages aux visages trop ressemblants, ce professeur en arts plastiques offre un album d'une grande lisibilité qui accompagne parfaitement ce pan d'histoire assez méconnu du grand public.
Malgré un aspect didactique qui devrait ravir les amateurs de récits historiques et une approche originale qui invite à réfléchir sur la différence et sur les atrocités de la guerre, les visions oniriques du personnage principal ont du mal à s'intégrer dans l'ensemble et ont même tendance à porter légèrement atteinte au réalisme et à l'authenticité de cette terrible bataille.