Hannah Arendt étant pour moi un autrice de référence dès lors qu'elle aborde un sujet, je me suis lancé dans
L'impérialisme, d'autant plus que cet ouvrage avait été cité par
Ariane Bilheran dans Parapsychologie du totalitarisme paru en 2023.
Quelle est la vision en 1961 de H.Arendt sur cette phase historique de l'Occident et comment résonne-t-elle aujourd'hui ? Cette question m'intriguait d'autant plus qu'on ne compte plus les contempteurs ou apologistes de cette phase de notre histoire.
Venons-en à la réponse.
Dès la préface,
Hannah Arendt embrasse le sujet de la colonisation d'une façon très large par les thèmes abordés (l'expansion économique, l'afflux de capitaux, la structure de l'état, la théorie des races..) tout en délimitant la période d'étude qui ne commence qu'en 1880. Selon Harendt, la colonisation a été portée sur le plan social par l'accès au pouvoir de la bourgeoisie qui souhaite voir augmenter son capital et libérer ce qu'on qualifierait maintenant comme les outils de la croissance. Cela ne pouvant se faire qu'en dépassant le stade de l'état nation sur le plan politique et les frontières nationales sur le plan géographique. L'afflux de capitaux et la présence des premiers Juifs dans les futur pays colonisés) ont permis de projeter des premiers colons. La multiplication des transferts de richesse de ces pays vers l'Occident a fait émerger dans ces premiers des états bureaucratiques et oppresseurs, dont les populations autochtones ont été exclues des cercles de décision. L'autrice approfondit les différences entre les méthodes et les éthiques des principaux pays colonisateurs (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Belgique, Hollande). Par exemple la Grande-Bretagne ayant conçu le commonwealth pour unir ces pays alors que d'autres ont eu recours à soit des intégrations (Algérie) soit maintenu ces pays sous une domination explicite (ex-Indochine).
H.Arendt s'étend sur certaines géographies et populations (les Boers an Afrique du Sud) pour démontrer la force de certains concepts, celui de la racialisation principalement.
Selon Harendt, les concepts de race et de classe sociale ont été inventés pour convaincre les populations de suivre le parcours historique que les dirigeants souhaitaient leur imposer : la colonisation et la société matérialiste.
Personnellement, je trouve plusieurs défauts à ce livre, malgré les nombreuses références qui y figurent, attestant d'une volonté d'objectivité et de sérieux de Harendt. Pour faire simple, je vais citer les trois principaux :
- La structure du livre aborde
l'impérialisme sous le prisme de la philosophie et de l'ethnologie. Les chapitres s'enchainent et on n'échappe pas à des répétitions ou des exemples (les Boers) qui deviennent rébarbatifs à force de détails. Un fil conducteur unique aurait considérablement facilité la lecture.
- Sans doute aurais-je été un piètre élève de Mme Harendt, mais la multitude d'informations et de déductions pour arriver à une conclusion constituent un volume de pages parfois indigeste.
- L'étude de Harendt a quelques limites (j'avoue dire cela avec modestie, ayant conscience qu'un tel propos relève de l'hérésie ;-))...
L'impérialisme n'a pas débuté en 1880, les premiers empires en témoignent. Il aurait été instructif de voir an quoi
l'impérialisme est inscrit dans l'essence de l'homme, et comment cette soif de pouvoir s'est exprimée à travers les âges. Ensuite, pour en revenir au XIXè siècle, le Japon a lui aussi eu sa période coloniale (Guerre sino-japonaise en 1895, révolte des Boxers..), or nulle trace du Japon dans le livre ? Enfin, moi qui suis analytique, j'aurais aimé plus de chiffres pour apprécier dans une juste mesure l'ensemble des faits avancés par Harendt (comme les mouvements de population, l'augmentation de la bureaucratie, l'enrichissement de l'Occident grâce aux pays colonisés...).
En conclusion : certainement un livre utile pour quiconque souhaite faire une thèse sur ce thème, ou un aficionado d'H.Arendt.