Moi, un lemming

À l'époque, j'avais détesté.
Oh oui. Je l'avais même haï, ce bouquin à deux balles. Ça se finissait mal, il ne s'y passait rien et les personnages étaient cons comme des manches à balai.
À l'époque, j'étais en CM2.
À présent, je suis en Première. Littéraire. Celle qui sait le mieux se servir de sa tête*.
Et j'y ai repensé depuis pas mal de temps, et je me suis dit : dans le fond, c'est fou comme ce livre retranscrit bien qu'on est vite des moutons.
Oui, parce que vous savez, les lemmings se suicident régulièrement, un des sujets préférés des digressions de Pratchett. Tous les dix ans, ils essayent de savoir s'ils peuvent nager, le problème c'est qu'ils meurent avant. Ici, ils veulent savoir s'ils peuvent voler, ce qui revient du pareil au même. On attend avec impatience le jour où on l'apprendra. On n'ose pas imaginer l'échec. Et au milieu de ça, le petit Bubber a un doute... Mais ce n'est pas comme si tous les lemmings allaient crever, n'est-ce pas ? Ils ne peuvent tout de même pas se noyer, ce serait trop con.
Et pourtant...
Pour désigner ce livre, des plus haut placés que moi parleront sûrement de parabole sociale, de fable douce-amère. Moi je me dis que pour les américains, c'est surtout le meilleur cadeau qu'on puisse leur faire actuellement. Un livre qui raconte avec quelle facilité on court vers la falaise pour aller y mourir. Combien c'est difficile de savoir se débarrasser de ses obsessions. Et enfin, peut-être, penser par soi-même.

*Enfin, pour certains, encore faut-il qu'ils en aient envie.

J'ai choisi ce livre car il est dans la liste Eduscol pour les élèves de Cycle 3 (en CM1/CM2).

Je n'ai pas du tout aimé l'intrigue même du livre, qui se repose sur une rumeur totalement fausse et qu'on ne devrait pas enseigner aux enfants : les lemmings courent à l'ouest et se jettent des falaises pour se précipiter dans la mer (en réalité, lors d'un documentaire animalier tourné par les studios Disneys, ce sont les hommes qui ont effrayé les animaux et les ont fait se jeter dans la mer, paniqués. La voix off préférant dire que c'était l'instinct de ses animaux qui les poussaient régulièrement au suicide de masse. Bref, c'était déjà ridicule à l'époque pour qu'on n'ait pas besoin de perpétuer cette idée).

Par contre, je lis bien ici que le jeune héros s'interroge alors sur une "vérité" que tout son peuple a. Savoir se poser les bonnes questions même tout le monde dit que "c'est comme ça", c'est une bonne réflexion de bouquin jeunesse, effectivement. Donc vraiment juste dommage pour la forme

Un excellent livre pour apprendre à devenir autonome et ne pas se laisser guider par les idées reçues. Un jeune lemming a un copain corbeau, déjà c'est pas conseillé par son clan. Il persiste et s'interroge grâce à cet ami, par cette force qui pousse les lemmings à préparer le grand départ vers l'océan et le grand plongeon. Fâché au départ par les insinuations de son copain, mais ne recevant aucune réponse à ses questions, il va de plus en plus chercher... j'en dis pas plus, après de nombreuses aventures et rencontres qui sont autant d'occasion d'apprécier les grandes qualités d'observation des sentiments de l'auteur et les magnifiques dessins de l'illustrateur - Gérard Franquin - on savoure un livre étonnant pour les enfants mais que je conseille vivement également aux adultes.

Un roman court mais intense où un tout petit animal se pose des questions existentielles sur le pourquoi des choses.
Une écriture simple mais efficace !

Un roman poignant, une ouverture à la discussion et la réflexion avec nos enfants, sur le danger de suivre aveuglément les autres, sur l'importance du libre-arbitre.
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