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Roger du Pasquier (Traducteur)
EAN : 9782213007601
360 pages
Fayard (05/09/1979)
4.61/5   27 notes
Résumé :
L’histoire que je vais raconter dans ce livre n’est pas l’autobiographie d’un homme remarquable par son rôle dans les affaires publiques; et ce n’est pas un récit d’aventures — car bien que de nombreuses aventures étranges se soient produites sur mon cheminement, elles n’ont jamais été davantage qu’un accompagnement de ce qui se passait en moi —; ce n’est pas non plus l’histoire d’une recherche délibérée de la foi — car cette foi m’est venue, au fil des ans, sans au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Que dire de ce livre, ça fait déjà trois mois que je l'ai lu, et toujours un vif souvenir suspendu au bout de la langue, un arrière-goût nostalgique, fabuleux et frustrant.
Nostalgique, car ce monde décrit, ce monde où le mot-maître demeure la liberté, ce monde calciné entre les dunes, les cailloux et les montagnes d'où un message de paix jaillit d'un bédouin au 7 siècle : n'existe plus...
L'Arabie des hommes, d'abord, ces tribus disséminées, éparpillées dans un désert absolu, où les vents les plus torrides soufflent, où les conditions climatiques extrêmes dictent la vie des hommes ; Mohamed Assad décrit avec tant de tendresse ces fou du désert, avec tant d'admiration, ces "barbares", ces nomades, qui depuis la nuit des temps vivent dans une mystérieuse et ô normale symbiose avec le désert. Ces hommes ne sont plus aujourd'hui que les personnages d'un décor folklorique, du moins le pétrole et l'avènement de l'ère technologique ont profondément changé la vie des nomades.
Ce récit relate le voyage d'un jeune homme, autrichien et juif converti à l'islam dans une Arabie nouvellement pacifiée par al Saoud, ce roi charismatique dont Mohamed relate les exploits et les aventures ainsi que l'avènement et la prise du pouvoir de la dynastie al Saoud. En route, chevauchant à dos de chameau avec son fidèle compagnon, Zayd, le livre relate par flash-back, une jeunesse européenne nihiliste, désillusionnée par la guerre, prise aux ébats existentiels ainsi que sa découverte de l'islam (comme une évidence).
De même que Mohamed Assad décrit son voyage à travers tout le monde musulman, de la Libye senoussite jusqu'en Afghanistan, en passant par l'Iran, la Palestine, l'Egypte ou la Syrie.
Ce livre enfonce un glaive en vous, et laisse un souvenir indéniable. Enfin de compte, c'est un témoignage émouvant et unique sur un monde et une religion que les occidentaux ont dû mal à appréhender, mais c'est aussi un message d'amour envers cette culture et dans son dernier espoir, un message de paix et de tolérance...
Pour une fois, j'ai pu entrevoir le vrai visage de l'islam, loin des stéréotypes, dans un désert absolu d'où émane une profonde sensation de sérénité. Pour finir je citerai cet autre fou du désert, Théodore Monod : " Il faut savoir bien sûr, à la fin du chapitre, tourner la page et nous la tournerons. Nous n'en conserverons pas moins, nous les Sahariens, d'hier, quand notre désert sentira le pétrole, l'ardente et presque douloureuse nostalgie de celui qu'embaumaient les chatons d'or des mimosas, de celui qui arrachait à un Bédouin, perdu au coeur de cette effroyable immensité sans puits, mais devant l'aimable vert-bleu de quelques touffes de had sur un sable orangé, ces mots : Trab mounek!… Ah, le beau pays !"
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Une oeuvre que j'ai lu très récemment et qui m'a bouleversé :

« Chemin vers la Mecque » du célèbre érudit, savant, voyageur, diplomate, penseur et écrivain musulman autrichien Muhammad Asad aux Éditions Héritage.

Comment commencer ? Comment décrire le choc que j'ai eu en lisant cette oeuvre ? Comment réussir à critiquer, ou simplement à expliquer l'une des plus grandes oeuvres musulmanes du 20ème siècle ?

Essayions tout de même...

Ce livre s'inscrit dans un voyage à travers la désert, à dos de dromadaire, de la frontière avec l'Irak jusqu'à la ville sainte de la Mecque.
C'est le « Chemin vers La Mecque ».

C'est durant ce dernier voyage à travers l'Arabie en 1932 où Muhammad Asad se remémora tout son parcours pour en arriver là où il est.

Il raconte donc ses souvenirs, sa vie depuis sa naissance jusqu'à 1932.

Muhammad Asad alors Leopold Weiss était un jeune Autrichien d'origine juive né en l'an 1900 a Lviv alors terre de l'empire Austro-Hongrois.

En grandissant, il s'éloigna de sa famille et de sa culture religieuse pour suivre son propre chemin.

Lui, le jeune Léopold, qui était destiné à devenir rabbin comme son père et son grand-père avant lui, décide de suivre des études de philosophie et d'histoire de l'art. Il veut créer son propre parcours de vie.

Il finit par réussir à devenir journaliste et réussi petit à petit à se faire un petit nom dans le milieu.

Un tournant arrive : il est invité en 1922 par son oncle médecin à venir le rejoindre en Palestine alors nouvellement sous Mandat Britannique. Direction Jérusalem.

Malgré les tensions politiques entre Juifs Européens Sionistes, Britanniques et Arabes, son séjour en Palestine et en Égypte mandataire le bouleversera. Il découvrira pour la première fois une nouvelle culture, une nouvelle religion, un nouveau mode de vie et de nouvelle manière de penser.

Il commence tout de suite à s'éloigner des cercles sionistes et à soutenir les Arabes propriétaires et héritier légitime de la terre de Palestine selon lui.

C'est le début de son aventure spirituelle et culturel.

Son séjour va tellement lui plaire qu'il décide de revenir et de mener une vie au Proche-Orient en tant que reporter de grands journaux européens.

Il voyagera alors en Syrie, en Irak, en Iran, au Liban, en Égypte, en Jordanie (alors Transjordanie) en Palestine bien sûr, et même jusqu'en Afghanistan. Il alimentera les journaux européens/allemands de nombreux articles de presse et commencera à devenir connu en là-bas.

Tous ces voyages et découvertes sont racontés dans son ouvrage. Quel plaisir de voir cette diversité culturelle et ethnique réunie autour de l'Islam : des Arabes aux Perses, en passant par les Turcs, les Ouzbeks, les Pachtounes, les Kurdes ou les Hazaras.

En rentrant en Europe, Leopold Weiss se marie et après de nombreuses recherches, il se convertit avec sa nouvelle épouse à l'Islam. Il prendra alors le nom de Muhammad Asad.

Il décide donc de rentrer en Arabie et d'accomplir le pèlerinage à la Mecque (le Hajj) avec son épouse.

Il s'installera là-bas, et rencontrera le roi fondateur de l'Arabie Saoudite : 'Abd al-'Aziz Ibn 'Abd ar-Rahmân al-Saoud, plus connu sous le nom de « Ibn Saoud ».

Ils deviendront amis, et l'homme connu désormais sous le nom de Muhammad Asad va se mettre au service du nouvel état.

De la Libye en résistance face aux Italiens, jusqu'à l'Irak et le Koweït Britannique, l'Égypte ou la Syrie, Muhammad Asad retournera sur les routes du monde musulman, à dos de dromadaire, en amis des bédouins. Devenu bédouin lui-même.

C'est cette histoire, son histoire, que raconte Muhammad Asad dans son ouvrage autobiographique. Un condensé d'expériences et d'anecdotes avec de grandes leçons et une grande source de réflexions.

L'érudit et journaliste autrichien a eu l'occasion de rencontrer les grandes personnalités musulmanes de l'époque et il les raconte dans le livre : ‘Umar al-Mukhtar le mujâhid libyen, le roi ‘Abd al-'Aziz Ibn Saoud et son fils alors Prince Fayçal Ibn ‘Abd al-Aziz al-Saoud, Reza Shah Pahlavi le Shah fondateur de la dynastie Pahlavi en Iran, le Shah d'Afghanistan Ghazi Amanullah Khan, le Chef de la Confrérie Maghrébine Al-Sanussiyah Cheikh Ahmad Sharif al-Sanussi dit Ahmad 1er, sans oublier le premier roi de Jordanie Abdallah Ibn Al-Hussayn al-Hashemi dit Abdallah 1er.

Bref, Muhammad Asad, a énormément voyagé, fait énormément de rencontres et a accumulé de grandes connaissances et une énorme érudition.

Dire qu'il ne raconte que le début de sa vie dans cet ouvrage et que ce début et d'une richesse incroyable...

On ne peut que confirmer le surnom qu'on lui a donné, d'être « le cadeau de l'Europe à l'Islam ».

L'ouvrage est passionnant, composé d'anecdotes et de récits autobiographiques ainsi que de pensées et réflexions toutes très intéressantes.

Tout ceci dans un cadre : un dernier voyage à travers les mêmes terres qui sont racontées dans ses pages.

C'est vraiment un livre qui amène à réfléchir.

Il invite à d'innombrables réflexions sur l'Islam, l'Occident, le Monde Musulmans, la vie, l'histoire, la spiritualité, la culture et beaucoup d'autres choses.

Je ne sais pas comment finir cette critique, il y a tellement de chose sur lesquelles je n'arrive pas mettre les mots.

Je ne peux qu'essayer de conclure en remerciant les Éditions Héritage et son fondateur, le frère Thomas Bilal Sibille, pour avoir publié et retraduit ce classique de la littérature islamique du 20ème siècle.

Que Dieu récompense les Éditions Héritage.

Que Dieu face miséricorde à Muhammad Asad, le cadeau de l'Europe à l'Islam.
Lien : https://www.instagram.com/le..
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Dans son roman Boussole, Mathias Enard cite plusieurs fois Leopold Weiss, juif autrichien converti à l'Islam sous le nom de Muhammad Asad. Leopold Weiss raconte son expérience spirituelle dans le Chemin vers la Mecque, écrit dans les années 1955-56 et publié en France en 1976, avec une postface de l'auteur. Cette histoire de conversion est fascinante à bien des égards car elle montre que la soif de l'absolu, du divin, est fortement ancrée chez certains individus qui n'ont de cesse qu'ils n'aient trouvé leur « Terre Promise ». Insatisfait, déçu par les valeurs décadentes de l'Occident et son manque d'aspiration spirituelle, le jeune Leonard, reporter en herbe, se rend en Palestine, en 1922, chez son oncle, pour découvrir ce Moyen-Orient qui l'attire. A travers ses voyages comme reporter, il découvre l'Islam et est fasciné par la simplicité, l'accueil et la ferveur religieuse des arabes et leur sens de la communauté. Sa lente découverte de vérités nouvelles pour lui et son adhésion à l'Islam s'insèrent dans le récit de son dernier voyage par l'intérieur de l'Arabie vers la Mecque qui marque la fin de son séjour dans ce pays. Cet homme étonnant a été l'ami d'Ibn Saoud, fondateur de l'Arabie Saoudite, et a participé à la création du Pakistan dont il fut haut fonctionnaire. Cet autobiographie fascinante nous révèle un Islam autre, porté par la ferveur simple des Bédouins, écho d'un monde disparu : « l'Arabie décrite dans les pages qui suivent n'existent plus. Sa solitude et son intégrité se sont effritées sous le jaillissement du pétrole et de l'or attiré par le pétrole. Sa simplicité a disparu et, avec elle, une partie de ce qu'elle avait humainement d'unique. »
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Plus qu'une "simple" autobiographique, c'est là une fresque réellement romanesque qui défie temporalité, spatialité et personnalités : on passe de l'Arabie à l'Europe de l'après-guerre - en passant par l'Iran, l'Afghanistan ou la Turquie -, on rencontre le bédouin et son roi, Ibn Saoud, ou encore les résistants sénoussis de la "Cyrénaïque" (ancienne appellation de la Libye), dont le mercuriale 'Umar Mukhtar, le tout saisonné d'une narration entrecoupée et d'imageries poétiques, avec pour fil principal la découverte des musulmans, et, surtout, de la religion islamique ; et l'écriture est en réalité assez "coranique", car la mémoire déchaîne des scènes colorées sans lien causal, au point de passer de son compagnon nomade Zayd à la situation de la Vienne de l'époque.

Plus qu'une autobiographie - et moins qu'un Texte sacré -, nous avons là le testament spirituel de l'Europe du siècle dernier, étreinte dans sa propre complexité - "mécanique", "économique", "marchande" -, et la tentative par l'un de ses représentants les plus singulier de la défaire de son propre danger.
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J'ai eu le privilège de lire ce livre il y' a de cela une bonne dizaine d'années et il fait partie de ces oeuvres qui ont une place spéciale dans mon coeur et ma mémoire.

C'est l'histoire, autobiographique, de Leopold Weiss, un Juif autrichien venant d'une grande famille juive de père et de mère, aux alentours des années 30. Malgré une solide éducation religieuse, le judaïsme de ses ancêtres ne l'a pas convaincu. Comme beaucoup de ses contemporains, il navigue entre scientisme, athéisme, agnosticisme.... Dans une Europe tourmentée et vide de sens, ce jeune homme ne sait pas quoi faire de sa vie. Il a envie de voyage, d'aventures et d'écrire. Il est en pleine recherche de spiritualité. L'Europe domine le monde et semble en même temps perdue, au sortir d'une guerre déchirante et à l'aube d'une nouvelle crise. Leopold décide de voyager dans cet "Orient" aux mains de l'Occident, un ailleurs qui semble "primitif" mais en même temps plus "authentique" par rapport à l'Europe technique, machinale.

Alors Leopold, devenu plus tard Muhammad Asad, nous raconte son voyage en Libye, en Iran, en Arabie, en Palestine... et ce n'est pas tout. il rencontrera parmi les plus grands acteurs politique de cette époque et de cette région, il décrit les lieux, l'histoire, le contexte politique, mais surtout, surtout, les points de vue, les mentalités, les visions du monde, et plus que ça, les coeurs. de façon très fine et enrichissante pour tout un chacun, qu'il soit croyant, bouddhiste, athée ou musulman ou peu importe, Muhammad Asad nous offre à travers ce récit des réflexions profondes qui permettent d'aller à la rencontre d'une autre civilisation, l'Islam, sa religion, ses cultures, ses différentes sociétés.
C'est un voyage au sens le plus riche du terme, d'une grande érudition et profondeur, ce n'est nullement du prosélytisme ou un récit de conversion "basique" (si je puis me permettre) - il y'a aussi de ce dernier point mais c'est presque anecdotique car ce n'est que l'aboutissement du long voyage décrit dans ce livre qui constitue à nous transporter et nous faire découvrir comme Muhammad Asad a découvert, en nous partageant ses très profondes observations et réflexions, qui permettent finalement de méditer sur ce qui nous fonde en tant qu'humains tout court, mais aussi en tant qu'humains appartenant à la civilisation occidentale et/ou islamique. le tout sans aucun orientalisme de mauvais goût, et avec en plus, comme je l'ai dit, un vrai témoignage de première main sur des situations politiques majeures de l'époque (comme la révolte arabe ou encore l'arrivée du sionisme en Palestine). Pour ajouter encore de la richesse à un récit qui est déjà très généreux.

Un livre passionnant et bouleversant, mais en plus très chaleureux et bien écrit, qui pour résumer est un récit de voyage dans le sens le plus noble du terme car c'est un vrai dialogue et pont entre Orient et Occident et permet de mieux comprendre et se comprendre... Socialement, culturellement, politiquement... Et spirituellement...

P.S. Je vous encourage vivement à vous procurer la traduction française originale de Roger du Pasquier avec le titre original et la couverture originale, si vous y arrivez.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Dis-moi, frère, pourquoi les faranjis [occidentaux] se préoccupent-ils si peu de Dieu?

– C’est une longue histoire, lui dis-je, et cela ne peut pas s'expliquer en quelques mots. Tout ce que je peux te dire maintenant est que le monde des faranjis est devenu le monde du Dajjal, le Brillant, le Trompeur. As-tu déjà entendu parler de la prédiction de notre saint Prophète, selon laquelle, dans les derniers temps, la plupart des habitants du monde suivront le Dajjal, croyant qu'il est Dieu? »

Alors qu'il me regarde d'un air interrogateur, j'expose, avec l'approbation visible du cheikh Ibn Bulayhid, la prophétie relative à l'apparition de cet être apocalyptique, le Dajjal, qui sera borgne, mais doué de pouvoirs mystérieux à lui concédés par Dieu. II entendra de ses oreilles ce qui se dit aux coins les plus éloignés de la terre et verra de son œil unique des choses se produisant a des distances infinies ; il volera autour de la terre en quelques jours, amassera des trésors d’or et d'argent qu'il fera soudainement surgir du sol, fera tomber la pluie et croitre les plantes à son commandement, tuera et ramènera à la vie, de telle sorte que tous ceux dont la foi est faible croiront qu'il est Dieu Lui-même et se prosterneront devant lui en adoration. Mais ceux dont la foi est forte liront ce qui est écrit sur son front en lettres de feu : Négateur de Dieu, et ils sauront ainsi qu'il n'est qu'une imposture destinée a mettre a l'épreuve la foi de l’homme.

Mon ami le bédouin me regarde avec de grands yeux et murmure :

« Je cherche refuge en Dieu. »

Je me tourne vers Ibn Bulayhid :

« Cette parabole, ô cheikh, n'est-elle pas une description adéquate de la civilisation technique moderne? Elle est ‘’borgne’’, ce qui signifie qu'elle ne voit qu'un aspect de la vie, le progrès matériel, et ignore son aspect spirituel. A l'aide de ses merveilles mécaniques, elle rend l'homme capable de voir et d'entendre bien au-delà de sa capacité naturelle et de couvrir des distances illimitées à des vitesses inconcevables. Ses moyens scientifiques peuvent ‘’faire tomber la pluie et croitre les plantes‘’, de même qu'ils découvrent des trésors insoupçonnés sous la surface du sol. Sa médecine rend la vie a ceux qui paraissent condamnés a mort, alors que ses guerres avec leurs horreurs scientifiques détruisent la vie. Et son développement matériel est si puissant et si éblouissant que ceux dont la foi est faible se mettent à croire qu'il y a une divinité en elle. Mais ceux qui ont gardé la conscience de leur Créateur reconnaissent clairement que l'adoration du Dajjal équivaut à la négation de Dieu…

– Tu as raison, ô Muhammad, tu as raison ! s'écrie Ibn Bulayhid, me tapotant le genou avec excitation. II ne m'était jamais venu à l’esprit de considérer sous cette lumière la prophétie relative au Dajjal ; mais tu as raison ! Au lieu de comprendre que le progrès de l'homme et l'avancement de la science sont des effets de la bonté de notre Seigneur, des gens en nombre croissant se mettent à penser, dans leur folie, qu'ils sont des buts en eux-mêmes et sont dignes d'être adorés. »

Certes, me dis-je à moi-même, l’homme occidental s’adonne véritablement à l'adoration du Dajjal. II a depuis longtemps perdu toute innocence, toute intégration intérieure avec la nature. La vie lui est devenue une énigme. II est sceptique et donc isolé de son frère et solitaire à l'intérieur de lui-même. Afin de ne pas périr dans cette solitude, il doit s'efforcer de dominer la vie par des moyens extérieurs. Le fait d'être en vie ne lui donne plus de sécurité intérieure : il doit constamment lutter pour celle-ci, avec un effort renouvelé à chaque instant. Comme il a perdu toute orientation métaphysique et est bien résolu à s'en passer, il doit continuellement s'inventer des alliés mécaniques ; de là procède la poussée furieuse et désespérée de sa technique. Chaque jour il invente de nouvelles machines et donne à chacune d’elles quelque chose de son âme, de manière qu'elles luttent avec lui pour son existence. C'est assurément ce qu'elles font, mais en même temps elles lui suscitent de nouveaux besoins, de nouveaux dangers, de nouvelles craintes, avec une soif toujours inassouvie d'alliés nouveaux et encore artificiels. Son âme se perd dans l’engrenage toujours plus hardi, plus fantastique et plus puissant de la machine créatrice. Et la machine perd son véritable objectif – qui était de protéger et d'enrichir la vie humaine – pour évoluer jusqu’à être une sorte de divinité, un dévorant Moloch d'acier. Les prêtres et prédicateurs de cette divinité insatiable ne semblent pas se rendre compte que la rapidité du progrès technique moderne n’est pas seulement le résultat d'une croissance positive de la connaissance, mais aussi d'un désespoir spirituel, et que les grandes réalisations matérielles à la lumière desquelles l’homme occidental proclame sa volonté de parvenir à la maîtrise de la nature sont, au fond, d'un caractère défensif : derrière leurs façades brillantes se cache la crainte de l'Inconnu.

La civilisation occidentale n'a pas été capable d'établir un équilibre harmonieux entre les besoins corporels et sociaux de l'homme et ses exigences spirituelles. Elle a abandonné son ancienne éthique religieuse sans être capable de produire par elle-même aucun autre système moral, même théorique, qui la ramènerait à la raison. Malgré tous ses progrès dans le domaine de l’éducation, elle n'a pas pu surmonter la stupide disposition de l’homme à la proie des slogans, si absurdes soient-ils, que les démagogues croient devoir inventer. Elle a porté la technique de l'« organisation » au niveau d'un art, et néanmoins les nations de l'Occident démontrent quotidiennement leur totale incapacité de dominer les forces que les hommes de science ont suscités, et ils sont maintenant parvenus à un degré où les possibilités apparentent illimitées de la science vont la main dans la main avec un chaos à l'échelle mondiale. Privé de toute véritable orientation religieuse, l'Occidental ne peut pas bénéficier moralement de la connaissance – indéniablement – considérable que sa science lui prodigue. A lui peuvent s'appliquer les paroles du Coran :

Leur parabole est celle de gens qui ont allumé un feu ; mais lorsqu'il a répandu sa lumière autour d'eux, Dieu leur prit leur lumière et les laissa dans une obscurité où ils ne peuvent pas voir : sourds, muets, aveugles, et pourtant ils ne reviennent pas.

Cependant, dans l'arrogance de leur aveuglèrent, les Occidentaux sont convaincus que c'est leur civilisation qui apportera la lumière et le bonheur au monde... Aux XVIIIe et XIXe siècles, ils voulurent répandre l’Évangile du christianisme dans le monde entier. Mais maintenant que leur ardeur religieuse s'est rafraichie au point qu'ils considèrent la religion comme rien de plus qu'une musique adoucissante jouée en arrière-plan – qui peut accompagner, mais non influencer, la vie « véritable » – ils se sont mis à répandre l'évangile matérialiste du « genre de vie occidental » : c'est la croyance que tous les problèmes humains peuvent être résolus dans des fabriques, des laboratoires et dans les bureaux de statisticiens.

Et ainsi le Dajjal a établi son pouvoir... (pp. 268-270)
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En plus des Arabes, d'autres populations musulmanes attendaient de lui une revivification de l'idée de l'Islam dans sa plénitude par l'établissement d'un État où l'esprit du Coran règnerait en maître. Mais ces espérances furent déçues. A mesure que son pouvoir s'accroissait et se consolidait, il devenait évident qu'Ibn Saoud n'était rien de plus qu'un roi et que ses objectifs n'étaient pas plus élevés que ceux de tant d'autres autocrates orientaux avant lui.

Homme juste et bon dans ses affaires personnelles, loyal envers ses amis et alliés, généreux pour ses ennemis, bien plus doué intellectuellement que la moyenne de son entourage, Ibn Saoud, pourtant, n'a pas fait preuve de la largeur de vision et, dans la conduite des affaires, de l'inspiration que l’on aurait pu attendre de lui. Certes il a instauré dans ses vastes domaines des conditions de sécurité publique que l'on n'avait pas vues dans les pays arabes depuis le temps des premiers califes il y a plus d'un millénaire. Mais, à la différence de ces premiers califes, il y parvint par le moyen de lois rigoureuses et de mesures punitives plus qu'en inculquant a son peuple le sens de la responsabilité civique. II envoya quelques groupes de jeunes gens étudier a l'étranger la médecine et les télécommunications, mais il ne fit rien pour répandre le désir d'instruction dans l'ensemble de la population et pour la tirer de l'ignorance où elle était enfoncée depuis des siècles. II parle toujours, avec tous les signes extérieurs de la conviction, de la grandeur du mode de vie musulman, mais il n'a rien fait pour l’instauration d'une société juste et ouverte au progrès où ce mode de vie aurait pu trouver son expression culturelle.

II est simple, modeste et travailleur. Mais en même temps il cède au gout du luxe le plus extravagant et le plus insensé et tolère que son entourage agisse de même. Il est profondément religieux et s'acquitte à la lettre de toutes les prescriptions formelles de la loi islamique, mais il semble rarement songer au contenu spirituel et au sens de ces prescriptions. II accomplit avec une extrême régularité les cinq prières canoniques quotidiennes et passe en actes de dévotion de longues heures de la nuit, mais l'idée ne parait pas lui être jamais venue que la prière est un moyen et non un but en soi. Il aime parler de la responsabilité du souverain envers ses sujets et cite souvent cet enseignement du Prophète : « Chaque homme est un berger charge de responsabilité envers son troupeau. » Cela ne l'a pas empêché de négliger l'éducation même de ses propres fils, les laissant mal préparés à affronter leurs taches futures. Et lorsqu'on lui demanda un jour pourquoi il n'organisait pas son État sur une base moins personnelle, de manière que ses fils héritent d'un gouvernement solidement structuré, il répondit :

« J'ai conquis mon royaume à la pointe de l'épée et par mes propres efforts. Que mes fils accomplissent leurs propres efforts après moi. » (p. 165)
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Un jour de septembre 1926, nous voyagions, Elsa et moi, dans le métro de Berlin. Nous étions dans un compartiment de première classe. Mon regard tomba par hasard sur un passager bien habille vis-à-vis de moi, apparemment un homme d'affaires aisé, avec un beau porte-documents de cuir sur ses genoux et un gros diamant au doigt. Je songeai que la silhouette corpulente de cet homme correspondait bien à l'image de prospérité qui, à cette époque, était courante dans toute l'Europe centrale, prospérité d'autant plus ostensible qu'elle était venue après des années d'inflation durant lesquelles toute la vie économique avait été sens dessus dessous et les apparences de pauvreté s’étaient imposées partout. La plupart des gens étaient maintenant bien vêtus et bien nourris et le monsieur qui me faisait face ne constituait donc pas d'exception. Mais lorsque je regardai son visage, je n'eus pas l'impression de voir un homme heureux. Il paraissait non seulement soucieux, mais profondément malheureux, avec des yeux fixes et vides et les coins de la bouche tirés comme s'il souffrait, mais non d'une douleur physique. Ne voulant pas être impoli, je détachai mes yeux de lui et les portai sur une dame assez élégante occupant la place d'à côté. Elle aussi avait une expression étrangement malheureuse, comme si elle contemplait ou subissait quelque chose qui lui causait de la peine ; pourtant sa bouche était raidie dans le semblant durci d'un sourire qui, sans doute, devait lui être habituel. Alors je me mis à regarder tous les autres visages du compartiment, visages appartenant sans exception à des gens bien habillés et bien nourris : sur presque chacun d'entre eux, je pouvais discerner une expression de souffrance cachée, si cachée que la personne à qui appartenait le visage semblait en être inconsciente.

Cela était assurément étrange. Jamais auparavant je n'avais vu autant de visages malheureux autour de moi. Peut-être n'avais-je jamais auparavant regardé ce qui maintenant s'exprimait si nettement en eux ? En tout cas l'impression était si forte que j'en fis part à Elsa. Elle commença aussi à regarder autour d'elle avec des yeux attentifs de peintre habitué à étudier les traits humains. Puis, surprise, elle se tourna vers moi et dit :

«Tu as raison. Ils ont tous l'air de souffrir les tourments de l'enfer... je me demande s'ils savent eux-mêmes ce qui se passe en eux ? »

Je savais bien que ce n'était pas le cas, sinon ils n'auraient pas continue à gaspiller leur vie comme ils le faisaient, sans foi dans aucune vente qui les engage, sans but au-delà de leur désir d'accroitre leur « niveau de vie », sans autre espoir que d'acquérir plus de possibilités matérielles, plus d'amusements et peut-être plus de pouvoir...

Rentré à la maison, je regardai par hasard mon bureau sur lequel était ouvert un exemplaire du Coran que j'avais lu avant de sortir. Machinalement je pris le livre pour le mettre de côté, mais, au moment où j’allais le fermer, mes yeux tombèrent sur la page ouverte devant moi et je lus :

Vous êtes obsédés par le désir de plus et de plus, jusqu'à ce que vous
descendiez dans vos tombes.
Non, mais vous en viendrez à savoir!
Non, si seulement vous saviez avec la connaissance certaine, vous verriez
assurément dans quel enfer vous êtes.
Au temps venu, certes, vous le verrez avec l’œil de la certitude.
Et ce jour-là on vous demandera ce que vous avez fait du bienfait de la
vie.

Je restai muet un instant. Je crois que le livre tremblait dans mes mains. Puis je le tendis à Elsa.

« Lis cela. N'est-ce pas une réponse à ce que nous avons vu dans le métro ? »

C’était une réponse, une réponse si décisive que toute hésitation soudain prit fin. Je savais maintenant, sans aucun doute, que je tenais entre mes mains un livre inspiré par Dieu. Car, bien qu'il eut été placé devant l'homme plus de treize siècles auparavant, il prévoyait clairement quelque chose qui n'avait pu se réaliser que dans notre époque compliquée, mécanisée et fantomatique. (pp. 282-283)
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Tant d'opinions fausses sur l'Islam prévalaient en Occident. Ces idées occidentales courantes pouvaient être résumées ainsi : Le déclin des musulmans est dû principalement à l'Islam qui, loin d'être une idéologie religieuse comparable au christianisme ou au judaïsme, est plutôt un mélange impur de fanatisme d'hommes du désert, de sensualité grossière, de superstition et d'un fatalisme muet empêchant ses adhérents de participer au progrès de l'humanité vers des formes sociales plus élevées, au lieu de libérer l'esprit humain des chaines de l'obscurantisme, l'Islam les a plutôt resserrées ; en conséquence, plus vite les peuples musulmans seront émancipés des croyances et des règles sociales de l'Islam pour adopter le mode de vie de l'Occident, mieux cela vaudra pour eux-mêmes et pour le reste du monde...

Mes observations personnelles m'avaient maintenant persuadé que l'Occidental moyen se faisait de l'Islam une image extrêmement déformée. Ce que je lisais dans les pages du Coran n'était pas une conception du monde « grossièrement matérialiste », mais au contraire une intense conscience de Dieu s'exprimant dans une acceptation rationnelle de toute la nature créée par Dieu ; c'était une synthèse harmonieuse de l'intellect et des besoins des sens, des impératifs spirituels et des nécessites sociales. Il me devenait évident que la décadence des musulmans n'était due à aucune insuffisance de l'Islam, mais bien plutôt à leur propre incapacité de le vivre pleinement.
(…)
Quand ils méditaient cet enseignement du Prophète disant que Dieu n'a créé aucune maladie sans créer aussi un remède contre elle, ils comprenaient que, par la recherche de remèdes jusque-là inconnus, ils contribueraient à un accomplissement de la volonté de Dieu sur la terre. Il en résulta que la recherche médicale prit le caractère sacre d'un devoir religieux. Ils avaient lu ce verset du Coran : Nous avons créé toute chose vivante à partir de l'eau et, dans leur effort de pénétrer le sens de ces paroles, ils commencèrent à étudier les organismes vivants et les lois de leur développement. Ils posèrent de la sorte les fondements d'une science : la biologie. Le Coran désignait l’harmonie des étoiles et de leurs mouvements comme des témoignages de la gloire du Créateur ; dés lors les musulmans se mirent à l'étude de l'astronomie et des mathématiques avec une ferveur qui, dans d'autres religions, aurait été réservée seulement à la prière. Le système copernicien, qui démontrait la rotation de la terre autour de son axe et la révolution des planètes autour du soleil, fut élaboré en Europe au début du XVIe siècle (ou il souleva la colère des hommes d’Église qui y virent une contradiction de l’interprétation littérale de la Bible). Mais les fondements de ce système avaient été poses six siècles auparavant dans des pays musulmans. En effet, dés les IX et Xe siècles, des astronomes musulmans étaient arrives a la conclusion que la terre était sphérique et qu'elle tournait autour de son axe. Bon nombre d'entre eux ont même soutenu, sans jamais être accuses d'hérésie, que la Terre tournait autour du soleil. De même furent étudiées la chimie, la physique, la physiologie et autres sciences. A tout cela le génie des musulmans apporta une contribution impensable. Ils ne firent d'ailleurs rien d'autre que de suivre les injonctions de leur Prophète : A quiconque part à la recherche de la connaissance, Dieu rendra aise le chemin du Paradis ; le savant marche dans la voie de Dieu ; la supériorité du savant sur l'homme seulement pieux est pareille à la supériorité de la pleine lune sur tous les autres astres ; l'encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs.

Durant toute la période créative de l'histoire musulmane, correspondant en gros aux cinq siècles suivant le temps du Prophète, la science et l'instruction n'avaient pas de plus grand défenseur que la civilisation musulmane elle-même et aucune patrie plus sure que les pays où dominait l'Islam. (pp. 177-178)
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Je me souviens toujours d'une brève discussion que j’eus à ce sujet avec le Dr. Chaim Weizmann, leader incontesté du mouvement sioniste.
(…)
– Mais vous avez été absents de Palestine pendant près de deux mille ans ! Auparavant vous aviez dominé ce pays, et même seulement en partie, pendant moins de cinq cents ans. Ne pensez-vous pas que les Arabes auraient autant de droit de revendiquer l'Espagne, car, après tout, ils y ont exercé leur pouvoir pendant près de sept cents ans et ne l'ont tout à fait quittée que depuis cinq cents ans… »

Le Dr. Weizmann devenait visiblement impatient :

« Non-sens. Les Arabes avaient seulement conquis l'Espagne qui ne fut jamais leur véritable patrie. Ainsi ce ne fut que justice s'ils en furent finalement chasses par les Espagnols.

– Excusez-moi, répondis-je. Mais il me semble qu'il y a la une omission historique. Après tout les Hébreux étaient aussi des conquérants lorsqu'ils sont venus en Palestine. D'autres tribus sémitiques et non sémitiques y étaient établies longtemps avant eux : Amorites, Edomites, Philistins, Moabites, Hittites. Ces tribus ont continué à vivre là encore à I'époque des royaumes d’Israël et de Juda. Elles y vécurent toujours après que les Romains eurent chasse nos ancêtres. Et elles y vivent encore aujourd’hui. Les Arabes qui s’installèrent en Syrie et en Palestine après les avoir conquises au VIIe siècle ne furent jamais qu'une petite minorité de la population. Les autres, que nous appelons aujourd'hui les « Arabes » palestiniens ou syriens, ne sont en réalité que les habitants originels du pays qui furent arabisés. Certains d'entre eux devinrent musulmans au cours des siècles et d'autres restèrent chrétiens. Il y eut naturellement des mariages entre ces musulmans et leurs coreligionnaires d'Arabie. Mais pouvez-vous nier que la masse des habitants, musulmans au chrétiens, de la Palestine, qui parlent arabe, sont les descendants en ligne directe des habitants originels, originels en ce sens qu'ils vivaient dans ce pays des siècles avant l’arrivée des Hébreux ? »

Le Dr, Weizmann accueillit ma sortie avec un sourire poli et parla d'autre chose.

Je ne fus pas satisfait de l'issue de mon intervention. (pp. 91-92)
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