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4,15

sur 1843 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le témoignage de 3 femmes est retranscrit afin de mieux comprendre la chute de la théocratie de Galaad:
Les écrits de " Tante Lydia ", l'un des piliers de Galaad en quête de rédemption, ceux d'Agnès, une Perle éduquée et conditionnée depuis son plus jeune âge par les Tantes de Galaad afin de devenir une Épouse, et,enfin, ceux de "Nicole",elle bébé exfiltrée de Galaad et devenue bien malgré elle une icône utilisée comme martyre par le régime,...
Trente Cinq après La Servante Écarlate, l'auteure nous délivre enfin la suite s'appuyant sur ces 3 personnages emblématiques...
Pour reprendre les mots de Margaret Atwood, tout ce qui est écrit dans La Servante Écarlate et Les Testaments ayant déjà réellement existé, cela dresse un constat affligeant pour l'humanité mais également et heureusement un peu d'espoir...
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À la fin de la servante écarlate, le lecteur apprenait que le régime de Giléad/Galaad (la traduction change) était tombé et faisait l'objet de nombreuses études. Avec la série télévisée produite par Hulu, le téléspectateur découvre ce qui arrive à Defred après qu'on l'ait quittée dans l'avant-dernier chapitre du roman original. Avec Les testaments, le lecteur/téléspectateur comprend comment Galaad est tombé grâce aux témoignages de trois femmes dont les destins n'ont pas cessé de se croiser entre le premier roman et la série. le récit d'une Tante, entre souvenirs de la fondation du régime et espoir qu'il s'amende, porte sur Galaad un éclairage qui est loin d'être manichéen. « J'imagine que tu t'attends à de pures horreurs, mais en réalité, des tas d'enfants étaient aimés et chéris à Galaad comme ailleurs, et des tas d'adultes était gentils quoique faillibles à Galaad comme ailleurs. [...] Accorde-moi aussi la possibilité de pleurer la perte de tout ce qui a pu être bien. » (p. 14) Alternent également les témoignages de deux jeunes filles : l'une a grandi à Galaad et s'apprête à accomplir son destin de femme ; l'autre a grandi au Canada et regarde avec horreur la dictature voisine. « À moins d'être une sorte de monstre, comment pouvait-on être pour Galaad ? Surtout si on était une femme ? » (p. 51)

Quand la Tante écrit « Je connais les secrets de Galaad, j'ai oeuvré pour. », impossible de ne pas comprendre que c'est Margaret Atwood qui parle. Cette suite de la servante écarlate me semble être une façon pour l'autrice de reprendre la main sur son histoire et ses personnages face au traitement qu'en fait la série. Je trouve cette dernière excellente, en ce qu'elle a parfaitement respecté le livre original dans la première saison tout en sachant l'actualiser pour que cela corresponde à nos réalités technologiques, mais également parce qu'elle extrapole dans les saisons suivantes tout un univers cohérent à partir du matériau de base. Mais Les testaments, ce n'est pas seulement un geste d'humeur de l'autrice, c'est en fait profondément intelligent puisque Margaret Atwood intègre des personnages de la série dans son nouveau texte. (p. 68) Ainsi, apprendrons-nous enfin ce qu'est devenue Bébé Nicole ? En saurons-nous plus sur Mayday, le réseau clandestin qui aide les femmes à échapper à Galaad, version moderne de l'Underground Railroad des esclaves américains ? Retrouverons-nous Defred, l'héroïne dont on suivait le récit dans le roman original ?

À voir maintenant comment la série intégrera les lignes directrices données par cette suite du premier roman. « Une fois qu'une histoire qu'on croyait vraie se révèle fausse, on doute de toutes les autres. » (p. 308)
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Alors, est-ce que les Testaments sont vraiment une suite à la Servante écarlate ? Je dirais à la fois oui et à la fois non.
Oui, parce qu'on est toujours avec Galaad, qu'on y retrouve l'un ou l'autre personnage pour faire les ponts…
Et non parce que, si on est bien chronologiquement « après » le premier roman, les liens entre les deux sont trop ténus pour que le lecteur se situe bien dans le temps et finalement, après quelques chapitres, on comprend qu'il n'y a pas réellement de lien à faire entre les deux pour suivre l'intrigue. D'ailleurs, j'irais jusqu'à dire que quelqu'un qui n'a pas lu la Servante écarlate pourrait lire les Testaments sans rien perdre de fondamental pour parvenir satisfait à la fin du roman. Bien entendu, ce serait dommage, le premier tome étant un excellent roman, et puis, le lecteur raterait sans doute les subtilités qui font toute la saveur de ce tome-ci.
A ma grande surprise, les Testaments est un vrai page turner ; qualificatif qu'on n'aurait jamais pensé attribuer à la Servante écarlate. Exit l'atmosphère oppressante, exit les introspections…
Nous suivons ici 3 personnages, que nous ne parvenons pas, dans un premier temps, à situer sur un plan chronologique entre eux. Les 3 personnages racontent leur histoire sous forme de témoignage ou de testament olographe. L'un est fortement impliqué dans la vie de Galaad, l'autre est une jeune fille qui est née et a grandi à Galaad (donc, qui n'a aucune connaissance du monde d'avant) et enfin une jeune fille qui vit en dehors de Galaad et qui n'en connait que ce qu'on en raconte à l'école ou la télé.
Les points de vue entre ces 3 protagonistes alternent, à un rythme assez trépidant. le début de lecture apporte beaucoup de mystères et donc de questions qui trouveront leurs réponses au fur et à mesure de la lecture. Ça m'a d'ailleurs étonnée qu'il y ait un « hors Galaad » tant à la fin du premier roman j'imaginais que le monde était devenu comme Galaad et ici, coup de tonnerre après quelques pages : il reste bien un monde qui ne vit pas au rythme de Galaad, qui, lui, est donc presque réduit à un pays, voire une grande région… Et ces deux mondes se croisent, s'entremêlent, connaissent l'existence de l'autre et certains de ces mécanismes. Alors comment en arrive-t-on à ce que le monde « occidental » accepte l'apparition et le fonctionnement sur ses terres d'un Galaad ? Mystère qui rend la situation encore plus effrayante.
Je me suis bien connectée aux trois personnages clés de ce roman et j'ai vraiment apprécié de vivre plusieurs heures à leurs côtés. J'ai été agréablement surprise par l'intrigue et le format qui a rendu ma lecture trépidante par moment. J'ai juste finalement regretté qu'on ait perdu ce petit quelque chose qui avait fait de la Servante écarlate un classique de la dystopie qui reste en mémoire longtemps.
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LA SERVANTE ÉCARLATE suivi de LES TESTAMENTS


J'ai vu dernièrement les deux premières saisons de la Servante Écarlate, et du coup j'ai eu envie de relire la dystopie de Margaret Atwood. J'avais déjà publié un billet sur le premier volume qui m'avait beaucoup marquée presque perturbée tant cette histoire de théocratie m'avait parue vraisemblable dans une Amérique où pour lutter on chante des chants d'origine religieuse “Amazing grace” ou “we shall overcome”, où des prédicateurs font des shows télévisés, ou la sphère religieuse est liée à la vie politique avec leur “In God we trust” qui me gène en bonne fille d'un pays où la séparation de l'Eglise et de l'Etat existe depuis plus d'un siècle et n'est pas remise en question. Je suis vraiment persuadée que la Foi est une affaire strictement privée quel que soit le nom que l'on donne à Dieu.
De plus l'idée que les femmes sont trop faibles pour supporter le savoir, le travail et tout simplement qu'elles sont soumises à l'autorité des hommes est absolument non seulement scandaleuse mais aussi effrayante, il y a encore des pays où l'on pense ainsi. J'ai lu ce livre en m'imaginant dans cet univers, ce que je n'arrive pas si souvent à faire.
C'est vrai qu'avoir la responsabilité non seulement d'assurer la satisfaction de ses besoins mais aussi de ceux d'un enfant qu'on n'a pas choisi d'élever seule est parfois très difficile. Mais s'il faut tout faire soi-même et être seule à assumer ses choix bons ou mauvais, je ne voudrais pour rien au monde que quelqu'un me soulage de cette charge en me déclarant incapable de l'endosser.

Les testaments que j'ai lu à la suite pour la première fois m'a également beaucoup plu et sans doute moins éprouvée. Ces trois récits entrelacés qui relatent comment Tante Lydia et les autres Tantes ont créé la sphère féminine et comment Lydia a su manoeuvrer pour introduire le ver dans le fruit (on le comprend assez vite) répondent aux nombreuses questions que les lecteurs se sont posé.
La encore le final sous forme de colloque d'historiens, plusieurs générations après les faits est vraiment une trouvaille.

Une excellente lecture qui pose de bonnes questions

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Comme tous les romans d'anticipation, il reste cette sensation sournoise que, malgré les mises en garde des plus lucides, nous mettions tout en oeuvre pour concourir à notre propre perte.
À Galaad il est déjà trop tard, mais dans notre société de 2020, qu'en est-il ?
Heureusement, ceci est une oeuvre de fiction et les personnages ou les situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires (ouf !). Toute ressemblance avec la réalité ne saurait être que pure coïncidence (Ah…).

Et puis il y a l'affront fait aux femmes, comme c'est souvent le cas dans les dictatures théocratiques. Là aussi, le sujet est saisissant et la colère sous-jacente légitime.
"Spéciale dédicace" à Nicole pour ce coup de poing vengeur et salvateur !

Enfin, la couverture moderne et expressive réalisée par Noma Bar m'a séduit ; Tout autour ce bleu nuit froid et distant (la dictature), les visages absents traduisant la négation des femmes réduites à l'état de servantes ou de moniales, la robe et la guimpe d'un vert cru traduisant la vigueur et la force qui sommeille dans le cœur des filles malgré le blanc immaculé de la coiffe (la pureté supposée ou exigée).
L'écriture est rythmée, l'intrigue bien menée - quoi qu'un peu bousculée dans la dernière partie.
Prenez le temps de lire auparavant La Servante Écarlate. C'est mieux.
Ce roman est une clé pour s'évader de nos carcans étriqués.
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Depuis que Les Testaments est sorti, j'étais partagé entre le désir de retrouver l'univers de la servante écarlate, et la peur d'être déçue. Sans compter qu'il y a encore deux autres Margaret Atwood dans ma bibliothèque qui m'attendent, mais tant pis, voilà, j'ai craqué.
Les Testaments se déroulent plusieurs années après La Servante et est un roman chorale, trois voix, trois femmes, enfin deux jeunes filles et une femme, dont les destins vont s'entrecroiser. Mes parties préférées concernent la Tante Lydia. Quel personnage fascinant, quelle fascinante plongée dans sa psyché, terrible, avec ses contradictions, sa volonté de faire, ses crimes et ses raisons.
Contrairement au premier roman qui, à part le très court épilogue, se déroulait entièrement dans la théocratie dictatoriale, Les Testaments s'offre un détour par le Canada, et je trouve que cela le rend encore plus glaçant en l'ancrant plus avant dans notre monde. Au Canada, les gens vivent leur vie pèpère telle que nous la connaissons, et la frontière passée.... Bien plus marquant finalement! Que d'horreurs se produisent de nos jours, et notre vie continue tranquillement, comme dans ce roman.
Ce n'est pas la claque du précédent, mais c'est un grand roman, par une très grande plume. Franchement, qu'est-ce qu'ils attendent pour lui donner le Prix Nobel de littérature?
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Lorsque j'ai lu (et adoré) le roman La servante écarlate, je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait une série, puis une suite de série... Lorsque j'ai regardé (et adoré) la série (toutes les saisons), je ne m'attendais pas à ce qu'on revienne à une suite en roman... Bref, ces Testaments m'étonnaient et m'inquiétaient en même temps : comment rester crédible avec toutes ces suites et ces développements pas prévus au départ, dans un roman vieux de 30 ans ?
Hé bien, je ne suis pas déçue, et même complètement bluffée : non seulement ça tient la route par rapport au roman d'origine, mais ça colle aussi avec la série et ses développements ultérieurs possibles, bref, c'est tout bonnement génial, et nécessaire.
Trois narratrices, dont on devine peu à peu l'identité, trois voix féminines dans le Galaad machiste et totalitaire. Moins de violence que dans la série, encore que... Un style efficace, une ambiance inénarrable... Bref, un coup de coeur, et chapeau au brio de l'auteure !
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Tâche difficile que d'écrire une suite à « la servante écarlate », ce roman a séduit tellement de lecteurs.
Margaret ne nous propose donc pas tout à fait une suite, mais plutôt une autre approche, nous offrant la vision de la société totalitaire et patriarcale de Gilead à travers le destin de trois femmes : une jeune fille issue de la haute société de Galaad, une autre vivant au Canada appartenant au réseau de résistance Mayday, et une des quatre tantes fondatrices, manipulatrice et bourreau du régime. Nous croisons aussi à travers ces trois histoires le sort de femmes issues d'autres pans de la société : les servantes, les marthas.

Nous en apprenons ainsi davantage sur les différentes couches de la société et leur fonctionnement, l'endoctrinement des jeunes filles, le rôle et les missions des tantes et des perles, les attaques de l'extérieur avec le réseau de résistance Mayday.

Une lecture a pour but de nous faire vivre des émotions, et ce livre m'en a procurées.
J'ai été révoltée par la violence faite aux femmes, par le conditionnement de ces jeunes filles que l'on destine à des hommes qui ont tout pouvoir sur elle. Leur devoir est de se marier très tôt et de procréer si elles en sont capables. « Les hommes doivent se sacrifier à la guerre, et les femmes autrement… Une femme doit honorer son maître. »
Ce récit que l'on qualifie de dystopique dans notre société n'en est pas moins la réalité dans d'autres pays du monde. Et c'est en cela qu'il tire sa force.
J'ai été écoeurée par le sort des servantes et en particulier celui de Dekyle. « Elles passent de l'un à l'autre jusqu'à ce qu'elles aient un bébé. de toute façon, c'est toutes des putes, elles n'ont pas besoin de vrai nom. »
J'ai aimé le côté rebelle de ces jeunes filles qui refusent de vivre le destin que les hommes ou les femmes soumises leur imposent.
J'ai aimé le personnage ambiguë et complexe de tante Lydia, manipulatrice, impitoyable, mais aussi droite et prête en fin de vie à se sacrifier pour une société plus juste et égalitaire. Qu'aurions-nous fait à sa place ? Difficile de juger. « Mieux vaut se fondre dans la foule mielleuse qui prie pieusement et se répandre en humeurs haineuses. Mieux vaut lancer des pierres que les recevoir en pleine figure. Ou disons que, pour rester en vie, c'est mieux ».

J'ai été un peu moins séduite par la fin, sans surprise, trop classique à mon goût.
Mais j'ai passé un très bon moment de lecture, j'ai aimé ses idées féministes, son style percutant, tranchant. Et que dire de la couverture, très moderne, de ce vert très vif qui attire le regard. Je vous le conseille très vivement.
Et pour ma part, je retrouverai cette auteure avec beaucoup de plaisir lors d'une prochaine sortie littéraire.
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Gros coup de coeur mais c'était pas gagné.
Difficile de reconnaitre le grand chef d'oeuvre de Margaret Atwood. Sortir une suite 35 ans après, c'est un sacré défi. J'ai tendance à me méfier de ce regain de réchauffé car on en sort souvent déçu. Et ici, cela partait droit dans le mur car j'ai eu du mal à me remettre dans l'ambiance.
Il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre et cerner certaines choses. Comprendre que j'avais trois héroïnes distinctes à trois lieux différents. Comprendre que j'étais 15 ans après les événements de la servante écarlate. J'ai une sorte d'interrogatoire donc je dois suivre les pensées de trois femmes. Qui sont-elles par rappport à Defred….. Rien et c'est là que j'ai déchanté. J'ai eu l'impression de repartir à zéro et découvrir encore Galaad.
Qui est interrogée? Agnès une jeune fille prête à marier, Tante Lydia une haute fonctionnaire de Galaad et une jeune fille étrangère à tout ça….. Et ces trois femmes vont se rejoindre pour nous offrir un moment crucial.
Comme l'indique le titre, Les testaments c'est ce qu'il reste de Galaad. Les écrits restent et l'on peut les interpréter comme on le souhaite. Nous suivons le parcours de ces trois femmes qui ont changé les événements. Un renouveau grâce à la femme c'est ce que l'on souhaite fortement.
Encore un fois, Margaret Atwood nous propose un dystopie plus que réaliste. Elle a des choses à revendiquer, elle donne le pouvoir à la femme, elle pointe du doigt le comportement phallocrate. Un coup de coeur puissant sachant quand on voit où nous emmène l'auteure canadienne. Un gros effet de surprise dont on s'y attend pas vraiment.
Galaad/Gilead n'existe pourtant pas mais les situations malsaines sont si réalistes et plausibles. Moi certaines scènes m'ont rappelé certains pays je suis désolée.
Un roman qui est dur à se remettre dans l'ambiance au départ mais rondement mené. Un roman qui prend au trippes. Une vengeance de femme époustouflante.
Un gros coup de coeur et c'était pas gagné.
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La suite tant attendue de LA SERVANTE ECARLATE! J'étais chez ma libraire dès le lendemain de sa sortie, mais c'est à la fois avec impatience et appréhension que je me suis plongée dans LES TESTAMENTS. Comment, trente-quatre ans après avoir écrit LA SERVANTE ECARLATE, Margaret ATWOOD allait-elle gérer le phénomène qu'est devenu son livre et la série qui en a découlé? Que faire de l'avance prise par la série sur l'histoire de Defred puisque la saison 1 correspond au roman, et que tout le reste relève de l'imagination (fertile!) des auteurs de la série? Madame ATWOOD avait-elle seulement voulu surfer sur le succès en sortant la suite ?

ALERTE ROUGE, REVELATIONS IMMINENTES : à ce stade, si vous n'avez pas lu LA SERVANTE ECARLATE et si vous n'avez pas vu les trois saisons de la série, vous vous exposez à des révélations qui gâcheraient votre plaisir et ce serait vraiment dommage! Vous voilà prévenus!

Dans LES TESTAMENTS, Margaret ATWOOD fait un bond en avant de quinze ans dans l'histoire de GILEAD, devenue GALAAD. La série avait pris de l'avance? L'auteur a effectué un dépassement non autorisé et résolu le problème. C'est très malin, et j'y vois aussi, peut-être à tort, une certaine volonté de l'auteur de reprendre la main sur son histoire et de décider de sa destinée. Et c'est très réussi, car LES TESTAMENTS nous rappelent que cette histoire est bien le bébé de Margaret ATWOOD, un chef d'oeuvre écrit en 1985 et pourtant tellement moderne, tellement contemporain, tellement en résonance avec les dérives de notre société actuelle, et qui a fait de son auteur une incroyable visionnaire.

Ce bond dans le temps nous donne l'occasion de connaître le parcours de trois personnages. En alternant les témoignages - les testaments - de ces trois figures féminines (évidemment), Margaret ATWOOD nous plonge dans le quotidien de GALAAD en nous en offrant trois points de vue bien différents puisque ces trois femmes n'ont pas du tout connu le même destin et n'ont pas été impactées de la même manière par le régime.

Le premier personnage, Daisy, est le témoin extérieur. Adolescente de seize ans qui a grandi au CANADA, pour elle GALAAD est une dictature à combattre mais qui reste loin de son quotidien; elle n'en connaît que ce que la télé lui en dit, ça et bien sûr Bébé Nicole. A noter que Bébé Nicole n'existe pas dans LA SERVANTE ECARLATE, seulement dans la série et que Margaret ATWOOD se l'est donc appropriée. Bébé Nicole, c'est l'enfant de Defred, celui qu'elle est parvenue à sauver de GALAAD en la faisant s'enfuir au CANADA. Depuis, Bébé Nicole est devenu un symbole : au CANADA celui des femmes sauvées de la tyrannie de GALAAD, à GALAAD l'enfant volé que le régime n'a jamais renoncé à récupérer et dont la photo est partout. L'univers de Daisy et celui de GALAAD vont brutalement s'entrechoquer lorsqu'elle découvre la vérité sur ses parents et qu'elle comprend que le régime est bien plus proche d'elle qu'elle ne le croyait.

Le deuxième personnage n'est qu'effleuré dans le roman, et pour cause : c'est Agnès, la fille que June a eue avant de s'appeler Defred, avant l'avènement de GALAAD, cette fille qu'on lui a enlevée pour la donner à une autre famille. Contrairement à Daisy, Agnès est un pur produit de GALAAD. Confiée à la famille d'un Commandant haut placé, elle a grandi choyée sans remettre en cause les belles histoires qu'on lui a racontées sur son enfance, façonnée par des règles qu'elle n'envisage pas un instant de remettre en cause, coulée dans le moule. Elle n'a jamais connu que GALAAD et ne souhaitait rien d'autre, jusqu'à ce qu'elle sorte de l'enfance et soit confrontée au sort qu'on réserve aux jeune filles dès qu'elles ont l'âge de procréer.

Le troisième enfin fait partie de ces personnages de LA SERVANTE ECARLATE qu'on adore détester : Tante Lydia. Celle qui fut l'une des fondatrices de GALAAD, l'une de celles qui en a écrit les règles et a contribué à son expansion. Je suis ravie que Margaret ATWOOD ait exploré ce personnage complexe, qu'on aurait bien étranglé de nos mains à plusieurs reprises et qui pourtant demeure fascinant, intrigant. A-t-elle toujours été aussi méchante? Comment et pourquoi en est-elle arrivée à accepter ça et à aider à l'installer? LES TESTAMENTS est l'occasion de la découvrir et de recueillir son sentiment sur tout ce qu'elle a fait et laissé faire, son recul sur ce nouveau régime et le but qu'il s'était donné.

Les chemins de ces trois femmes vont se croiser de manière surprenante pour offrir à GALAAD la fin qu'il mérite. Nicole, Agnès et Lydia sont trois femmes qui vont devoir se battre pour survivre, chacune avec ses armes mais au final pour une cause commune, leur liberté. Chacune détient des secrets susceptibles de faire vaciller les fondations du régime.

En pensant, au début de ma lecture, "quel plaisir de retrouver l'univers de GALAAD", je me suis dit que c'était quand même un peu bizarre, mais maintenant que j'ai fini le livre je suis définitivement nostalgique.

On y retrouve tout ce qui a fait la force de LA SERVANTE ECARLATE, et LES TESTAMENTS pourraient avoit été écrit dans la foulée et non trente-quatre ans après. La supériorité et le mépris des hommes, la religion comme prétexte pour asservir et ligoter les corps comme les âmes, mais toujours pourtant la résistance des femmes, leur volonté d'indépendance et de liberté, leur refus de l'injustice.

Margaret ATWOOD a réussi son pari avec intelligence et astuce. Son roman est plein de suspense sur le devenir de ces trois femmes et de GALAAD. On en voudrait encore.

L'auteur parvient à la fois à faire revivre tout l'univers de LA SERVANTE ECARLATE et à nous offrir un nouvel aspect de GALAAD, en créant de nouveaux personnages comme Les Perles, ces envoyées prosélytes de GALAAD envoyées à l'étranger pour sauver les âmes damnées - dont les costumes fleuriront aussi sûrement que ceux des Servantes - ou en en développant d'autres, comme les résistants de MAYDAY qui occupent une large place dans le roman.

Il n'était pourtant pas facile de se renouveler, mais Madame ATWOOD a su le faire. Dans LES TESTAMENTS, c'est une plongée au coeur du régime à laquelle on a droit. Au travers des méandres de GALAAD, on en effleure les sombres secrets, les dérives de ce règime qui connaît finalement les mêmes que celles qu'il prétendait combattre.

Je terminerai en attirant votre attention sur la sublime couverture du roman, et je vous laisse découvrir pourquoi on est passé de l'écarlarte au vert printemps... et n'oubliez pas : "Nolite te bastardes carborundorum", jamais.
Lien : http://cousineslectures.cana..
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