La passion inconditionnelle pour l’art anime la poitrine et la main de cet artiste éclectique. Cette diversité technique et de supports lui confère un statut de choix dans le cercle restreint de la jeune génération d’artistes. Elkahfaï traque l’émotion là où elle affleure, là où elle croît. Qu’il s’agisse de corps autonomes ou d’objets, il y a toujours une poussée intérieure qui fait surface, contaminée par le geste qui en apaise la frénésie et le vertige.
Cette œuvre semble ramener à la surface tous les instants du vivre liés à l’être-au-monde. Quand il forge son support, une sensation surgit et continue d’assurer l’essentiel : le temps invulnérable de la vie.
Ce choix est, philosophiquement, fécond. Il est une douce protestation contre la finitude. Cet art relevé par la dimension ontologique est chant de permanence. C’est pourquoi ces œuvres portent la trace d’un monde qui a présidé à leur avènement et qu’elles convertissent à leur tour, le contaminant de la beauté assise sur le genou du quotidien. Muriel Augry-Merlino ne réinterroge-t-elle pas l’énigme familière des choses et du cœur ? Ces liens subtils entre le réel et le langage pictural qui veut le plier nous émeuvent de façon inattendue. Ces gravures ne cessent d’être à l’affût de la beauté dans ce monde fragile, de l’expression qui s’en dégage – avec cette précaution majeure : ne rien perdre de l’essentiel quand le matériau se propose de les fixer.
(extrait de la postface de Rachid Khaless)
Quelqu’un avait dit que la poésie rendait la terre plus habitable. Malgré l’ascèse que s’impose Muriel Augry Merlino et qu’elle impose à son lecteur, ses vers s’apparenteraient à des reposoirs dans le lent, difficile et douloureux cheminement vers l’ailleurs baudelairien. Des clairières habitables dans un univers devenu irrespirable. Parce que pour Muriel Augry Merlino, malgré les « terres fertiles de l’ennui », les « paniers de cendre », les « virgules de l’errance », les « aigreurs de forêt », les « ruptures sans préavis », les « effondrements » malgré la « fatalité transie au carrefour du voyage », « les appétits funèbres », « la rue (qui) perd l’équilibre », « les cœurs raidis », « les matins où le ciel se voûte », « où les rues se tordent », ou « le plomb rougeoie dans les frissons d’indécence , malgré la rage du poète qui poursuit « le tournesol voleur d’espoir », « les girouettes qui perdent le nord » il y a le mystère envoûtant de ces mots hardis, audacieux qui guettent l’inattendu, traquent l’éphémère, captivent les saveurs imprévues et enivrantes, et qu’elle murmure en allusions sensuelles et troublantes à l’âme apaisée.
(extrait de la préface de Abdeljlil LAHJOMRI)
Brûlante était la turquoise dans le ventre de l’été
Sur le sein hâlé des passantes le ciel
Sans compter dévide ses couplets
Le sentier se fracture sous le pied du guetteur
D’échos en échos les tours frissonnent
Hier ils étaient
Les volets soupiraient suffoqués par l’éclat de la chaux
Soupirs oblongs
Le sable hésite entre terre et mer
Et roule sous le pouce en rides de jouvence
Tempête de miel
Les abeilles se sont tues
L’air succombe sous son fardeau de plomb
Murmures
Accrochés aux plis du ravin
Écrasés de poussières roussies d’errance
De ronces griffés
Aux fières grimaces
Vidéo de Muriel Augry-Merlino