Et chaque chose ici, comme si c’était la dernière chose
à dire : le son d’un mot
marié à la mort, et la vie
qui est cette force en moi
à disparaître.
Volets clos. La poussière
d’un moi antérieur, vidant l’espace
que je ne remplis pas. Cette lumière
qui croît au coin de la pièce,
là où la pièce entière
a basculé.
La nuit ressasse. Une voix qui ne me parle
que de choses infimes.
Pas même des choses – mais de leurs noms.
Et où n’est aucun nom –
de pierres. [..]
Dans l’impossibilité des mots,
dans le mot imprononcé
qui asphyxie,
je me trouve.
Personne ici,
et le corps dit : tout ce qui est dit
n’est pas à dire. Mais aussi
personne n’est un corps, et ce que dit le corps
n’est entendu de personne
hormis toi.
Chute de neige et nuit. La répétition
d’un meurtre
parmi les arbres. La plume
court à travers la terre : elle ne sait plus
ce qu’il adviendra, et la main qui la tient
a disparu.
Cependant, elle écrit.
Elle écrit : au commencement,
parmi les arbres, un corps venait
de la nuit. Elle écrit :
la blancheur du corps
est couleur de la terre. Elle est terre,
et la terre écrit : tout
est couleur du silence.
Je ne suis plus ici. Je n’ai jamais dit
ce que tu dis
que j’ai dit. Et pourtant, le corps est un lieu
où rien ne meurt. Et chaque nuit,
du silence des arbres, tu sais
que ma voix
s’avance vers toi.
Tu ne condamneras pas les pierres,
ne te regarderas pas toi-même
au-delà des pierres, et tu diras
que tu ne les désirais pas
avant que ton visage
ne se soit changé en pierre.
Devant toi,
et derrière toi, dans l’obscurité
qui grandit avec le jour, tu auras
presque respiré. Et tes yeux,
[..], s’ouvriront
sur les murs
qui t’enferment dans ta voix,
ton autre voix, te guidant
vers les lointains de l’amour,
où tu gis, plus près
de la seconde
et plus vive terreur
de vivre dans ta mort, et de dire
la pierre
que tu deviendras.
Rien de moins que rien.
Dans la nuit qui vient
de rien,
pour personne dans la nuit
qui ne vient pas.
Et ce qui se tient au bord de la blancheur,
invisible
dans l’œil de celui qui parle.
Ou un mot.
Venu de nulle part
dans la nuit
de celui qui ne vient pas.
Ou la blancheur d’un mot,
griffonné
sur le mur.
Yann de la librairie le Divan partage ses lectures : "Histoire d'un amour profond, voyage mental d'un homme au regard de sa vie"
Notre mot sur, écrit par Paul Auster, traduit par Anne-Laure Tissut et publié aux éditions Actes Sud : https://www.librairie-ledivan.com/livre/9782330188757
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