Dieu a tant aimé le monde - Petite théologie de la mission

Ainsi, non seulement cette ville [Marseille] aura accueilli ma famille en nous donnant gratuitement une appartenance et une espérance alors que nous traversions une période difficile, non seulement elle aura accompagné le chemin de ma vocation en m'aidant à grandir, humainement et spirituellement, au milieu de son peuple, mais plus encore elle m'aura comme attiré dans sa propre vocation en m'entraînant sur des chemins que je n'imaginais pas, au service de ce peuple qui est maintenant confié à mon ministère à cause du Christ Jésus. Lorsqu'en me remettant trois ans plus tard, le 27 août 2022, la barrette de cardinal, le pape François me glissa à loreille *et surtout, reste proche du peuple», je com- e pris encore plus profondément que la mission de l'Eglise est avant tout d'être au service de l'amour dont Dieu aime son peuple.

C'est la raison pour laquelle, comme le répétait souvent le bienheureux Pierre Claverie, l'Eglise doit se tenir sur les lignes de fracture de l'humanité, au chevet des membres souffrants de l'unique famille humaine. (...)Pour I'Église, accomplir sa vocation de catholicité, 'est rejoindre l'Esprit du Christ, présent et agissant dans tous les combats que mènent aujourd'hui des hommes et des femmes de bonne volonté, pour que la dignité de toute personne humaine ne soit pas bafouée et pour que l'unité de la famille humaine ne soit pas déchirée. Au nom du Christ, travailler à détruire les murs de la haine. Avec le Christ, lutter contre la violence de l'indifférence, parce qu'il est le premier-né d'une multitude de frères (...) S'interroger régulièrement sur l'effectivité sociale de notre adhésion de foi.

En relisant bien plus tard ces années difficiles, j'ai compris qu'en tissant de nouvelles solidarités sur une terre au départ inconnue, sengageant sans se payer de mots auprès des plus pauvres, en ne renonçant jamais ni au goût de vivre ni à la joie d'aimer, nos parents, dont la foi demeura chevillée au corps, une foi aussi simple que puissante parce que sans cesse mise en pratique dans le service et la prière, avaient réussi à nous faire comprendre, à Marie-Jeanne et à moi, que l'on peut toujours transformer un obstacle en moyen, une blessure en ressource, un automne en printemps.

Le risque de l’impatience n’est pas le seul. Il en est deux autres […] Si le dialogue, mal compris, devenait pour l’Eglise un paravent de la mauvaise envie d’enfouir la mission sous les artifices du relativisme ambiant, il faudrait s’en démarquer ! Mais si l’évangélisation, mal comprise, devenait pour l’Eglise l’étendard d’une volonté de conquête pour imposer d’improbables « valeurs chrétiennes » en se pliant à l’identitarisme dominant, il faudrait également s’en démarquer !

Confier l’Evangile comme on confie un trésor. Non pas le proclamer tel un slogan qui resterait extérieur à la vie des autres, mais en vivre de telle sorte que ces autres aient envie de découvrir ce qui nous fait vivre. Et quand on l’a confié, le laisser donner en l’autre des fruits pour nous imprévus, par nous inattendus, nul n’étant propriétaire des dons de l’Esprit.