Le Joueur de Flûte de Hamelin

S'il y a un conte profondément inscrit dans une réalité historique précise, c'est bien "Le Joueur de Flûte de Hamelin". Des quatre hypothèses : enfants noyés ou ensevelis, enfants sortis de la ville pour leur éviter d'être victimes d'une épidémie, croisade d'enfants et départ de la presque totalité de la population de jeunes adultes pour aller coloniser une région de l'Europe orientale, on sait maintenant que c'est la dernière qu'il faut retenir.

Soit l'adaptation situe assez précisément l'action à cette période ce qui est le plus raisonnable, soit elle adapte l'action à une autre époque. Mais dans ce cas il y aurait intérêt à remplacer un élément clé à savoir le fait que la ville est envahie par les rats, car cet aspect est difficilement transposable à une période au-delà du XVIIe siècle. Jusqu'à présent je ne connaissais que l'option d'ancrage dans la réalité médiévale ou celle proche De La Renaissance.

Ici Thomas Baas écrit, en restant bien fidèle au texte des frères Grimm :

« C'était la veille de Noël 1283 : les habitants étaient occupés à préparer la fête. Partout dans la ville flottait le fumet de leurs ripailles, jambons, dindes, tourtes, brioches et gâteaux. »

Là où le bât blesse c'est qu'il contextualise parfaitement le décor aux années mille neuf-dent- trente : habits, meubles, sapin de Noël (dont la tradition même en pays germanique ne remonte pas au-delà du XVIe siècle), aspect des commerces. Notons à son crédit qu'il nous épargne quand même tout véhicule à moteur.

C'est d'autant un énorme gâchis que, tant par le trait (assez proche de celui d'Alfred Debout, mais en plus anguleux) que l'emploi d'un nombre restreint de couleurs on est bien dans le clin d'oeil aux livres pour enfants de l'Entre-deux-Guerres. de plus le ton très sombre de l'ensemble porte bien le malheur et la tristesse contenu dans l'histoire. Personnellement je préfère de loin la version sortie de façon concomitante chez le Père Castor/Flammarion du "Joueur de Flûte de Hamelin" de Kochka et Aline Bureau avec des clins d'oeil à Brüghel.

Avec en plus, également sortis plus ou moins récemment comme "Le joueur de flûte" de Margaux Saltel chez Auzou, "Le joueur de flûte" chez Atlas, "Le joueur de flûte de Hamelin" de Samivel aussi chez le Père Castor/Flammarion, on comparera chez le joueur de flûte à la fois le physique et le caractère et comment est rendu plus ou moins intense l'agressivité des rats.

La lecture de ce conte amènera à rechercher des livres où les rats ou un instrument à vent joue un rôle important.

Drapé dans sa dignité, le musicien venait de se faire rabroué, dupé. Il avait d'un son de flûte ensorcelé chassé les rats qui pillaient les réserves des placards, grouillaient les rues, dévorant même parfois les chiens et chats par gourmandise. Les vivres étaient sauvés, les bébés n'étaient plus mordus dans les berceaux. le joueur de flûte avait fait son office et demandait une juste récompense due et bien due.
Le Maire de la ville infestée ne lâcherait pas la somme promise car son désespoir n'était plus. Les fêtes pouvaient reprendre encore plus généreusement comme si rien ne s'était passé. le musicien n'avait pas dit son dernier mot. La ville entendrait une chanson qu'elle ne sera pas prête d'oublier. Foi de musicien.
: L'histoire, nous la connaissons, enfin elle reste à découvrir par les jeunes générations. Un classique du conte des Frères Grimm. "Un retour sur" intéressant à faire néanmoins sur le travail esthétique de Thomas Baas, illustrateur jeunesse ET affichiste également. Les parents qui auront peut-être l'oeil et cette culture de l'image noteront un hommage manifeste à l'affiche publicitaire rétro dans ce style propre de l'illustrateur. Une double-page en particulier est un vrai rappel des pubs de bonne victuaille d'antan, la bouteille de vin blanc d'Alsace ( à consommer avec modération!) signe peut-être une culture visuelle d'époque, sinon sa propre appartenance à la ville de Strasbourg. Ce rétro rappelant le film noir et blanc et hautement rehaussé de rouge, c'est du Baas. Nous invitons chaleureusement à se pencher sur son travail, des blog disponibles, des porte-folios. L'artiste en profite donc et signe en réhabillant complètement le conte à sa mode année 30-40, les enfants n'étant pas vêtus de costumes médiévaux de ville mais pourvus de bérets, jupes et culottes courtes.
Seul le joueur de flûte reste dans la tradition, dans son grand manteau et grand chapeau à plume, une grande sobriété qui toutefois trouve son harmonie avec l'ensemble.
Les enfants se laisseront embarqués, dans tous les sens du terme dans ce conte magique et moral par la narration et évidement l'image. Nous sommes en effet presque dans un vieux film, dans une atmosphère brumeuse d'où surgissent les rats et où les hommes se montrent encore plus rats que les rats eux-mêmes.
Certaines versions laissent en général coi sur la fin, pourquoi des enfants trouveraient-ils charmants de suivre un inconnu qui joue de la musique et et quitterait le doux et chaud foyer pour aller rire de l'autre côté de la montagne? Certaines fins sont également impitoyables, sonnent comme une vengeance malfaisante auquel échappe à son insu un pauvre enfant infirme qui ne put suivre la file. La chute est différente, cohérente et heureuse, vous le verrez et les jeunes lecteurs ne se poseront pas de question. Une belle version à découvrir.

D'aussi loin que je me souvienne je garde de ce conte entendu dans l'enfance un souvenir de désolation, de tristesse et d'injustice.

Après en avoir vu, lu et écouté de nombreuses versions je rends hommage à celle illustrée par Thomas Baas qui rend cette histoire si tragique de disparition d'enfants presque gaie.

💚 Souvenez-vous, la ville médiévale de Hamelin connaît à la veille de Noël 1283 une invasion de rats qui s'en prennent à la nourriture, aux animaux, aux mollets des habitants et aux berceaux.

Un joueur de flûte providentiel chasse les rats et devant l'orgueil et le mépris du maire de la ville et des adultes paresseux et loin d'être reconnaissants revient à Hamelin pour emporter les enfants.

♥️ C'est ici sur une fin cruelle pour les adultes mais optimiste pour les enfants malaimés que se termine le conte et j'entends en refermant l'album magnifiquement illustré les rires des petiots.

L'ambiance est toute de vert, rouge et noir mais dans des teintes mates qui laissent à penser que ce temps de Noël n'est pas comme les autres. Les personnages sont expressifs et les détails fourmillent.

Un incontournable illustré de manière incomparable ou comment voir le verre à moitié plein 😉

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