D'abord, admirons l'objet qui fait penser à un journal intime avec sa belle couverture noire fermée par un élastique. Puis arrêtons-nous un instant sur ce titre,
Les Strates. D'emblée, le ton est donné. Ce que
Pénélope Bagieu nous livre ici, ce sont les souvenirs et les expériences qui composent la personne qu'elle est aujourd'hui, comme autant de strates, donc.
Elle commence par nous confier pourquoi elle n'a pas de chat alors qu'elle adore ces animaux (et j'ai très vite compris que j'allais avoir besoin de mouchoirs pour arriver au bout de ma lecture, c'est moins pratique pour lire quand les larmes me brouillent la vue).
Elle nous raconte ensuite avec beaucoup d'humour sa première visite chez un.e gynéco, et si j'ai été ravie qu'elle tombe sur une personne aussi bienveillante, je n'ai pas pu m'empêcher de mesurer à quel point les choses ont changé depuis 15 ans. (Aujourd'hui décrocher un rdv avec son ou sa gynéco relève du parcours du combattant, alors je n'ose même pas imaginer si j'en avais besoin en urgence et sur le lieu de mes vacances !)
Les confidences s'enchaînent, infiniment émouvantes et souvent mignonnes comme l'histoire du frère (« Trois jours ») ou de la classe de neige (« L'effet nounours »). Mais il y a aussi, en fil rouge, le récit des agressions sexuelles qu'a subies l'autrice et qui dessinent le portrait d'une société infiniment violente, psychologiquement et physiquement, envers les femmes dès leur plus jeune âge. Ici, pas de « trigger warning », ces agressions surviennent au détour d'une page, sans crier gare, exactement comme dans la vraie vie, et ça m'a fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre.
C'est terrible de constater à quel point c'est fréquent, à quel point on a toutes dû se construire avec ça, avec ces atteintes physiques mais aussi ce regard masculin qui réduit la femme au rang d'objet ou de proie. Cela résonne de manière frappante avec une actualité qui nous prouve qu'à son plus haut niveau, la société ne veut absolument pas changer.
Mais il y aussi énormément de grâce et de lumière dans cette autobiographie. J'ai été touchée par la vulnérabilité et la tendresse qui se dégagent de toutes ces vignettes en noir et blanc, notamment celle dans laquelle l'autrice se félicite du courage dont elle a fait preuve adolescente, en dépit de sa maladresse et de ses complexes. Cette image-là, je l'ai trouvée particulièrement belle car il m'arrive aussi de repenser à l'ado que j'ai été et de lui souffler à l'oreille que je la remercie d'avoir cru en ses rêves.
Vous l'aurez compris, j'ai adoré
Les Strates. C'est à la fois un récit très personnel et une histoire universelle, c'est beau, doux et violent en même temps, et je remercie
Pénélope Bagieu pour les émotions très fortes que j'ai ressenties pendant ma lecture.
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