C'est un sans faute pour
Namathée qui m'a emporté dans une somptueuse fresque antique où les hommes se font la guerre avec épées, boucliers et animaux, et où l'on guette anxieusement les signes envoyés par les dieux pour décider de l'avenir de la cité.
J'ai été surpris par la façon dont le récit m'a happé, et encore plus surpris d'apprendre qu'il s'agit du premier roman de
Florent Bainier.
Beaucoup de choses à dire (sans spoiler), je vous propose donc de découvrir les 4 bonnes raisons de lire
Namathée !
UN MARIAGE PEPLUM ET FANTASY REUSSI
Mariage heureux grâce à la plume haletante et érudite de
Florent Bainier, passionné d'archéologie et de civilisations anciennes.
Quand je parle de péplum (oui, je sais, cela se dit plutôt des films, mais le terme s'applique à merveille ici), je ne parle pas d'une reconstitution historique à proprement parler puisqu'il s'agit d'un univers particulier, propre à l'imaginaire de l'auteur, et pas de notre Protohistoire à nous, cependant, les nombreuses références (stratégies militaires, armement, coutumes funéraires…) à différentes civilisations disparues inscrivent le récit dans le concret et, de fait, l'établissent plus solidement dans notre imaginaire. Lorsque l'auteur évoque certaines armes, même sans en avoir jamais tenues en main, vous arrivez à vous en faire une représentation à partir de ce que vous avez pu voir dans un livre, un documentaire ou en visitant un musée.
Mais les scènes de bataille dignes des grands péplums sont loin d'être le seul élément à planter le décor « antique » : nous retrouvons un panthéon de dieux et de déesses assidûment prié•e•s par la population. Chez les
Namathéens, le culte est organisé autour de 5 dieux. Quatre représentent chacun l'un des éléments traditionnels : eau, terre, air ou feu, et le cinquième et suprême, Vasicha, est le maître du temps. Un prêtre est dévolu au service de chaque dieu et une prêtresse est chargée de représenter Vasicha dans le monde terrestre.
Ces dieux désignent les rois de la cité à leurs prêtres•se. À la date du récit, cependant, cela fait un an que le dernier roi est mort et que les prêtres attendent de déceler les signes divins. La vacance du pouvoir complique la situation de la cité quand la guerre éclate en favorisant les flottements dans l'armée et les complots politiques. Mais chez les ennemis de
Namathée, les choses ne sont guère mieux : les alliés pensent à se retourner les uns contre les autres après sa défaite.
La présence du surnaturel à travers l'intervention des dieux et des défunts (souvent par le biais des songes ou des animaux), n'est pour rien gâter au récit car elle est excellemment bien dosée. Nous sommes rapidement au fait de l'existence des dieux
namathéens, qui aident leur peuple à certains moments cruciaux de son histoire, mais pour autant, aucun Deus Ex Machina n'est à déplorer. L'auteur n'hésite pas à tuer ses personnages (j'adore ! mouahaha), et quand il les sauve in extremis, ce n'est jamais directement par l'intervention d'une force supérieure. L'histoire, comme un funambule, est donc constamment en équilibre entre les forces terrestres et divines, et livre même une expérience de mort imminente joliment décrite.
UNE ÉCRITURE DYNAMIQUE
Après une petite vingtaine de pages, j'étais totalement addict, au point de reculer mes propres plages d'écriture ou de sommeil pour continuer à lire.
L'écriture est remarquable : sans être d'un style littéraire soutenu, elle est cependant d'une concision et d'une précision redoutables dans la description des actions comme des émotions. Même les scènes de guerre, que j'ai tendance à survoler dans beaucoup d'oeuvres car je trouve qu'elles ont la mauvaise habitude de traîner en longueur sans rien apporter d'autre à l'histoire que la démonstration du savoir faire guerrier et du côté badass du héros, m'ont paru ici remarquablement décrites. L'auteur a su les rendre intéressantes par elles-mêmes. Ce n'était pas qu'un enchaînement d'actions, phrase après phrase, qui finit par rendre la lecture mécanique et par déjouer l'attention, mais des scènes vraiment palpitantes, fortes en émotions et en interrogations. Les manoeuvres militaires réalisées par toutes les factions sont limpides dans leur exposition et donnent à mesurer l'étendue des connaissances de l'auteur sur le sujet sans en faire trop.
De même, puisque chacun des peuples héros du roman empruntent des traits (architecture, équipement de guerre, modes de vie…) aux anciennes civilisations, un peu de vocabulaire technique émaille le texte, mais par petites touches, et jamais plus que nécessaire. On intègre les mots inconnus sans s'en rendre compte car ils n'altèrent pas le cours de la lecture.
UN RYTHME EPIQUE
En partie lié à la qualité d'écriture de l'ouvrage, mais pas que. La structuration des chapitres (assez courts, ce qui facilite la lecture en soi de mon point de vue) est bien pensée, découpée entre le point de vue des
Namathéens et celui de leurs différents adversaires. En procédant ainsi, l'auteur nous met au courant de certains pièges ou de certaines manoeuvres avant les personnages, et cela fait monter la pression. Nous tremblons à cause de ce que l'on sait et que les
Namathéens ignorent.
Aucun temps mort, aucune retombée dans l'action sans pour autant avoir des batailles tous les deux chapitres.
J'ai passé une bonne partie du roman à appréhender les actions d'un traître
namathéen dont les héros ne soupçonnent pas un instant la félonie, et ça m'a mis une bonne dose de piment dans une sauce déjà relevée, car à chaque fois que je retrouvais le point de vue des ennemis de
Namathée, je craignais de lire que le félon leur avait donné des informations qui les aideraient dans leur annexion de la cité…
DES PERSONNAGES MEMORABLES
Tous le sont : Arcan, le héros sans mémoire, Forough, la prêtresse de Vasicha, Zenaï, l'aigle noir sacré de
Namathée, Tharcyt, le forgeron soldat, Yatis, le tigre blanc, Serun Allaf, le maître de l'alliance oughare, Skopasis, le chef Sarthe…
En les énumérant, je m'aperçois qu'il y en a une flopée – et j'en passe beaucoup sous silence – et pourtant, je n'ai pas eu l'impression d'une prolifération intempestive. Chacun d'eux est correctement présenté au lecteur au fil de l'avancée scénaristique et j'ai pu tranquillement assimiler leurs particularités, ce qui m'a permis de les identifier au premier « coup d'oeil » par la suite sans perdre le fil de l'action.
Mon personnage préféré ? Arcan ! Valeureux, loyal, sans donner dans le cliché du héros sans peur et sans reproche en ayant un goût certain pour la mort et la guerre. Mais son rival en miroir chez l'ennemi, Serchenesis, est doté lui aussi d'un certain charisme en tant que grand stratège de bataille Sarthe dont nous pouvons admirer l'ingéniosité tout au long du roman.
Autre fait appréciable : je n'ai relevé aucun cliché ni dans l'histoire ni dans la construction des personnages, et ça, ça mérite d'être souligné parce que ça reste encore trop rare. (Et en tant que membre d'un comité de lecture, je peux vous dire que des clichés, j'en vois passer ! Hélas, j'en trouve autant dans certains livres publiés…).
Tous les personnages sont en nuances de gris, et aucun des personnages de sexe féminin ne se retrouve avec l'un des mâles de l'histoire à la fin du livre. Bien qu'une romance germe dans ce tome 1, elle reste si discrète qu'elle est quasiment inexistante. de la fantasy épique et pas d'intrigue amoureuse ! Merci,
Florent Bainier ! Maintenant, j'espère que le tome 2 ne me décevra pas dans le traitement de cette relation, mais je pense les deux personnages suffisamment bien construits pour lui donner une dimension assez dense et réaliste pour vous épargner mes grognements.
En conclusion, un excellent premier roman que les adolescent•e•s comme les adultes sauront apprécier !
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