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Il y a quelques semaines j'avais entrepris la lecture de « Le Père Goriot » et de « Illusions perdues ». Lectures enthousiasmantes. Aussi me fallait-il conclure avec Splendeurs…
On abandonne alors quelque peu le monde des parvenus pour un monde plus glauque: celui des brigands et des prostituées, élégamment nommées courtisanes.
« Une peinture des moeurs » de l'époque comme se plait à le souligner Balzac lui-même.
Cette facette de « La Comédie Humaine » est pour ce qui me concerne moins intéressante. Je n'ai pas retrouvé toute la puissance et l'élégance des précédents récits. Ici, on a tendance à se perdre rapidement dans le fouillis d'une intrigue aux ressorts rocambolesques et dans une foison de personnages aux noms multiples. Un polar du XIXème siècle.
C'est bien sûr toujours le monde du paraître et des parvenus, mais surtout le monde du faux: fausses dettes, faux évènements, faux témoignages, faux personnages; mais vrais tourments pour Lucien…Tout est manipulation orchestrée par le bagnard Collin alias Vautrin alias Carlos Herrera, personnage central du roman.
La portée politique de ce volet est nettement moins évidente que les récits précédents; on assiste plutôt à une chronique de faits divers et judiciaires. Les cibles désignées De Balzac sont cette fois les aristocrates qui ne sont nobles que par le nom et les bonnes âmes philanthropiques.
Voilà pour mon appréciation, cette fois tempérée, au premier degré de ce roman. Reste inégalables le style De Balzac et son art de la description de toutes choses.
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Après Illusions perdues – qui, en triomphant de mes ridicules préjugés (Balzac est chiant) et en lavant mes honteux échecs (dont les abandons bien peu glorieux du Père Goriot dans ma jeunesse et d'Eugénie Grandet il y a 5 ou 6 ans), m'a plus que probablement converti à jamais à Balzac –, je poursuis donc ma découverte de la Comédie humaine (dont j'ai la ferme intention de lire les 90 titres si mes organes vitaux veulent bien tenir encore quelques années) avec Splendeurs et misères des courtisanes.
Ce choix s'imposait. Il me fallait à tout prix savoir ce qu'il allait advenir de Lucien de Rubempré, ce triste Narcisse qu'au terme d'Illusions perdues, nous avions abandonné au bord d'une route près d'Angoulême, défait et prêt à toutes les compromissions pour échapper au suicide qu'il projetait.
Nous le retrouvons donc à Paris, une fois encore à la poursuite de la fortune et de la gloire. Mais, cette fois-ci, ce diamant aussi brillant que faux n'est plus livré à lui-même et à ses seules qualités (qui se résument peu ou prou à sa grande beauté et à sa prodigieuse arrogance) : il est devenu la créature de l'abbé Carlos Herrera (alias Jacques Collin, alias Vautrin), un ancien bagnard aussi dangereux qu'extraordinairement intelligent qui va se servir de la belle gueule, du joli cul et du pouvoir sur les femmes (aristocrates comme demi-mondaines) dont dispose notre freluquet pour prendre (et vivre par son truchement) sa revanche sur la société.
Une fois encore, et cela en devient presque agaçant tant il ne saurait mériter l'amour qu'il inspire, Lucien va trouver sur sa route, en la personne d'Esther, une femme encore plus remarquable que Coralie (la demi-mondaine qui devient sa maîtresse dévouée dans Illusions perdues). Pire encore si cela est possible : au contact de ce jeune homme qui n'a pourtant que peu à leur offrir, et pour l'amour de lui, nos cocottes retrouvent leur pureté originelle et se métamorphosent en d'authentiques héroïnes dont la seule motivation est le désintéressement, dont l'unique ambition est de tout donner, leurs vies comprises. (Je ne vous cacherai pas que je suis tombé amoureux d'Esther, la courtisane qui donne son magnifique titre au roman.)

Ce livre d'une richesse incroyable (il commence comme une comédie de moeurs, finit comme un thriller juridico-policier et aborde au passage une multitude de thèmes) se divise en quatre parties ayant pour titres :
- Comment aiment les filles (cette partie traite de l'amour sublime d'Esther pour Lucien) ;
- À combien l'amour revient aux vieillards (par amour pour Lucien qui a besoin d'argent pour réaliser ses ambitions, dont un mariage dans l'aristocratie, Esther accepte d'être vendue à un vieux banquier richissime. Ici, Balzac, ce salaud sans égards pour son lecteur, m'a littéralement arraché le coeur !) ;
- Où mènent les mauvais chemins (la chute finale de Lucien et l'amour à la fois paternel et viril que Carlos Herrera éprouve pour lui) ;
- La dernière incarnation de Vautrin (les démêlés de Carlos Herrera avec la police et la justice et sa toute dernière métamorphose).

Je n'ai pas simplement lu Splendeurs et misères des courtisanes, je l'ai dévoré, croqué, becqueté, englouti, ingurgité, ingéré, absorbé, gobé tout rond…
Ah, je suis encore plus irrémédiablement balzacisé que je ne le croyais !
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Un Balzac giratoire !
Combien de rues, avenues, carrefours, stations de métro, animaux de compagnie, boutiques, restaurants ou gâteaux (ah, non le Saint Honoré, ce n'est pas lui !) portent déjà le pédigrée du Napoléon des Lettres ? Et pas un seul croisement ne porte sa dédicace alors qu'il est le génie du carrefour littéraire.
A quand donc le baptême d'un rond-point pour honorer Honoré et ce chef d'oeuvre absolu qui concentre pas moins de 273 personnages dont la plupart sont de vieilles connaissances de nos lectures scolaires plus ou moins imposées et qui symbolise si merveilleusement le projet gargantuesque de l'inventeur du roman moderne.
Je n'aurai pas la prétention d'annoncer comme une ancienne ministre aux traits très étirés, qui parle trop pour ne rien dire pour avoir le temps de lire, que j'ai dévoré les 93 romans de la Comédie Humaine (c'est un challenge que je réserve pour mes très vieux jours) mais j'ai déjà consommé du Balzac sans modération et Splendeurs et misères des courtisanes mérite le panthéon de mes lectures.
C'est autant la suite d'Illusions Perdues que l'apothéose du Père Goriot. C'est surtout la vengeance ultime du personnage de Vautrin et la victoire sans appel de l'ambition sur la morale. Fini le roman d'apprentissage et les dépucelages de jeunes provinciaux par des bourgeoises désoeuvrées. Les héros de splendeurs et misères des courtisanes ont été déniaisés par la vie. Rastignac est un arriviste qui est arrivé, Lucien de Rubempré n'a plus beaucoup d'illusions et devient la marionnette de Vautrin, la belle Esther est une ancienne courtisane surnommée la Torpille (tout un programme !) qui ne survit que pour l'amour de Lucien et le banquier Nucingen est dévoré par le démon de midi qui s'éveille plutôt dans un cinq à sept.
L'histoire ne se raconte pas, elle se dévore. Elle a autant enrichi mon été qu'un voyage. Vautrin, l'ancien bagnard déguisé en prêtre, alias Trompe-la-Mort, alias Carlos Herrera, sosie caché de Vidocq, sponsorise le retour de Lucien de Rubempré dans le Grand Monde à Paris avec l'ambition de lui faire épouser une jeune fille d'une illustre famille aristocratique, label bleu, AOC, Appellation d'Origine Cossue.
Le plan se heurte à plusieurs écueils : Lucien est amoureux d'une ancienne courtisane, Esther Gobseck, le potentiel beau-père se méfie des intentions du bellâtre, exige une caution d'un million pour autoriser le mariage et les comploteurs doivent faire face à des policiers aussi retors qu'eux. Un plan avec accrocs.
Pour financer l'opération, Vautrin va utiliser les charmes de la belle Esther et son esprit de sacrifice pour plumer le banquier Nucingen, lourd volatile.
Balzac offre ici avec un panache extraordinaire le mode d'emploi de la machinerie sociale de son siècle, aussi complexe à déchiffrer qu'un canapé Ikea. Jeux de masques et des apparences, tout est dans l'emballage. La vie chez Balzac se résume à une conquête dépourvue de morale pour le pouvoir, les hommes ou les femmes, l'argent et le statut social. Des vertus réduites à peau de chagrin, à faire chouiner un chouan, du développement personnel qui ne passe pas par la méthode Coué ou des séances de yoga en tenue de lycra façon Salami mais par une ambition impitoyable, et un dénouement qui consacre la canaille. Balzac n'était pas un génie de la pensée positive. Ses personnages se suicident encore plus facilement que ceux de Zweig.
Balzac écrivait des histoires pour que les gens arrêtent de se raconter des histoires. Il portait déjà le deuil des transcendances.
Un rond-point incontournable !
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Suite de Illusions perdues et de Père Goriot, ce roman reprend des personnages bien connus du lecteur, dont Jacques Collin, Lucien de Rubempré, Eugène de Rastignac et bien d'autres. Jacques Collin, sous l'aspect de Carlos Herrera, prend sous son aile Lucien de Rubempré afin qu'il obtienne la gloire et l'argent. Ce roman met alors en scène divers stratagèmes, parfois même des double stratagèmes, de la ruse, des morts tragiques, mais aussi de l'amour passionnel. Il nous emmène dans des cercles différents de la société de l'époque, du monde de la justice à celui de la prison en passant par le monde religieux.
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Splendeurs et misères des courtisanes / Honoré de Balzac
Après « le Père Goriot » et « Illusions Perdues » que j'ai commentés par ailleurs, ce roman achève la trilogie « Vautrin, ce héros des bas-fonds, ancien bagnard, faussaire et assassin, qui fera tout pour l'homme qu'il adore : Lucien de Rubempré. Splendeurs et misères des courtisanes fut publié entre 1838 et 1847 et fait donc suite à Illusions perdues. Composé de quatre parties, il met en scène les aspects souterrains de la société, en explorant le monde du crime et de la prostitution. le premier est dominé par le personnage satanique du forçat évadé, Don Carlos Herrera, qui connaîtra une forme de rédemption sociale dans sa dernière incarnation ; le second montre une jeune prostituée, Esther, rachetée par son amour pour Lucien Chardon de Rubempré, le poète sans volonté dont l'ambition et la vanité sont les ressorts tragiques du roman.
Un soir de 1824, se donne à l'Opéra un bal masqué. Ancienne courtisane au charme remarquable, Esther, alias la Torpille, s'y rend en compagnie de Lucien de Rubempré. On avait dit le jeune homme ruiné (voir Illusions Perdues), mais il a payé ses dettes et vit avec Esther. Ses anciens amis ont tôt fait de le reconnaître quoique masqué, mais un singulier personnage qui marche sur les pas de Lucien conseille d'une voix menaçante aux médisants de respecter le jeune homme.
Il est bien connu que les hommes masqués sont des maris jaloux qui viennent espionner leurs femmes, ou des maris en bonne fortune qui ne veulent pas être espionnés par elles.
En dépit de son masque et de son déguisement, Esther est elle aussi reconnue par les invités et, victime de leurs ricanements et moqueries, elle retourne précipitamment chez elle. Bouleversée, au désespoir, elle tente de mettre fin à ses jours. Elle est sauvée in extremis par l'abbé Carlos Herrera, qui n'est nul autre que « l'ombre » qui suivait au bal Lucien de Rubempré, mais également celui qui a payé ses dettes. Un drôle d'abbé comme on le découvre par la suite.
Soi-disant chanoine du chapitre royal de Tolède, envoyé secret de Sa Majesté Ferdinand VII, Don Carlos Herrera habite avec le jeune homme, qu'il considère comme son fils et son protégé et dont il veut faire la fortune pour en jouir par procuration.
Dès lors, Carlos Herrera exerce son influence sur Esther pour briser sa relation amoureuse avec Lucien. Tantôt il la terrorise, tantôt il la rassure, puis lui impose l'idée de renoncer d'elle-même à son amour pour se mettre sous sa tutelle. Il contraint ainsi la jeune femme à séjourner dans un couvent pour acquérir un minimum d'éducation.
Lucien le poète, élégant dandy ambitieux et vicieux, à la fois orgueilleux et vaniteux, vit de travaux de journaliste sachant bien que quiconque a trempé dans le journalisme ou y trempe encore, est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu'il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses. On s'habitue à voir faire le mal, à le laisser passer, on commence par l'approuver, on finit par le commettre. le patelinage est de rigueur.
Par la suite, Esther devenue un ange qui se relève d'une chute, obtient de revenir vivre avec Lucien, mais, pour ne pas compromettre la chance que celui-ci effectue un mariage aristocratique, elle doit se cacher du monde et vivre en recluse dans un appartement où plusieurs femmes mises à son service, dont Asie, tante de Vautrin alias Carlos Herrera, prennent en charge l'ordre de la maison. Mais chez Esther, le corps contrarie l'âme à tout moment. Elle était au-dehors comme une vierge qui ne tient à la terre que par sa forme féminine, au-dedans s'agitait une impériale Messaline, magnifique figure aspasienne. Elle seule était dans les secrets de ce combat du démon contre l'ange.
L'appartement de la rue Taitbout est la prison d'Esther qui ne peut sortir que la nuit. Avec Lucien dont elle est toujours amoureuse, ils vont vivre quatre années de bonheur. Esther à chaque visite de Lucien s'offrait à tous ses regards comme une fleur nouvellement éclose.

Au cours de l'année 1829, il est sérieusement question du mariage de Lucien avec la fille aînée de la duchesse de Grandlieu, ce qui ferait de Rubempré un marquis qui pourrait être nommé ministre de France à l'étranger.
Toutefois, lors d'une rencontre fortuite, le vieux baron de Nucingen devient amoureux de la belle Esther, cette lorette qu'il a fugitivement aperçue alors qu'elle faisait sa promenade nocturne.
Pour Herrera, Lucien est plus qu'un fils, plus qu'une femme aimée, plus qu'une famille, plus que sa vie, il est sa vengeance et il en a fait sa chose. On découvre que la soutane du prêtre espagnol, le plus sûr des déguisements quand on peut le compléter par une vie exemplaire et solitaire, cache Jacques Collin dit Trompe la Mort, une des célébrités du bagne, évadé de Rochefort, et qui dix ans auparavant, vivait sous le nom bourgeois de Vautrin dans la maison Vauquer où demeurait le père Goriot. À l'époque, Vautrin avait sauvé du suicide Lucien qui était ruiné.
Herrera, apprenant l'amour de Nucingen pour Esther, saisit l'occasion de faire chanter le riche vieillard pour lui soutirer un million qui permettrait d'assurer le mariage de Lucien avec Clotilde de Grandlieu.
Lucien, qui est trop ambitieux pour se contenter d'une vie médiocre veut devenir riche et prend le parti de suivre les instructions de son protecteur qui l'intime à séduire Clotilde de Grandlieu qui est éperdument amoureuse de Lucien, mais Esther, qui aime sincèrement Lucien, est atterrée par l'ampleur du piège où ils sont tous deux tombés.
« Lucien jeta sur Esther un regard mendiant, un de ces regards propres à ces hommes faibles et avides, pleins de tendresse dans le coeur et de lâcheté dans le caractère. »
Esther souffre, elle qui s'était vue pendant cinq années blanche comme un ange ; elle aimait, elle était heureuse, elle n'avait pas commis la moindre infidélité à l'égard de Lucien, et ce bel amour pur allait être sali.
Quoiqu'il en soit, en apercevant tous les avantages d'une pareille alliance, Lucien, joue parfaitement son rôle d'amoureux, faisant figure dans la capitale sans avoir une fortune connue et sans industrie avouée, sachant prendre le ton de spirituelle impertinence des grands seigneurs, une position que nul artifice ne peut rendre pendant longtemps soutenable. Il aime Esther et il veut Clotilde pour femme. Étrange situation ! Il faut vendre l'une pour avoir l'autre et un seul homme peut faire ce trafic sans que l'honneur de Lucien en souffre. Herrera ! L'abbé grand manipulateur !
Après moult rebondissements et négociations, le baron Nucingen retrouve Esther qu'il installe dans un petit hôtel particulier de la rue Saint Georges avec l'idée de ne plus être le père éternel dont la belle Esther lui enjoignait de jouer le rôle.
Comme toutes les natures ingénues, Esther aimait autant à ressentir les tressaillements de la frayeur qu'à se laisser aller aux larmes de la tendresse.
La suite est faite de deuil, d'emprisonnements, de procès, de trahison, de suicides, là où mènent les mauvais chemins pour Lucien et Carlos. Et hélas aussi pour la pauvre Esther. Lucien va glisser sur la pente fatale qui va le conduire à sa perte.
Un roman de 700 pages, très long, peut-être un peu trop avec de très nombreuses digressions pour faire vivre le Paris des années 1830, évocation de l'univers bourgeois, des maisons de passe, du monde de la justice et des tribunaux et leurs combines, du fonctionnement de la police, de l'univers carcéral, un passage sur la langue argotique et la pègre parisienne, la jouissance ineffable de certaines femmes de fonctionnaires de justice de triompher d'obstacles immenses pour faire gravir les échelons à leur mari qu'elles savent médiocres. À tous les étages de la société, les usages se ressemblent et ne diffèrent que par les manières, les façons, les nuances. le grand monde a aussi son argot, mais cet argot s'appelle le style ! En bref un travail de documentation impressionnant de la part De Balzac pour réaliser une peinture de moeurs et une critique sociale débouchant sur un véritable roman policier où se mêlent espionnage, amour et politique.
La difficulté de ce roman, car il y en a une, c'est le nombre impressionnant de personnages, ce qui donne une impression de dispersion de l'intrigue : on passe d'un plan à un autre de façon un peu subite. On ne ressent pas la même belle unité perçue dans le Père Goriot et dans Illusions Perdues. La conséquence est que le récit tout en étant remarquable n'est pas passionnant comme le fut le père Goriot. Pour moi, ce n'est pas le meilleur roman De Balzac et de loin. Maitre du roman réaliste, Balzac a peut-être le défaut, et on peut voir cela comme la rançon de l'expression réaliste, de surcharger son propos de descriptions interminables. Les explications préliminaires occupent souvent la moitié du chapitre. Comme le disait si bien Gide, Balzac encombre son oeuvre de trop d'éléments hétérogènes qui passent difficilement. Cependant on retiendra la puissance d'évocation du texte balzacien grâce à un style foisonnant mais parfois manquant d'aisance, la maitrise dans la conduite de l'intrigue et du déroulement dramatique. Un grand roman malgré ses défauts.




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Lucien de Rubempré de retour dans la capitale après Les illusions perdues s'affiche au bras d'une courtisane, Esther, mais celle-ci sous les critiques décide de mettre fin à ses jours. Sauvée in extremis par l'abbé Herrera, elle est envoyée dans un monastère où elle découvre la religion, puis retourne dans la société pour devenir la maîtresse cachée de Rubempré. Car celui-ci doit convoler en justes noces avec une héritière aristocrate et richissime, sous la houlette de l'abbé (qui n'est autre que Vautrin, l'escroc vu dans le père Goriot notamment).

Escroquerie en passe de réussir, si le baron de Nucingen ne tombait pas amoureux d'Esther, devenant la proie de l'abbé qui veut en profiter pour spolier l'homme d'affaires. Et n'envoyait pas Contenson, vite aidé des policiers Corentin et Peyrade à la recherche de la belle. Ceux-ci sont vite conscients que rien n'est clair : Rubempré n'a pas de fortune personnelle et le baron se fait rouler dans la farine (avec un plaisir manifeste, il faut le dire, le vieil homme n'avait jusque-là pas connu l'amour).

Écrit sur presque 10 ans, Splendeurs et misères des courtisanes est sans aucun doute le roman le plus feuilletonnesque De Balzac, comprenant quatre parties bien distinctes et 273 personnages (j'avoue, ce n'est pas moi qui les ai comptés). Si le roman comporte quelques longueurs, Balzac navigue avec aisance entre les différents milieux décrits dans le livre : l'aristocratie, le monde des affaires, la bourgeoisie parisienne et celle de province, la police et les services secrets, les bas-fonds parisiens et bien sûr le monde des demi-mondaines même si celles-ci sont la portion congrue du livre, puisque l'auteur s'intéresse plus à la lutte entre Vautrin/Herrera et les policiers qu'aux jeunes femmes de petite vertu.
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« Splendeurs et misères des courtisanes » se présente comme la suite des « Illusions perdues », en nous proposant la fin des aventures de Lucien de Rubempré. Toute l'action se déroule dans la capitale. Nous ne verrons donc pas (ou très peu) David et Eve Séchard, mais nous retrouverons des personnages déjà bien présents comme Vautrin, alias l'abbé Herrera, et ces figures de la vie parisienne qui de roman en roman apparaissent et disparaissent, parfois intervenant dans l'intrigue, parfois tenant seulement le rôle de figurants.
Le roman s'articule en quatre parties : I : Comment aiment les filles. II : A combien l'amour revient aux vieillards. III : Où mènent les mauvais chemins. IV : La dernière incarnation de Vautrin.
De retour à Paris, Lucien de Rubempré emmène à l'Opéra sa maîtresse Esther Gobseck . Ancienne courtisane surnommée « La Torpille » elle est reconnue par d'anciennes pratiques. Au bord du suicide elle est sauvée in extremis par Vautrin. Cherchant à la séparer de Lucien, celui-ci l'enferme dans un couvent, puis chez lui sous la surveillance de sa tante, Asie, laissant aux deux amants de rares moments d'intimité. Entretemps le baron de Nuncingen et tombé amoureux d'Esther. Vautrin voit là l'occasion d'une nouvelle malversation : il manque juste un million pour marier Lucien à Clotilde de Granlieu et accéder au grand monde.
Nucingen envoie des policiers (Corentin, celui des « Chouans », Contenson et Peyrade) à la recherche d'Esther. Enquêtant simultanément sur Lucien, ils découvrent que la source de sa fortune est plutôt trouble. Esther sous la coupe de Vautrin, comprend qu'elle ne pourra pas aimer Lucien et qu'elle sera obligée de céder au baron, elle s'empoisonne. Ironie du sort, dans le même temps elle faisait un important héritage, qui aurait sauvé tout le monde. Vautrin, qui s'est débarrassé de Peyrade et de Contenson, est rattrapé par ses malversations et ses crimes, et Lucien par les doutes sur sa fortune. Tous deux sont arrêtés.
Vautrin, vieux roublard, nie habilement et est à deux doigts de s'en sortir, mais Lucien, sous la pression du juge, finit par avouer sa véritable identité. Désespéré d'avoir trahi son bienfaiteur et d'être indirectement la cause du suicide d'Esther, il se pend dans sa cellule.
Vautrin, grâce à des lettres compromettantes négocie sa propre libération et celle de plusieurs de ses complices. Mieux, il entre dans la police où il devient chef de la Sûreté.
Comme on le voit l'histoire tourne autour des trois personnages principaux (sur les 273 qui figurent dans le roman, record absolu de la Comédie humaine !), Lucien, Esther et Vautrin, avec un coup de projecteur spécial sur la destinée de la pauvre Esther, courtisane déchue qui cherche à se réhabiliter dans la mort (thème romantique s'il en est). On peut voir aussi dans Esther un miroir de Coralie (dans les « Illusions perdues ») (il n'a vraiment pas de chance ce pauvre Lucien !)
On peut considérer « Les Illusions perdues » et « Splendeurs et misères du courtisanes » comme un diptyque consacré à Lucien de Rubempré ; ou bien en y adjoignant « le Père Goriot », un triptyque consacré à Vautrin.
Quoi qu'il en soit trois oeuvres majeures de la Comédie Humaine, et donc de notre patrimoine littéraire.

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« Relire Balzac. Cela ne se décide pas, en fait. Chaque fois, c'est comme d'avoir trop mangé. On met longtemps à y revenir. Seulement, une fois par an, c'est reparti pour trois semaines. On en relit un, et c'est celui-ci qui vous commande lequel suivra, on déroule un fil, qui d'année en année ne sera jamais répété à l'identique. » François Bon « Notes sur Balzac » tiers livre éditeur (2016).

François Bon décrit parfaitement ce qui m'arrive tous les ans. Dans mes étagères il y a plusieurs endroits réservés à Balzac, dans mon bureau trônent les seize volumes de l'oeuvre De Balzac dans la collection « Le club français du livre » des années 1970. J'ai au moins trois étagères consacrées aux biographies De Balzac et à l'étude de ses oeuvres. À l'étage une autre édition de la Comédie Humaine celle de France loisirs et dans une autre pièce tous les romans De Balzac en poche. J'ai donc des doublons, mais c'est sans importance, chaque édition présente un intérêt particulier, soit pour la typographie, soit pour les illustrations soit pour les préfaces, ou encore pour la taille du livre. Ainsi, suivant mes besoins et mes envies je pioche dans l'une ou l'autre de ces réserves pour lire ou relire Balzac. le mois dernier j'ai acheté une nouvelle édition du Père Goriot et j'ai eu plaisir à lire sur du papier neuf. J'ai eu envie de poursuivre avec « Illusions perdues » qui fait une excellente suite au « Père Goriot » et naturellement il me fallait compléter avec Splendeurs et misères des courtisanes pour clore ce que l'on appelle le « Cycle de Vautrin ». Ces trois romans forment un ensemble très cohérent pour prendre la mesure de l'oeuvre De Balzac. On y retrouve tous les personnages principaux dont on peut suivre les histoires d'un livre à l'autre. Ces trois livres couvrent la période d'écriture la plus féconde De Balzac située entre 1834 et 1847. Splendeurs et misères des courtisanes est considéré comme le couronnement de la Comédie Humaine, Balzac n'a pratiquement plus écrit après. Il n'est pas conseillé d'aborder Balzac en commençant par Splendeurs et Misères, il rebutera sans doute les néophytes à cause de son volume (plus de 600 pages en édition de poche) et du nombre important de personnages plus d'une centaine. C'est un véritable volcan en éruption, Balzac reprend les principaux personnages du Père Goriot et d'Illusions perdues et les fait évoluer dans le Paris des années 1820-1830 dans les milieux les plus éloignés les uns que les autres, la haute bourgeoisie, la banque, la police, la justice, le milieu carcéral et les criminels en tout genre qui peuplent les quartiers les plus malfamés de la capitale. Balzac passe de l'écriture la plus raffinée à l'argot en passant par les patois dont l'auteur reproduit les accents avec humour et un évident plaisir. C'est le roman de l'ascension sociale et de la déchéance, de l'ambition, de la bourgeoisie, des ducs et des duchesses, mais aussi des criminels, de l'amour, de l'argent le tout dans une ambiance de roman policier ou les déguisements, les fausses identités, les rebondissements rendent ce livre particulièrement vivant. Les personnages centraux sont Lucien de Rubempré, le jeune ambitieux au talent certain, mais dépourvu de volonté et de caractère qui va bénéficier de l'aide de l'intriguant et énigmatique Vautrin, ancien bagnard qui prend de multiples identités, pratique la chirurgie esthétique, imite les accents, baragouine en plusieurs langues pour construire ces différentes personnalités : il est tantôt l'Abbé Carlos Herrera envoyé du roi d'Espagne, Jacques Colin alias Trompe-la-mort, le bourgeois Vautrin etc. Il se sert de Rubempré, dont il est secrètement amoureux, pour assouvir sa revanche sur la société.
"Pour lui (Vautrin), Lucien était plus qu'un fils, plus qu'une femme aimée, plus qu'une famille, plus que sa vie, il était sa vengeance; aussi comme les âmes fortes tiennent plus à un sentiment qu'à l'existence, se l'était-il attaché par des liens indissolubles".
Ce qui est étonnant aussi dans ce roman ce sont les multiples références que Balzac fait à ses autres livres sous la forme de courtes indications comme (Voyez le Père Goriot), (Voir Scènes de la vie Parisienne, l'Interdiction) etc.. Dans le court du récit il nous donne des indications sur son oeuvre "Jacques Collin" (Vautrin), espèce de colonne vertébrale qui par son horrible influence relie pour ainsi dire le Père Goriot à Illusions perdues et illusions perdues à cette études". Ce renvoi à la fiction au milieu d'un récit qui se veut réaliste est caractéristique de l'écriture et de la pensée De Balzac.

Balzac nous invite dans tous ses livres à un véritable festin historico-littéraire, il y a d'abord l'histoire des moeurs de son époque mise en scène avec une galerie de personnages extraordinaires. Un texte émaillé de citations latines, de calembours, de mots rares, de rappels historiques, de références à l'antiquité, à la littérature de tous les temps, à la philosophie, à la politique, un assemblage vertigineux d'informations au point parfois d'inciter le lecteur à recourir à internet pour mieux comprendre encore la pensée de l'auteur. Ceci donne parfois le vertige lorsque l'on sait que, pour écrire (3 à 4 romans par an), Balzac ne disposait d'aucun des moyens modernes de traitements et de diffusions de l'information (internet, iPhone, etc.), moyen bien pratique pour retrouver le rappel d'un fait historique, un nom, un synonyme, une définition. Sa bibliothèque ne comportait que quelques centaines de livres et Pierre Larousse n'avait pas encore publié son Grand Dictionnaire du XIXe siècle. Autrement dit Balzac ne disposait que de sa plume d'oie, d'un encrier et de son prodigieux cerveau capable de mémoriser sans effort la totalité de ce qu'il voyait, lisait ou entendait.

Il y a pourtant des moments où l'attention du lecteur peut retomber, je dois avouer que moi-même pourtant passionné par Balzac, j'ai quelquefois eu du mal à suivre les intrigues dans le détail et je me suis un peu perdu dans la multitude des personnages. D'autres lecteurs trouveront sans doute un peu superflue les nombreuses digressions explicatives De Balzac, pour ma part j'ai beaucoup apprécié quand Balzac nous décrit les corridors, les bureaux, les escaliers des prisons et du palais de justice avec une précision telle que nous ne pouvons pas douter du fait qu'il connaissait parfaitement les lieux et qu'il avait tout mémorisé. Plus loin il nous explique le fonctionnement de la justice, le rôle des huissiers, des greffiers, des juges, de la police et déroule avec minutie la procédure pénale tout en portant un jugement sur ces institutions et en proposant des améliorations. Balzac s'emporte peut-être un peu en multipliant les intrigues et en exagérant l'extravagance de ses personnages, il est emporté lui-même par la puissance de son imagination et il a le sentiment de pouvoir donner la vie à tout ce qui sort de sa plume. Un roman De Balzac c'est comme un torrent qui vous entraîne et il faut du souffle pour se laisser emporter sans sombrer, mais on n'est jamais déçu du voyage. Et tant pis si l'on a bu la tasse, car même si l'océan est trop profond, on y revient toujours.

— « Splendeurs et misères des courtisanes », tome XIII et XIV de l'édition « La Comédie Humaine » France loisirs (1986).
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Pour apprécier Balzac à sa juste valeur il me semble qu'il faut avoir un peu vécu afin d'être à même de percevoir toute la saveur de l'écho de ses observations avec notre époque. Dans Honoré et moi, Titiou Lecoq mettait l'accent sur l'extrême modernité de l'auteur de la Comédie Humaine et ce n'est pas une tromperie. L'envie qu'elle a suscitée chez moi s'est transformée en régal de lecture, d'abord avec Illusions perdues dont le film avait provoqué mon passage à l'acte, et ensuite avec ce Splendeurs et misères des courtisanes qui reprend les aventures de Lucien de Rubempré là où nous l'avions laissé.

Le voici de retour à Paris, grâce au soutien financier et tactique de l'abbé Carlos Herrera derrière lequel se cache Vautrin, alias trompe-la-mort, alias Jacques Collin, bagnard évadé et spécialiste des transformations. L'homme a de grandes ambitions pour son poulain dont l'orgueil et l'envie d'être admiré trouvent ici à s'épanouir. Guidé par Herrera, Lucien travaille dur dans les salons et les antichambres : succès mondains, carrière, admiratrices protectrices, mariage lucratif en vue... la voie semble royale même s'il ne peut s'empêcher de tomber amoureux d'Esther, une ancienne courtisane. Une relation qui pourrait contrarier ses plans et que l'abbé va tout mettre en oeuvre pour retourner en leur faveur grâce à ses talents hors norme de manipulateur sans scrupules pour lequel tout a un prix. Pourtant, l'étau se resserre. Polices et contre-polices sont sur ses traces, et à trop jouer avec le feu... Balzac devait certainement avoir envie de nous faire une conférence sur la Conciergerie, lieu qui semble l'impressionner au plus haut point et dans lequel il situe la deuxième moitié du roman qui est de loin la plus passionnante à mon sens. L'occasion d'explorer les mécanismes de la police et de la justice au sein d'un système assez complexe où - à l'instar du fameux Vidocq - on peut parfois changer de position. Balzac met deux mondes en parallèle, celui de la bonne société où les intrigues, réseaux d'influence et autres moyens de pression sont légion et celui du peuple d'en bas qui rivalise d'inventivité et de culot dans l'organisation de ses activités criminelles ; au point que le lecteur ne peut que constater que les uns n'ont rien à envier aux autres.

Si la première partie m'a parfois lassée par ses intrigues de salons ou la difficulté à suivre le terrible accent du banquier Nucingen, la seconde moitié m'a totalement captivée dans les pas du personnage de Vautrin/Jacques Collin, complètement taillé pour le genre du feuilleton, forme sous laquelle a d'abord été publié ce roman. le récit est alors centré sur les intérêts des différents protagonistes et les moyens employés pour les faire avancer ; on y découvre sans surprise et avec une pointe d'ironie l'influence des femmes qui trouvent leur rôle sur l'échiquier. Et l'on en sort sans plus trop d'illusions quant à la marche du monde. "Les voilà donc, ces gens qui décident de nos destinées et de celles des peuples ! " constate Jacques Collin, mi-amer, mi-moqueur et un poil misogyne, "Un soupir poussé de travers par une femelle leur retourne l'esprit comme un gant". On avait déjà pu remarquer un bon nombre de piques adressées à la gent féminine tout au long du roman, ça se confirme donc même si leurs pendants masculins ne sont pas épargnés, en premier lieu pour être si facilement manipulables.

Une lecture qui m'a confortée dans l'idée de revenir de temps en temps vers Balzac et d'autres auteurs dits classiques, pour la saveur d'une plume habile à piquer autant qu'à divertir. Reste à choisir le prochain.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Partie intégrante de la comédie humaine, dans Splendeurs et misères des courtisanes nous rencontrons à nouveau les protagonistes des « Illusions Perdues » ou du « Père Goriot ».

De retour à Paris, Lucien de Rubempré est bien décidé à poursuivre son ascension. Sous la protection de Carlos Herrera, un ecclésiastique au passé trouble, il use de tous les stratagèmes pour faire sa place dans la haute société. Avec l'appui de son mentor, il se rapproche de Clotilde de Grandlieu. Leur union pourrait lui permettre d'accéder à une position tant convoitée.

Lucien de Rubempré s'est épris d'Esther Gobseck, une ancienne courtisane. Leur passion pure et charnelle doit rester secrète afin de ne pas entraver son ascension sociale. Carlos Herrera contribue à cette dissimulation et installe Esther dans une demeure sous la protection et la surveillance de deux domestiques, Europe et Asie. Par amour, Esther sera bâillonnée et emprisonnée dans cette maison et devra renouer avec son passé de courtisane…

Cette lecture aussi dense qu'exigeante mélange lutte de pouvoir, passion amoureuse et ambition personnelle. Les protagonistes s'entrecroisent et ce volume pourrait finalement contenir plusieurs oeuvres. Je ne vous invite pas à débuter votre découverte de la comédie humaine avec ce volume présentant des longueurs. Cependant, je ne peux que saluer l'ampleur du travail d'Honoré de Balzac.
Lien : https://memoiresdelivres.wor..
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