PATRIE BLANCHE
La mort toujours avec sa trace devant nous parmi les arches modernes et les voitures.
D'un battement en avance vers l'horizon.
D'une déchirure de nuage.
Le soir
une douceur se mêle au monde.
Quand le moment sera presque trop tard et cependant tout plein de notre vie passée
quand nous serons au bord de nous et que la terre sera fruit prêt à se détacher
la mort se tournera vers nous avec le vrai visage d'Eurydice
Elle nous rejoindra.
Nous foulerons ensemble notre patrie totale et blanche.
QU'UN REGARD
Une jupe en maille
entre le ventre et le jour gris.
La
Tour
Eiffel crie d'électricité.
Sur le pont
Mirabeau, la femme caresse l'étoffe pensant aux minutes qui passent aux morts de l'année barrés au stylo-bille sur son agenda
son ventre là-dessous sent sa fragilité
des rideaux d'oiseaux
vont et viennent en biais dans le ciel
elle voudrait leur confier son petit sac d'entrailles
ne plus être
qu'un regard lumineux et nu, comme la
Tour.
FURTIVES
Quand vous vous éveillez en lucidité de l'obscur
sans courage
pour porter votre vie et le bruit des pommes qui tombent
obstinez-vous aux lichens, aux mousses.
Sur nos mains ils laissent
Trace légère.
D'une odeur sèche ils emmaillotent
La blessure de nuit.
Respirer ne désespère plus
quand on rejoint des ferveurs si furtives
nées après nous, plus anciennes pourtant que l'animal, que l'arbre.
Une compilation des émissions « Poésie sur parole », par André Velter, diffusées du 30 septembre au 5 octobre 1991. Invitée : la poétesse en personne. Lecture : Maud Rayer et Francine Berger.