Qu’il sera beau le jour…
Qu’il sera beau le jour où nous mourrons
il y aura tes habits dans les arbres
ta chevelure aura des accents mystérieux
notre enfant ne sera encore que dans ton ventre
car il faut être jeune pour mourir sublimement
Nous mourrons tous les deux – tous les trois
où je mourrai tout seul si tu es
tellement mienne et cet enfant tellement mien
qu’on nous confonde dans les sentiers
Qu’il sera beau le jour où nous mourrons
j’imagine assez bien les oiseaux dans les branches
ils seront noirs comme je les aime et le bec
déjà dans le sang que ta plaie
perdra sur les cailloux blancs
des perles sur les galets
[…]
Tout ce qui dans le cadre étroit
Extrait 7
Tout ce qui dans le cadre étroit de nos fenêtres
Attire les regards aimante les esprits
Tout cherche à devenir ces quelques mots écrits
Pour répondre à la voix sourde qui les fait naître
Au plafond les bateaux
extrait 1
Au plafond les bateaux pendent comme des lustres
C’est un rêve qui flotte au-dessus de mon front
Vaisseaux et sous-marins que menèrent d’illustres
Capitaines se perdre où la vue s’interrompt
Le précipice attend ma venue Le sommeil
Me guette à la croisée des chemins qui décollent
La terre s’arrondit pour gober le soleil
Dont la coquille usée roule dans les rigoles
…
Mais je change de lit
extrait 3
Mais je change de lit dès qu’un signal sonore
Traverse mon cerveau comme un regard pointu
Même mes ennemis me quittent quand je dors
Au réveil j’ai proscrit mes grâces de tortue
J’enfonce dans la boue mon visage inconnu
Et j’examine avec circonspection les masques
Gonflées les joues ont l’air de belles fesses nues
Un moment puis soudain l’ensemble devient flasque
…
La poésie n’a pas besoin d’être lue
extrait 1
La poésie n’a pas besoin d’être lue
Seule elle fleurit
Au bord des toits
À l’angle des vieux murs
Je l’ai vue entre deux persiennes
À l’instant où elles se séparaient
Pour laisser la place à un visage
Un visage derrière une vitre
Le visage de n’importe qui
Ton visage
Mon visage
Tous les visages se ressemblent
Ils se rassemblent et n’en forment qu’un
Le même sourire éclaire les mêmes bouches
Les lèvres s’allongent pour baiser d’autres lèvres
Elles se rencontrent dans l’espace
Comme deux oiseaux en plein vol
Comme deux avions se percutent
Comme une météorite fracasse la terre
Et poursuit son chemin
Tiens vous êtes mort moi aussi
Cela ne nous empêche pas d’aller à la pêche
Au goujon
C’est tout ce qui reste dans nos viviers
Une maigre friture
…