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sur 477 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Conquise, charmée, nostalgique, quel week-end j'ai passé en compagnie de Madeleine, de Guy, de Sophie et de la narratrice de ce texte.
Le texte commence par une phrase toute simple, qui pourtant m'a d'emblée renvoyée à des souvenirs vieux de plus de 50 ans: "en faisant la vaisselle ma mère chantait souvent ... "

Il ne m'en fallait pas plus pour savoir que j'allais apprécier ce texte, ces souvenirs personnels précis qui pourtant tendent à l'universel. La chanson chantée par ma mère était différente, mais l'ambiance de la maisonnée était vraiment la même. Ma grand-mère et ses phrases toutes faites, les photos carrées aux bords crantés que je garde comme de précieux trésors, sans même savoir qui sont ces gens.

L'album de maman, et puis les souvenirs personnels, le jardin et la maison pendant les vacances, les jeux avec mon cousin, les phrases chuchotées par les grands qui ne voulaient pas que nous comprenions que tel oncle n'était peut être pas aussi parfait que sa belle prestance aurait pu le laisser supposer ...

Ce sont vraiment là des textes qui m'emplissent, me ravissent, j'adore ces bulles d'introspection. Odette Froyard en trois façons commençait de la sorte mais se perdait ensuite dans trop d'extravagances.

J'ai trouvé qu'ici, Dominique Barbéris restait juste et posée, elle brode l'existence de Madeleine, probablement, mais elle reste tout à fait sobre et crédible. Alors qu'elle même n'est jamais allée au Cameroun elle nous propose des pages enchantées sur ce pays et la ville de Douala. Sa qualité d'écriture, le choix des mots et leur agencement donne une lecture fluide, légère et lumineuse.

J'ai vraiment adoré. Je le recommande chaleureusement à mes ami.e.s qui connaissent bien Nantes, la ville y est décrite avec grande précision, j'ai maintenant presque l'impression de la connaître, ou du moins de connaître le Nantes des années 50.
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« Au fond, il faudrait repartir de là, de cette photo posée sur le buffet de grand-mère où ma tante marche dans une rue de Douala en tenant la main de Sophie – la petite Sophie comme on disait dans la famille, « cette pauvre petite Sophie »… Parce qu'elle a retrouvé une photo qui la fascine, une photo qui montre sa tante Madeleine en compagnie de sa cousine dans une rue résidentielle du grand port camerounais, la narratrice interroge cette Sophie devenue adulte sur son enfance et le passé de sa mère, un passé qui porte, dans la mémoire familiale, la trace d'un secret. Et lorsque, à la fin de leur conversation, Sophie lui déclare : «D'une certaine manière, ma mère est l'héroïne d'un roman que personne n'écrira. », elle décide de reconstituer son histoire, à partir d'un paquet de photographies et des témoignages de sa mère et de ses proches, à l'affût de ce « fait mystérieux et obscur d'avoir vécu », la part d'ombre et de lumière de cette tante intrigante.
Madeleine, grande et élégante, a passé son enfance dans le quartier du Pont du Cens à Nantes. En août 1950, son cousin Joseph, se destinant à la prêtrise et partant à Carthage pour son noviciat, vient un dimanche faire ses adieux, accompagné de son ami Guy, qui s'apprête lui-même à partir en Afrique, embauché comme cadre par la Société des Bois du Cameroun. Il est immédiatement séduit par la jeune femme, sa beauté discrète, des traits qui la font ressembler à Michèle Morgan. Après quelques semaines de cour et des fiançailles, Guy et Madeleine se marient à la fin de l'automne, et bientôt les voilà embarqués pour le Cameroun et une vie de colons à Douala, au moment où les premières actions des militants indépendantistes ont lieu… Madeleine apprend les règles de la vie coloniale, se chamaille avec leur serviteur Charlie, toujours prêt à n'en faire qu'à sa tête ou à marquer sa préférence pour sa précédente maîtresse. Et puis, il y a la fréquentation du petit monde des expatriés, les réceptions, les histoires d'infidélité, quand la femme du gouverneur local couche avec le médecin-chef de l'hôpital. Sophie, née quelques mois après leur arrivée à Douala, est déjà une petite fille, et les événements violents qui conduiront à l'indépendance du pays se multiplient, lorsqu'un soir débarque, dans une des fêtes du gouverneur, Yves Prigent, un administrateur en poste à Yaoundé. Une idylle s'ébauche, bientôt, entre lui et Madeleine, d'abord réticente, mais qui finit par accepter de l'accompagner dans de longues promenades dans les rues de la ville
« Est-ce parce qu'il ne reste plus aucune trace, aujourd'hui, de ce monde que le souvenir inocule en moi un secret et permanent chagrin ? », écrit au cours de son histoire la narratrice, et le lecteur est amené bien vite à partager cette mélancolie. On ne dira jamais assez le plaisir que l'on prend à retrouver ici l'écriture pleine de finesse et d'élégance de Dominique Barbéris, tout le charme qu'elle distille dans son évocation de la vie calme d'une famille bourgeoise De Nantes, dans l'après-guerre, puis celle du petit monde des Français en Afrique, menacé par les soubresauts de la décolonisation. Et puis, cette manière si douce de raconter le coeur d'une femme, avec ses silences comme « une façon d'aimer », une petite musique qui semble naître, avec des notes qui évoquent aussi bien Mauriac que Duras, Béart, Patachou ou Mouloudji, du coeur même de ces temps révolus. Allez, on se remet le disque ?
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″Un mariage, c'est comme la mort : on ne peut pas en parler puisqu'on le voit toujours de l'extérieur. Personne n'en connait le secret. ″
En apparence, le mariage de Madeleine était tranquille comme l'eau qui dort. C'est sa nièce, la narratrice qui en brosse le portrait d'après des photos et des coupures de presse provenant de sa cousine, la fille de Madeleine. Madeleine a choisi son mari presque sur un coup de tête, ni coup de foudre, ni longue période de séduction. C'est plutôt son mari qui était fou d'elle. Elle a 27 ans, est discrète, toujours élégante, bien mise de sa personne, belle ; transparente, elle parle peu, fréquente peu de monde. A peine mariée, ils partent au Cameroun, où Guy y travaille déjà. le pays est en pleine décolonisation ; la tension se fait sentir, le sentiment anti français est de plus en plus palpable.
Madeleine et Guy mène une vie d'expatriés, ne côtoient que leurs semblables bien à l'abri des locaux. Madeleine si impassible et lisse se laisse troubler par Yves, un homme qui un soir de fête entre colons, l'invite à danser, elle qui d'ordinaire ne danse pas. de cet amour aussi fort que platonique, nous n'apprendrons que des bribes, ne verrons que des moments fugaces, des instants volés, des regards, des gestes tendres ; nous n'entendrons que des silences qui en diront bien plus que les détails croustillants qui n'ont pas leur place ici. Dominique Barbéris décrit parfaitement ce microcosme colonial dans lequel Madeleine s'est infiltré sans bruit, et entretient le secret, quand d'autres s'exposent et gesticulent à grand bruit.
J'ai infiniment aimé cet ouvrage, tout en délicatesse, en non-dit, en murmure. Elle rentre presque par effraction dans la vie de cette femme et y évolue comme sur du velours, se faisant la plus discrète possible ; Madeleine n'en méritait pas moins.
L'atmosphère de l'époque y est parfaitement relatée ; une sorte de monde révolu dans lequel a vécu une femme d'un autre temps ; une époque bercée par des chansons que l'on n'entend plus guère de nos jours et que Dominique Barbéris ressuscite avec justesse pour coller parfaitement à son propos.
Les libraires de Nancy ont très bon goût ; ils viennent à nouveau de le démontrer en attribuant à cet ouvrage leur prix à l'occasion du Livre sur la place 2023 !

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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J'ai adoré ce livre, l'écriture de Dominique Barberis m'a fait voyager, j'y étais à Douala, je pouvais sentir les parfums, voir les couleurs, percevoir la chaleur moite et humide, écouter les musiques, palper cette ambiance insouciante et frivole du mitant des années 50 et le crépuscule de ce monde colonial, qui ne fut pas forcément celui qu'on veut absolument fustiger en lui plaquant les schémas bien-pensants contemporains.

Moi qui aime Modiano, j'ai retrouvé à travers ces lignes cette forme de nostalgie évanescente qui transporte le lecteur vers d'autres temps, d'autres lieux…
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Une photo jaunie, une remarque de sa grand-mère et la narratrice, soixante-dix ans après les faits, creuse pour comprendre quelle a pu être la bêtise que sa tante a évitée. On plonge alors au Cameroun, dans les années cinquante. Madeleine y a suivi Guy son mari. Un couple fusionnel puisqu'il se dit qu'il n'a pas supporté de rester seul à la mort de son épouse. Pourtant, là-bas, il semblerait qu'elle aurait pu se laisser tenter, se laisser séduire …
On découvre les colons, installés en Afrique, qui vivent entre eux, font leur soirée et emploient les locaux chez eux. Madeleine a un boy, il lui parle de ceux qu'il a servis avant qu'elle arrive, elle n'est pas à l'aise. Son mari travaille mais pour elle les journées sont plus longues alors elle se promène, retrouve celui qui lui a parlé lors d'une soirée. Il a la réputation d'être un beau parleur…. Alors, on suit le quotidien de toutes ces personnes. Celle qui raconte imagine, reconstitue le puzzle avec les éléments dont elle dispose. Tout n'est pas dit, certaines choses se comprennent entre les lignes, se glissent dans une atmosphère mélancolique.
C'est une histoire simple, celle d'un mariage et de ces gens qui vont vivre loin à cause du travail. On pourrait presque penser que ce récit va être « classique ». C'est sans compter sur la force de l'écriture de Dominique Barberis. C'est elle qui donne toute sa puissance au texte. Sensibilité, délicatesse, les phrases composent une dentelle sous nos yeux de lecteur charmé par la poésie qui se dégage des mots. C'est un phrasé brodé, à points comptés, qui dévoile par petites touches la vie d'une femme.
Une lecture coup de coeur !

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Tout l'art de Dominique Barbéris, et il est grand, et il nous emporte, est de présenter des récits très lisibles et très mystérieux, très lumineux et très sombres, presque hitchcockiens, avec des héroïnes blondes, fines, belles, qu'on croirait elles aussi échappées des films du Maître.

Rien n'est plus vrai que dans ce Une façon d'aimer qui est absolument magnifique.

Il rappelle Henry James quand il évoquait la "trompeuse limpidité" de Guy de Maupassant. Cette trompeuse limpidité valait aussi pour James, et elle vaut donc pour Barbéris pour qui le réel, quoiqu'on fasse, se défait comme une poignée d'eau à mesure qu'on l'approche. Dominique Barbéris va encore plus loin dans ses livres : elle nous dit non seulement que le réel ne peut pas être décrit mais qu'il est au surplus inutile, voire dangereux, de le faire. On reste ainsi, sur les bords de la Loire, à Nantes, ou au fond du golfe de Guinée, à Douala au Cameroun, dans une sorte d'entre deux, de chien et loup (qui n'est pas d'Afrique où la nuit tombe d'un coup), d'errance et de mystère.

C'est une vie, c'est une façon d'aimer, c'est très poignant et c'est très beau.
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UNE FACON D'AIMERDominique BARBERIS

PRIX ACADEMIE FRANCAISE




La nostalgie d'une époque dont nos anciens parlaient. Beaucoup de plaisir à entrer dans ce monde des colonies et ses mystères qui me faisaient rêver.

Cette fois, on touche à la période de la fin de la présence française, lorsque vient le temps de la décolonisation, et la perspective de quitter pour toujours un pays magnifique, où tout semblait être donné à foison, avec pour seul avenir  une vie étriquée dans une petite ville française.

En effet, ici, la vie est douce, des soirées entre colons, des fêtes, des belles robes mais en sous-jacent, apparaissent les indépendantistes.

Um Nyobé, militant indépendantiste et anticolonialiste camerounais a été assassiné.

Madeleine, la tante de la narratrice, et Guy son mari, se sont connus au cours d'un dîner qui réunissait des amis communs. Lui est tout de suite tombé amoureux de cette belle jeune femme de 26 ans, très élégante, avec un air de Michelle Morgan. C'est qu'à vingt six ans, elle n 'est plus si jeune et ce prétendant peut lui offrir une vie moins terne que les jeunes hommes qu'elle côtoie.

Très vite après le mariage ils partent pour le Cameroun, où Guy gère une entreprise de bois. Dépaysement total.

Douala a un goût d'aventures et je pense aux chefferies, aux français qui ont travaillé à la BICEC, banque internationale, à notre Bamiléké plein d'humour que nous avions invité à la Bibliothèque.

Madeleine sérieuse et discrète sort peu, elle reste à la maison avec sa fille Sophie et le boy.

On devine les bruits de Douala, l'atmosphère, la chaleur suffocante et les pluies diluviennes.

De temps à autre, Madeleine participe à quelques soirées données entre européens, et c'est au cours d'un de ces dîners qu'elle fait connaissance d Yves Prigent, administrateur civil, beau parleur et coureur… Qu'est ce qui l'attire chez Madeleine ? Son élégance discrète ? Les rencontres régulières avec cet homme alimentent les rumeurs.

C'est bien après la mort de ses parents que Sophie fera part de ses soupçons à sa cousine, à la faveur de photos et de lettres qu'elle a retrouvées dans leur maison. N'y a t il eu que ces promenades innocentes en compagnie d'Yves et de Sophie, ou Madeleine a-t-elle succombé à cet homme séduisant ?

La narratrice, imagine cette romance, en plongeant dans l'idée qu'elle se fait des aventures vécues par ces expatriés, nous donnant à lire le seul battement de coeur que Madeleine a peut être eu dans sa vie, et qui s'est éteint comme s'éteint dans une lueur crépusculaire la vie rêvée qu'elle s'était imaginée vivre au-delà des océans.

Un roman très agréable.

Un magnifique exercice de style avec le pouvoir de l'imagination, car tante Madeleine avait une phrase…Nous avons eu notre part »… Mais quelle part ?
Lien : https://annemariequintard.fr
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"Il n'était pas très grand; des cheveux bruns, peignés en arrière et crantés, le front haut, une chemisette avec des pattes sur l'épaule. Il sourit en fumant. Puis tendit la main à Madeleine : Vous dansez?

Elle s'excusa ; non, je danse très peu, je ne danse pas bien.
Mais il insista et il la tira vers la piste".

La narratrice nous conte l'histoire de sa tante Madeleine, partie avec son mari dans les années 50 à DOUALA.

C'est par une petite phrase lancée par sa grand-mère : " Parles-en donc à ta tante, de ce genre de bétise. Elle a failli en faire une, et une grosse. Tu gardes ça pour toi, bien sûr", que son enquête commence.

De cette photo jaunie ou Madeleine, qui ressemble tant à Michèle Morgan, déambule dans une avenue de cocotier c'est tout un microcosme qui s'offre à nous.

Une époque révolue entre le Nantes d'après guerre et l'Afrique des années 50.

Dominique Barbéris nous dresse le portrait d'un couple, Madeleine et Guy, de provinciaux. Un couple banal, sans histoire mis à part ces années à DOUALA.
Mais est-ce bien la vérité ?

C'est roman nostalgique que nous offre l'auteur, par petite touche il nous dévoile l'univers des micro société de l'époque ou tout le monde se connait et s'épie.

Mais c'est avant tout l'histoire d'un désir , d'un possible, et des regrets que l'on traînent toute une vie.
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Je suis entrée lentement dans ce roman, attirée par l'écriture. Et puis je me suis laissée emporter par l'histoire, racontée par la nièce. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai trouvé l'histoire "délicieuse", teintée d'une légère nostalgie. Une histoire d'amour vécue (ou plutôt devinée) à travers des lettres, des coupures de journaux. Une ambiance à la mode d'"Out of Africa" avec en fond la narratrice qui explique et vit par procuration ces instants magiques d'un amour défendu. Je me suis laissée portée par l'écriture, l'histoire, les odeurs, la chaleur humide d'un pays, d'une époque où tout semblait possible et pourtant dangereux.
Une histoire comme un film avec un filtre de tendresse, mais qu'on savoure sur plusieurs jours.
Un vrai coup de coeur pour moi.
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Dominique Barbéris déploie une écriture plein d'élégance de livre en livre, et celui-ci ne fait pas exception. Portée par cette plume subtile, elle nous entraîne dans une histoire plus que simple, entre Douala et la France, mais à aucun moment dénuée d'intérêt. Et au fond, c'est peut-être à cela que l'on reconnaît les bons livres.
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