Qui est cet homme qui arrive tard à l'hôtel du col, réclame une chambre calme, puis commande un bon dîner sans quitter des yeux les lumières qui brillent dans la vallée ?
Qui est-il, cet homme énigmatique ?
Hum hum, ça sent le fait divers cette histoire…
Et ça fait quoi, un fait divers, dans la vie des gens ?
Par exemple, dans la vie d'une personne qui connaît tout des villages, des routes, des habitants : l'infirmière du coin ?
Ou dans la vie de ses patients, qui n'ont parfois rien d'autre à faire que d'observer de leur fenêtre ?
Une intrigue délicieusement construite, avec ce qu'il faut de mystère et de suspense.
Mais le personnage principal... c'est la montagne.
Pas la grandiose vision des sommets, non, mais la montagne vécue en hiver par la population : le soleil qui disparaît si tôt dans l'après-midi ; la neige, les routes en lacets, verglacées, interminables, au travers des oppressantes forêts de sapins.
L'autrice nous fait entrer brillamment dans cette vie en marge, ce quotidien inconnu de beaucoup (pour ma part j'habite à 60 mètres au-dessus du niveau de la mer), et nous raconte aussi comment se transforme cette ancienne petite ville industrielle, avec les lotissements et les immeubles, le centre commercial qui draine toute l'animation…
C'est dépaysant, et de plus c'est très bien écrit : une agréable découverte.
Challenge Solidaire 2023
LC thématique septembre 2023 : "Première rencontre"
Challenge gourmand (Pain d'épices : Se déroule pendant la période de Noël)
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Nous sommes en montagne, dans les derniers jours de 1999. Il neige, la Suisse n'est pas très loin, les gens se connaissent tous. La narratrice est infirmière à domicile, elle connait bien les villages du coin, les gens. Elle nous raconte a posteriori, elle mêle évidemment sa propre vie aux évènements, ce qu'elle a vécu avant, quand elle était jeune, ce qu'elle sait des gens chez qui elle entre, comment elle a reconstitué après coup tel ou tel minuscule moment, ce que ça lui a évoqué, pourquoi, comment une chose infime prend tout à coup sens, ou pas. Tout ceci est bien mystérieux, on se demande en permanence où on va, l'ambiance est à la tristesse, pas la vilaine qui plombe mais celle qui sonne juste, celle qui sent la vraie vie, les vrais gens, ce moment où on allume les lumières même si ce n'est pas encore l'heure parce que l'obscurité a un poids, une odeur et une présence et que ça nous dérange, qu'on refuse cette sensation de dimanche soir. le suspens est latent et notre curiosité grandit. On admire l'apparente contradiction, comment peut-on ressentir à la fois la proximité la plus quotidienne avec ce récit et les sensations qu'il communique et se mettre à bouillonner lentement, avide de savoir, de comprendre, d'avoir le fin mot ? C'est la grande réussite de ce roman, dont on apprécie – en plus – l'épilogue parfait.
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En marge de la frontière suisse, en marge du changement d'année, en marge du reste du monde isolé par la neige, un homme inconnu s'arrête quelques jours. La narratrice, infirmière, revient sur ces quelques jours et sur cet homme qu'elle a croisé sans le voir et sur le "destin" qu'il modifie.
Deux personnages qui se croisent sans se rencontrer, deux récits, deux vies dont nous ne connaîtrons que ces quelques jours, ces quelques heures, comme les morceaux d'un puzzle incomplet dans un paysage à la fois sombre et blanc.
Toutes les actions semblent étouffées par la neige, surtout les plus inavouables. le récit se déroule sans surprise, sans heurts et pourtant bien au-delà de la trivialité, comme pour adoucir l'inconcevable. Tout y prend le goût fade et froid de la neige, un bref sursaut avant d'être dissout, laissant au lecteur une légère impression de perplexité.
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Les bulletins météorologiques annonçaient tempête après tempête : toutes les rues en pente étaient verglacées et les bus peinaient dans les côtes, notamment dans les quartiers neufs dont les constructions s’étagent sur les hauteurs. Les saleuses passaient dès trois heures, bien avant le lever du jour. Les trains avaient du retard, le trafic ferroviaire avait du mal à se rétablir. L’hypermarché était en rupture de lainages et de radiateurs d’appoint, je me souviens qu’on l’avait dit.
Elle pensait à ce qui peut arriver dans le noir, à ce qui peut arriver dans le temps (le temps et le noir, c’est pareil), et la peur lui coupait le souffle. Elle respirait difficilement. Elle s’était posé les questions qu’on se pose dans le noir : il y avait des gens qui prédisaient la fin du monde ; elle avait vu un reportage à ce sujet à la télévision. Des illuminés, certainement, mais quand même ! Les illuminés ont-ils toujours tort ? Au dernier millénaire, c’était le Moyen Âge. Il y avait des serfs et les hommes mouraient à trente ans. Pourtant, avait pensé Agnès Declercq, c’étaient des hommes comme nous. Maintenant, ils n’étaient que de la terre.
Ils se disaient aussi : certains sont responsables de ce qui leur arrive, tous ceux qui manquaient d’énergie, qui laissaient faire, qui se laissaient déborder par la vie. La vie est dure. Mais il y a aussi ce terrible manque d’énergie devant elle (ce déplorable manque d’énergie devant les durs combats). Eux-mêmes avaient mené ces durs combats. Ils se sentaient pleins d’énergie, ils sortaient des supermarchés avec des sacs remplis de choses nourrissantes : des volailles surgelées, du foie gras. Ils avaient des maisons, des enfants, ils risquaient d’être en retard ; leur vie avait un sens.
... et, juste avant que la photographie ne se déclenche, quelqu'un disait pour rire : "Cheese", ou : "Ouistiti."
Remarquez, quand on a un problème, un vrai problème, on se raccroche à n’importe qui. Ma sœur est allée voir un guérisseur, il y en a un, ici, dans un village au-dessus de la scierie, dans une ferme isolée, un radiesthésiste, un type qui aurait des pouvoirs ; il a une barbe comme le Christ ; ça impressionne. Les gens se passent l’adresse. Il soigne les verrues, l’eczéma, le feu. Ma sœur, elle y croit dur comme fer. Elle avait de l’eczéma, ça l’a guérie. Il vous passe les mains sur le corps, paraît-il, sans vous toucher ; ça fait une onde de chaleur.
Dominique Barbéris a reçu le Grand Prix du roman de l'Académie française pour son 11e roman "Une façon d'aimer", paru chez Gallimard. L'autrice embarque les lecteurs dans la France coloniale des années 50 et déroule l'histoire à travers les souvenirs reconstitués de Madeleine, jeune femme simple et sans histoire jusqu'à ce que....
Photos, coupons de journaux, vêtements, la narratrice remonte le fil de cette vie à la fois discrète et mélancolique. Elle est l'invitée de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
#littérature #souvenir #memoire
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