Seconde Pépite de l'Imaginaire après
le Chant des Cavalières de
Jeanne Mariem Corrèze,
Les Chevaliers du Tintamarre est le premier roman du français
Raphaël Bardas, professeur documentaliste et amateur de savate, un savant mélange qui annonce déjà la couleur d'une histoire haute en couleurs.
Morguepierre, cité fantasque
D'entrée de jeu, voici le lecteur plongé dans les ruelles et les tavernes de Morguepierre, une étonnante cité née d'un volcan et dont certains quartiers se trouvent suspendus dans les airs, abritant de facto les nobles et la haute société qui regardent avec dédain la populace d'en-dessous.
De cette organisation verticale (littéralement) du pouvoir,
Raphael Bardas adopte le point de vue le plus terre-à-terre, celui de trois fieffés crapules.
La Morue, tout d'abord, poissonnier et lutteur à l'esprit aussi simple que sa propension à foncer dans le tas tête baissée, Rossignol, poète accordéoniste et érudit à la petite semaine et puis Silas, aventurier-charcutier et beau-parleur qui aimerait devenir justicier des faubourgs et héros populaire. Un trio magnifique qui ne manque pas de caractère et qui sera, tout du long, le visage de Morguepierre, celui des petits et des oubliés, des roublards et des coquins.
Morguepierre, plus encore qu'une vision saisissante pour héros low-cost, c'est avant tout un univers riche qui regorge de créatures fantastiques, de la marie-morgane au troll en passant par l'ogre gargantuesque. Pourtant, jamais Bardas n'oublie la question sociale de son monde et, comme
Wastburg de
Cédric Ferrand, nous voici aux cotés des déshérités et des chevaliers de rien qui aiment boire, se foutre sur la tronche et trousser de la riche pucelle en goguette.
Une enquête gouailleuse
Une fois le tableau principal dressé et l'état des lieux terminé,
Raphael Bardas installe son intrigue grâce à une langue joueuse et enlevée, quelque part entre Steffan Platteau et
Cédric Ferrand.
D'une part, des créatures marines appelées marie-morganes s'échouent mortes et le coeur arraché sur les rivages de Morguepierre, et d'autre part des prostituées disparaissent sans laisser de traces.
Ce double fil narratif permet à la fois de poursuivre l'exploration crapule-fantasy entamée avec le trio du Tintamarre, mais aussi de découvrir un peu plus le monde de la haute en compagnie du capitaine Korn et de son affection Deadwoodesque qui rappelle que la vie n'est simple pour personne à Morguepierre. L'imagination du français, toujours débordante, se mêle à des affrontements succulents où les Mousquetaires honoraires affrontent d'autres bandits repentis tandis que Korn confronte des nobles cocus et d'autres créatures étonnantes.
Les Chevaliers du Tintamarre joue la carte du divertissement fantasy et du chahut héroïque, tire son épingle du jeu grâce à ses personnages attachants et atypiques et réjouit par le foisonnement de son background fantasy assumé et foutraque. Seule ombre au tableau général, une résolution précipitée de l'intrigue principale où les révélations s'empilent trop rapidement et qui, un temps, perdent totalement le lecteur avant d'enfin remettre les choses dans l'ordre pour un épilogue à la fois triste et magique, à l'image de cette aventure forte en gueule qui fait du bien là où elle passe. En filigrane,
Raphaël Bardas honore les sales gueules et les héros qui n'en ont pas l'apparence, fustige les riches qui laissent crever les autres bien à l'abri dans leur petit confort de plumes et de satin, anoblit les gens simples qui ont souvent plus de coeur que bien des seigneurs.
Premier roman réussi et enjôleur,
Les Chevaliers du Tintamarre de
Raphael Bardas vous offre une balade dans une cité cosmopolite et magique en compagnie de sales gosses sacrément attachants et bagarreurs. Une belle découverte qui mérite bien une tournée générale !
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