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Fume, c'est du belge -et on dirait un Agatha Christie sous substances illicites.
Rien ne va plus à Reugny, paisible village des Ardennes belges où tout le monde connaît les secrets de tout le monde : les meurtres se multiplient et voici qu'apparaît l'inspecteur Vertigo Kulbertus, d'une obésité époustouflante et aux méthodes d'investigation peu orthodoxes. C'est à ce moment que débarque également un documentariste parisien, venu enquêter sur la mort d'une actrice survenue 40 ans auparavant dans une baignoire de l'Hôtel du Grand Cerf, où loge et se repaît le sus-nommé Kulbertus.
Pendant ma lecture, j'avais l'impression de voir un épisode d'Hercule Poirot réalisé par Bruno Dumont : c'est totalement foutraque, mais très bien maîtrisé. Les dialogues sont truculents et l'intrigue tient en haleine. Mais un peu comme le cervelas-frites, l'ensemble s'est révélé trop lourd pour moi, et j'en suis navrée, parce que j'aurais vraiment aimé partager l'enthousiasme que ce livre a suscité chez certains amis (désolée, CasusBelli).
Il n'en demeure pas moins que Franz Bartelt est très doué pour planter un décor et des personnages pittoresques, et que ce type d'écrivain, en marge des standards, fait du bien à la littérature en lui apportant un souffle de fraîcheur et de fantaisie. Rien que pour la découverte de cet auteur, je ne regrette pas cette escapade... particulière (alors, merci quand même, CasusBelli).
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Si vous traversez un jour l'Ardenne belge, faites étape à Reugny. Vous y trouverez l'hôtel du Grand Cerf. Cet établissement vétuste n'est pas réputé pour la qualité de sa cuisine ou de sa literie. Il tire son prestige d'un fait divers survenu quarante plus tôt. Rosa Gulingen, une actrice aujourd'hui oubliée, s'y est noyée dans sa baignoire. La police a conclu à un accident, la rumeur à un homicide. Un producteur qui souhaite réaliser un documentaire sur ce drame envoie Nicolas Tèque sur place pour qu'il recueille des renseignements. Mais le journaliste trouve à son arrivée un village ébranlé par une série de meurtres. Un policier tonitruant, l'inspecteur Vertigo Kulbertus, débarque pour diriger l' enquête. Il va découvrir un village qui sous ses airs paisibles est confit dans les vieilles rancoeurs et les haines recuites. Mais ne vous fiez pas à l'allure grotesque de ce Bérurier belge qui profite de son séjour pour s'empiffrer et vider des pintes de bière. Tel un culbuto, il joue de sa forte corpulence pour provoquer et déstabiliser ses interlocuteurs. Car à Reugny, si chacun jalouse et déteste son voisin, tous savent faire front commun face à la curiosité d'un étranger. Un pour tous, tous pourris...

L'auteur réussit une comédie caustique servie par un style impeccable. L'intrigue s'étoffe sans jamais s'essouffler ni étouffer. le roman est à la fois drôle et sombre et dépourvu de toute morale. Un bon moment de lecture qui m'incite à découvrir d'autres oeuvres de Franz Bartelt.
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Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un polar de cette qualité ! Polar, ou plutôt roman noir ?
Mais bon, peu importe la dénomination, ce bouquin est un véritable petit bijou. Oui, il existe encore des auteurs qui arrivent à nous faire sourire et à nous raconter avec talent des histoires qui tiennent la route . Oui, il existe encore des auteurs qui n'ont pas besoin d'en rajouter dans le rayon gore pour attirer le chaland ( enfin, le lecteur et la lectrice )
Un de ces auteurs, je viens de le découvrir, est Franz Bartelt. Je vais être honnête, je ne le connaissais pas du tout. Si une de mes amies ne m'avait pas offert ce bouquin, j'aurais surement passé à coté de cet auteur pendant encore un petit moment. Encore merci à toi, chère A., décidément, tes conseils sont toujours très avisés !
Franz Bartelt va nous emmener dans les Ardennes belges, dans le petit village de Reugny . Ce petit village tire toute sa gloire d'une histoire ancienne : il a abrité une équipe de tournage il y a une quarantaine d'années et la star féminine du film est décédée dans des circonstances douteuses.
Un journaliste, Nicolas Teque, va être amené à enquêter sur cette vieille histoire, dans l'objectif d'etoffer un documentaire. Cependant, juste avant son arrivée, un meurtre survient. Très vite les choses s'enchainent et un deuxième meurtre survient...
Il faudra évidemment l'intervention de la cavalerie, en la personne d'un policier complétement atypique : l'inspecteur Vertigo Kulbertus.
L'humour noir est présent dans cette histoire sans pour autant occulter l'enquête et son déroulement .
Franz Bartelt a une plume caustique, bourrée de talent et mérite vraiment le détour.
J'avoue avoir l'intention de continuer à découvrir son oeuvre, et vais me mettre en quête prochainement d'un autre de ses livres.
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Vous mettez des meurtres et une disparition dans un petit village isolé des Ardennes Belge, des histoires et des secrets qui remontent à la seconde guerre mondiale, un Hôtel figé dans le passé où est morte une actrice 40 ans plutôt, un journaliste pas trop porté sur le travail et un inspecteur grandiloquent et hop on mélange et en ressort un polar bien maîtrisé !

Vertigo Kulbertus, inspecteur de son état et retraité dans 14 jours est diligenté pour enquêter. C'est un personnage absolument fabuleux ! D'une éloquence dérangeante pour les villageois mais une pépite pour nous lecteurs ! Je ne dirais rien de plus sinon votre plaisir serait gâché !

J'ai dégusté ce roman policier, plein de chausse-trappes mais la présentation des chapitres fait qu'on ne s'y perd pas malgré la multitude de personnages et les histoires du passé.

Un humour corrosif et une qualité d'écriture ont fait que je me suis bien remise de ma déception de “Oh les braves gens !”

CHALLENGE MAUVAIS GENRE 2020
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Si vous êtes perdu dans les Ardennes , que vous roulez aux abords de la frontière franco-belge, alors le hasard vous amènera peut-être jusqu'à la petite commune de Reugny, où l'espérance de vie n'est guère élevée ces derniers temps. 

Le hasard, c'est un peu ce qui m'a amené à lire cet étrange roman policier. Entre autres choix, c'est celui-ci qui m'a été attribué lors de la dernière masse critique. Après Au scalpel de Sam Millar, j'avais bien envie de poursuivre ma découverte de la collection Cadre noir aux éditions du seuil. Que je remercie bien sûr, ainsi que Babelio, pour cet envoi.

Je ne connaissais pas du tout Franz Bartelt, même pas de nom, et pourtant il n'est pas le premier venu. Auteur de presque quarante romans ou recueils, lauréat du grand prix de l'humour noir en 2000 avec Les bottes rouges et Goncourt de la nouvelle en 2006 pour le bar des habitudes, il est un auteur discret écrivant aussi bien des polars que de la littérature dîte générale.

En outre, la couverture avait également attiré mon regard. En guise de trophée accroché au mur, nulle tête de cerf ou de sanglier mais ... un vieux téléphone à cadran sur une ancienne tapisserie, comme vu au travers d'un trou de serrure.
Ce côté absurde et décalé, qui semble être la marque de fabrique de l'auteur, on le retrouvera tout au long des pages. 

Reugny, à la frontière belge, était un petit village paisible jusqu'à ce que des crimes y soient commis. Et pire encore : deux intervenants extérieurs vont venir se mêler à une populace qui n'a aucune envie de les intégrer ou même de leur parler. Ces deux hommes viendront en effet tous deux essayer d'élucider leur propre mystère et secoueront la fourmilière.
"Cette petite communauté fonctionnait à la manière d'une secte."
"Ce sont des affaires qui ne regardent pas la police."

La première énigme est vieille de presque cinquante ans. Il s'agit de la mort de Rosa Gulingen, actrice allemande de films désormais démodés qui a été retrouvé noyée dans sa baignoire. Une heure auparavant, elle jouait encore une scène de son prochain long métrage : "Le village oublié." Accident ? Suicide ? Meurtre ? C'est ce que cherchera à établir le journaliste Nicolas Tèque en interrogeant notamment les personnes qui étaient déjà là au moment de la tragédie.
"On l'a noyée dans sa baignoire, le 06 juin 1960 à six heures du soir, à l'hôtel du grand cerf, à Reugny."

Au même moment, de nos jours, un premier meurtre est commis, aussitôt suivi d'un second. Par ailleurs, une jeune fille, peut-être témoin des évènements, disparaît. Mais ce ne sont pas ces crimes qui vont ébranler la population. Même le bûcheron Paul Meyer ne semble guère s'émouvoir du décès tragique de son simplet de fils. Tous s'accomodent très bien en tout cas de la décapitation du douanier Rousselet. Celui-ci connaissait tous les petits secrets de tout le monde et prenait son rôle frontalier très au sérieux. 
Chacun aurait pu avoir un mobile.
"Les gens de Reugny ont toujours su tenir leur langue. Il se détestent, mais n'iraient jamais dénoncer leur pire ennemi à la police."
Mais l'enquêteur envoyé sur place, Vertigo Kulbertus, va secouer le cocotier avec une élégance pachydermique pour retrouver l'assassin. Ce qui ne sera pas une sinécure dans une commune où chacun aime à régler ses propres comptes.
Est-il possible que les deux affaires soient liées ?

Le roman de Franz Bartelt se présente comme un compte à rebours. Chaque partie correspond à un jour de la semaine, et chacun de ces jours qui s'écoule est un pas de plus vers la retraite pour l'inspecteur Kulbertus. Retraite salvatrice dont l'approche revient de façon récurrente dans les propos de l'enquêteur.
"A onze jours de la retraite, on m'impose de courir derrière d'abominables assassins."

Au niveau des lieux, certains passages nous emmènent à Bouillon, Verviers, Paris, Dinant et même en Pologne. Malgré tout, la grande majorité du roman se déroule en vase clos à Reugny, et plus particulièrement à l'hôtel qui a donné son titre au roman ou au centre de motivation dirigé par le riche Richard Lépine. Qu'est-ce qu'un centre de motivation ? Malgré ma lecture attentive j'avoue ne pas l'avoir bien compris, ce qui a gêné ma progression. On y effectue des stages, on y mêle discipline militaire et développement personnel au travers d'exercices spirituels ou métaphysiques. C'est tout ce que j'en ai retenu.

Le début du roman m'a un peu perdu. Chaque paragraphe nous réserve un point de vue différent et l'auteur y présente tour à tour chaque protagoniste. Le lecteur fait donc connaissance avec le journaliste, l'enquêteur, les victimes et les principaux habitants du village. Parmi lesquels trois générations de femmes qui ont tenu l'hôtel du grand cerf, Sylvie Monsoir, chauffeur de taxi et son époux le jaloux Freddy. Mais très vite, cette confusion intitiale dans la présentation d'une dizaine de principaux personnages ( et presque autant de suspects ) va se clarifier et passer de l'un à l'autre se fera naturellement, chacun ayant ses spécificités.

Mais l'un d'eux écrase tous les autres. Ce qui pourrait paraître un mauvais jeu de mots étant donné le poids de l'inspecteur Vertigo. 
"Il s'était fait de l'obésité une spécialité, comme d'autres s'en font une du marathon ou de l'alpinisme."
"On commence toujours par grossir du ventre. Mais je grossis aussi des genoux et des oreilles."
Au-delà de sa carrure et de son appétit gargantuesque ( ses menus, immuables, se composent dès le petit matin d'une importante quantité de frites et de cervelas ) ou de sa soif de bière sans mousse, le bonhomme est aussi le policier le plus farfelu qu'il m'ait été donné de rencontrer depuis longtemps.
"Ma méthode, avait expliqué le policier, c'est de ne pas avoir de méthode."
Paraîssant maladroit, Kulbertus soupçonne et accuse tout le monde presque ouvertement à chacun de ses interrogatoires, se mettant ainsi toute une population déjà hostile à dos. 
Et que penser de ses pratiques plus que douteuses ? Il organisera par exemple un vote pour déterminer le coupable. Il obligera en effet chaque habitant à désigner leur principal suspect en inscrivant son nom sur un bulletin anonyme. Quel sera le résultat de ce sondage inaccoutumé ?
Ce personnage nous régale et nous fascine avec le maniement du vocabulaire ( "Il y avait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi suprêmement en verve. Lancé comme il l'était , il avait la ressource verbale pour tenir jusqu'au soir." ), avec son auto-dérision, avec ses provocations et sa faculté innée d'énerver profondément autrui.
Son originalité, son côté clownesque non dépourvu de poésie, sa façon calculée d'irriter et de répugner les villageois, fait qu'on a envie de le retrouver tant pour connaître sa prochaine bévue que sa prochaine déduction ou son prochain propos scandaleux. le problème étant que ce personnage a tellement d'envergure, qu'il est tellement réussi dans la démesure qu'il fait de l'ombre aux autres.

Un blogueur du site "San Antonio, demandez les nouvelles !" a fait un parallèle très intéressant pour parler de ce roman, en écrivant qu'on avait l'impression de voir l'extravagant Bérurier débarquer dans un roman de Simenon, caractérisé par ces petits villages où règnent les non-dits et un climat pesant de haine et de suspicion entre les habitants.
Un choc des cultures particulièrement audacieux au résultat dépaysant, c'est le pari réussi effectué ici par Franz Bartelt.

Quant à l'éditeur, il dit vrai en évoquant la plume de Bartelt, "entre burlesque et mélancolie". On est à la croisée des chemins entre un humour qui pourrait paraître lourd mais qui est manié avec élégance et qui contribue à donner à ce roman policier moderne un charme désuet.

Même si j'émets quelques réserves, il s'agit vraiment une oeuvre pleine de contrastes, à la croisée des genres et des styles que l'auteur manie à la perfection. 

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J'ai d'abord été déroutée par les premières pages de ce polar au premier abord très conventionnel, je devrais même dire agacée par certains détails, à commencer par les noms bien improbables des deux personnages principaux qui mèneront les deux enquêtes parallèles : Nicolas Tèque et Vertigo Kulbertus. Au vu des excellentes notes attribuées par certains Babeliotes de confiance, j'ai persévéré et j'en suis bien contente ! Journaliste dilettante, Nicolas Tèque enquête sur une actrice des années soixante. Elle a été retrouvée noyée dans sa baignoire alors qu'elle jouait dans un film tourné à l'hôtel du Grand Cerf, à Reugny, petit village des Ardennes, avec son partenaire et amant, Armand Grétry. La police a d'abord soupçonné un meurtre, interrogé l'amant, mais elle a finalement conclu à un accident. Intéressé par le sujet, un producteur mandate Nicolas pour qu'il aille se renseigner sur place et recueille tous les renseignements nécessaires pour un éventuel documentaire. Ces nombreux renseignements sont révélés dans les trois pages du premier chapitre. Pendant le « Dernier été du XXe siècle », toujours à Reugny, un incendie criminel détruit la maison du douanier Rousselet dont le corps décapité sera finalement découvert à l'occasion des recherches pour retrouver une jeune fille disparue. À quinze jours de sa retraite, c'est Vertigo Kulbertus, inspecteur obèse, personnage gargantuesque et cynique, qui va hériter de cette enquête, à son grand désarroi…
***
Le récit est clair et les deux enquêtes se répondent et s'entrecroisent dans une intrigue assez complexe, le passé ayant forcément des répercussions sur le présent. On voyage de l'une à l'autre aisément, chacun des brefs chapitres précisant un lieu et une heure. Heureusement, car les avancées des deux enquêteurs réservent finalement bien des surprises. le roman se conclut comme un « whodunit » classique par les explications de l'inspecteur Kulbertus qui n'a décidément pas fini de nous surprendre… Il ne faut chercher dans ce polar ni la vraisemblance, ni le suspense des thrillers à multiples rebondissements. L'intérêt est ailleurs. Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce roman, plus encore que l'originalité de plusieurs des personnages, c'est le ton. Les dialogues sont impertinents, savoureux (savoureux de chez savoureux !), brillants et caustiques. Les travers de langage sont fréquemment épinglés, et les banalités et bêtises que l'on profère quotidiennement relevées et resservies avec beaucoup d'humour. Quelques remarques bien senties sur la « race » des Français par rapport à celle des Belges se révèlent tordantes ! Bref, après la page 50 et les manifestants qui occupent la gare, j'ai gardé le sourire tout au long de ma lecture, me régalant au passage de quantité d'aphorismes (voir les citations). Je recommande chaleureusement, et je lirai volontiers d'autres ouvrages de cet auteur : il y en a un dans la sélection de Quais du polar 2020 que je ne devrais pas tarder à attaquer…
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Vous êtes cordialement invités à venir sécher une bière à l'hôtel du Grand Cerf. Vous pouvez même y séjourner. Vous verrez, c'est décapant.
L'hôtel du Grand-Cerf, c'est à Reugny, un bled paumé aux fins fonds des Ardennes belges, pas loin de la frontière française. Aller s'enterrer dans un trou du cul du monde, quelle drôle d'idée, me direz-vous ?
Tssss, tsss, ne vous arrêtez pas à ce genre de considérations !

A défaut d'être enchanteur, le séjour regorgera de surprises. Vous ne vous ennuierez pas une seconde, car à Reugny, vous aurez droit à un douanier maléfique, des cadavres, des paysans taiseux aussi muets que les cadavres, des secrets inavouables enfouis sous des tombereaux de mensonges, un curieux centre de motivation, dont on se demande bien à quoi il peut motiver, un mystère entourant la mort d'une star célébrissime noyée dans sa baignoire quarante ans plus tôt, à l'hôtel du Grand Cerf évidemment, et bien d'autres choses très croustillantes...

Vous y ferez la connaissance d'un policier hors normes, fort simplement baptisé Vertigo Kulbertus, spécialiste en obésité, selon ses dires, pratiquant de très curieuses méthodes d'investigation, grand buveur de bière et gros consommateur de frites, rotant fort et pétant de même, bref un être tout ce qu'il y a de rabelaisien, mais bigrement futé, menant son enquête de façon plus qu'originale.

Franz Bartelt mélange tout cela pour en faire un ragoût bien relevé et particulièrement savoureux.
Il concocte une intrigue parfaitement ficelée, bien sombre et bien retorse, passionnante d'un bout à l'autre, où passé et présent s'enchevêtrent harmonieusement avec des personnages bien campés, auxquels on croit, tant ils ont de chair, tant ils paraissent réels.
Tout cela est mené tambour battant, par un écrivain au verbe revigorant, à la plume acide et affûtée mais aussi rigolarde - et il est vrai que l'on rit pas mal - En outre Franz Bartelt s'y entend pour déployer un remarquable talent de conteur émaillé de dialogues truculents et réussit à surprendre le lecteur en lui assénant une fin joyeusement amorale. Un régal dans le genre, à déguster une chope en main !
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Hôtel du Grand Cerf de Franz Bartelt est un roman lu dans le cadre du prix du meilleur polar Points, pour lequel je suis juré.
À Reugny, petit village au coeur des Ardennes, plane depuis cinquante ans le secret de la mort de Rosa Gulingen. La star mondiale de cinéma avait été découverte noyée dans la baignoire de sa chambre à l'Hôtel du Grand Cerf, qui accueillait l'équipe de son prochain film. du bout des lèvres la police avait conclu à une mort accidentelle.
Nicolas Tèque, journaliste parisien désoeuvré, accepte de remonter le temps pour faire la lumière sur cette affaire. Il va évidemment loger à l'Hôtel du Grand Cerf.
Mais il arrive à Reugny au bien mauvais moment : le douanier du coin, que tout le monde haïssait, a été assassiné. Et une jeune fille a disparue.
L'inspecteur Vertigo Kulbertus, qui s'est fait de l'obésité une spécialité, est dépêché sur place pour remettre de l'ordre dans ce chaos.
Hôtel du Grand Cerf est un roman policier classique. Une ancienne affaire qui revient sur le devant de la scène. Un journaliste qui veut en savoir plus mais qui arrive au moment mauvais. Meurtre(s), disparition.. Tout s'enchaîne pour le plus grand plaisir du lecteur.
Classique certes, mais pas tout à fait grâce à un inspecteur de poids (si je puis dire)... Vertigo Kulbertus ! Un policier obèse à quelques jours de la retraite qui a une façon de faire assez originale, totalement anti-conventionnelle, et c'est peu dire lol Lui, il ne fait pas dans la dentelle ! Dans la réalité, j'aurais détesté croisé son chemin mais dans un roman, c'est un personnage vraiment très intéressant.
C'est d'ailleurs lui qui apporte de l'humour dans un policier qui aurait pu être non seulement classique mais aussi ennuyeux. Or, avec Vertigo, pas moyen de s'ennuyer :)
J'ai beaucoup aimé Hôtel du Grand Cerf. Je mets un très gros cinq étoiles car j'ai passé un très bon moment avec tout ce petit monde.
Une bonne surprise :)
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Franz Bartelt Hôtel du grand cerf Cadre noir Seuil Mai 2017
( 346 pages – 20€)

Franz Bartelt dédie ce polar au regretté Alain Bertrand avec qui il écrivit Massacre en Ardennes.Leur point commun ? Une prédilection pour l'air balsamique des Ardennes frontalières.

C'est d'ailleurs dans un triangle franco belge que Franz Bartelt campe son intrigue.
Le récit nous transporte dans un va et vient entre Reugny, ce village qui perd sa quiétude , Larcheville ( ville chère à l'auteur, anagramme de Charleville) et Bouillon.

A Reugny, notre attention se focalise sur deux pôles. Tout d'abord, l'hôtel du Grand cerf, qui fut le théâtre d'un fait divers, il y a plus de quarante ans. Thérèse Lendroit, qui dirige l'entreprise familiale, ne manque pas d'exploiter le filon, ayant transformé en musée la chambre où l'actrice Rosa Gulingen séjournait pour un tournage.

Une cassette exhumée d'une benne par Charles Raviotini fait revenir sur le devant de la scène la mort mystérieuse de cette vedette, «  auréolée de gloire hollywoodienne ». L'idée de tourner un documentaire germe, et il dépêche Nicolas sur les lieux. Accident ou crime, saura-t-il la vérité ?

Le deuxième lieu est le Centre de Motivation, dirigé par Richard Lépine avec une discipline de fer, faisant penser à une secte. le logement des stagiaires en cellule crée une atmosphère anxiogène. Silence imposé.Mieux vaut être ponctuel, respectueux du règlement pour éviter le renvoi. Mais cela fait le bonheur de Sylvie, taxiwoman, assurée d'avoir un client à mener à la gare.

Très vite nous sommes entourés d'une galaxie de personnages étonnants , bien trempés. Parmi les habitants du village, il y en a des récurrents comme l'idiot du village, en la personne de Brice Meyer qui communique surtout par onomatopées.


Soudain, l'annonce de la disparition d'Anna-Sophie, la fille de l'hôtelière met le village sens dessus dessous. Les habitants s'organisent, déploient une incroyable et rocambolesque battue.Un hélicoptère déplacé. le village presqu' en état de siège.
Puis, c'est l'ex-douanier que l'on découvre abattu, l'incendie de sa maison qui éclate.

Coup de théâtre, un troisième corps retrouvé plonge le village dans la consternation.
Il y a celui qu'on regrette, celui «  qui n'a que ce qu'il mérite », celle que l'on recherche. L'auteur photographie les campagnes où «  personne n'aime personne et le malheur des uns n'est que la réparation du malheur des autres ».

Et nous voici plongés au coeur de deux enquêtes en parallèle. le mystère du chromo vient se greffer. le village en pleine effervescence , assailli par les forces de police et les équipes de télévision, les journalistes.

L'excès , «  qui met un peu de grandeur dans les petitesses de l'existence », chez Franz Bartelt touche déjà ses personnages.On se souvient de Gontrane dans Charges comprises. Voici le pendant masculin. Mais la surcharge pondérale de l'inspecteur Vertigo Kulbertus pose problème, car elle est croissante. On devine que c'est handicapant pour exercer un tel métier, d'ailleurs il ne cesse de compter les jours avant la retraite !
Le romancier,coutumier de l'ordre alphabétique, l'a choisi pour les aliments que le flic, à l'appétit gargantuesque, ingurgite ! Vu ce qu'il s'empiffre, Vertigo est sujet aux rots et pets ! « d'une puissance d'une explosion nucléaire » ! » Il a à coeur de produire son propre gaz carbonique » !

Voici donc un inspecteur , hors norme, dépêché à Reugny. On peut douter de son efficacité vu la façon dont il conduit les interrogatoires.Parfois de son lit et en caleçon ! Grotesque sa demande aux villageois de se présenter par ordre alphabétique pour les «  travailler » , «  tous en ligne » . Tout aussi ridicule sa façon d'en faire les témoins de son repas. Hallucinant l'interrogatoire de Jack dos à dos avec Elisabeth, doublé d 'une tirade théâtrale. Toutefois «  ce Sardanapale » a su négocier « un marché amoureux » avec Elisabeth. Méthode contestable mais payante !

Le suspense est relancé à chaque victime recensée, mais aussi avec les prédictions d'une voyante qui voit plusieurs morts. Que se passe-t-il donc dans ce village où la mort s'invite pas moins de cinq fois ? Un serial killer rôderait-il ?
Le romancier ne rechigne pas à évoquer des détails gore, à vous écoeurer d'horreur.
Une autre énigme intrigue le lecteur et Freddy, l'époux de Sylvie, routier, qui reçoit des messages d'une voix anonyme, l'avisant d'éventuelles incartades de sa femme.

L'hôtel devient le quartier général des deux enquêteurs, qui s'entendent à merveille, surtout pour vider les bocks, ce qui leur donne «  l' haleine métaphysique ».
« la bière sans mousse est une source intarissable de réconfort » pour les deux acolytes. Pendant ce temps, de sa vigie, Léontine, la grand-mère de la disparue, comptabilise leur orgie et se frotte les mains, en songeant à la recette!

En général, chez Franz Bartelt :ça dégomme ( cf le recueil de nouvelles précédent
ou son roman culte : le jardin du bossu),on «  beuque », on rembouge aux bières !
«  La générosité se mesure en quantité de bière, pas en quantité de mousse. »

Dans ce polar foisonnant, ubuesque, Franz Bartelt brasse maints sujets. Il souligne le désintérêt pour la poésie, un genre peu vendeur. Il épingle, comme dans La bonne a tout fait ,la police qui tarde à diligenter ses forces.
Parmi les constantes : il y a toujours un personnage passé par l'hôpital psychiatrique, des liaisons extra-conjugales ( Sophie et Nicolas ), des piliers de bars dipsomanes, que l'on croise au bar de la mère Dodue, «  à l'emphase commerciale inattaquable » !

du côté du style, on retrouve les énumérations, de savoureux aphorismes : «  La bizarrerie n'est pas incompatible avec la compétence », «  La limonade et la philosophie ont toujours eu des affinités ». «  Il y a des vérités qui demandent à être mûries longtemps ».

L'auteur rappelle, en toile de fond, que la France est un pays souvent en grève et sait restituer le langage des grévistes remontés («  On ne sait plus où donner de la bille »), décrire le bordel, la paralysie qu'ils créent dans Larcheville avec leurs «  barrages hermétiques ».Larcheville qui rime avec «  tuile » qui tombe, au sens figuré.

Durant la lecture, on se prend à jouer le détective novice, nous obligeant à des retours en arrière. Les ramifications se complexifient quand on remonte jusqu'aux racines de l'histoire personnelle de Richard Lépine et conduisent Nicolas Tèque à élargir son territoire géographique de recherches.

L'épilogue nous dévoilera-t-il les clés de tous ces mystères accumulés ? Puisque pour le romancier : «  Il n'y a que dans les romans qu'on connaît le fin mot de l'histoire. »
Même loin de la salle de bains- musée, on baigne dans un vrai délire au moment de l'interrogatoire. Alors que cinq victimes ont eu des fins prématurées tragiques, le polar recèle des accents de comédie et des scènes époustouflantes.
L'auteur décline un hommage indirect à Simenon et Hitchcock.

Si Franz Bartelt ne peut prétendre aux prix décernés à Jack Lauwerijk , récompensant de la poésie, son roman peut briguer une autre reconnaissance pour son humour noir, son talent de dramaturge «  sa patte inimitable » ! Dans son antre ardennais il a concocté ce «  texte original », jouissif, mâtiné de poésie, recommandé comme ordonnance de l'été par Samuel Delage qui y voit un côté San Antonio et aussi chaudement conseillé par la librairie L'embarcadère de ST Nazaire. (1)
Un détour par votre librairie s'impose sans tarder.

(1) En podcast dans l'émission Fr3 Les petits mots des libraires du 6 juillet 2017
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Bon sang! Comme Bartelt a l'art de nous immerger dans ce pays de sauvages qu'est ce petit village ardennais de Reugny,
sauvage, l'ex-douanier véreux, Jeff, qui se réjouit du mal qu'il va provoquer en divulguant les scandales collationnés sur la plupart des habitants,
sauvages, les tenancières de l'hôtel, la mère, Thérèse qui refuse de vendre à cause de la grand-mère et Anne-Sophie, la fille, boiteuse suite à un suicide manqué, et charmée par les chansons de Brice, l'idiot du village,
sauvages, les méthodes du centre de motivation pour stimuler la compétition entre les participants,
sauvage, Freddy, chauffeur poids-lourds jaloux, dont la fureur explose à chaque coup de fil anonyme,
sauvages, les grévistes français qui bloquent routes et chemins de fer, ainsi que les attentats de Liège, Namur et Bruxelles qui mobilisent la quasi totalité des polices belges,
et c'est là dedans, au moment ou se produisent meurtres et disparitions, que débarque de Paris le journaliste raté Nicolas, de même que l'obèse et immonde inspecteur Vertigo à 15 jours de sa retraite.

C'est parfois un peu caricatural (le seul gars sensé du village est le fermier flamand!) mais compensé par un humour qui me plait.

On a le sentiment que Bartelt a bon, qu'il écrit pour son plaisir. Vargas et autres Bussi n'ont qu'à bien se tenir ;--)
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