Il faudra descendre jusqu’au cœur d’un accueil de soi-même à la fois lucide et inconditionnellement bienveillant pour entrevoir ce qui alimente le besoin de juger. C’est un réflexe de défense qui apparaît alors. En effet, en jugeant on cherche sans le savoir à remédier aux blessures passées : parce que personne ne s’est levé pour prendre notre défense, et surtout pas Dieu, le grand silencieux d’alors, nous tentons de nous faire justice nous-mêmes, dans les circonstances actuelles qui sont pourtant différentes ; nous disons « la » vérité, déclarons coupable, condamnons ; et moins le tort a été reconnu jadis, plus le besoin de juger grandit aujourd’hui. C’est ainsi qu’une hypertrophie du besoin de juger signale souvent l’occultation d’une profonde blessure. On ne juge pas pour le plaisir de juger : ce plaisir est trop vain, trop passager pour ne pas céder la place tôt ou tard à une douleur, à un désespoir même, dont on n’avait pas soupçonné l’existence.
En outre, en jugeant on cherche à se protéger des blessures à venir, parce que les anciennes ne sont pas fermées. En effet, juger permet de mettre autrui à distance, de savoir désormais à quoi s’en tenir, de ne plus se trouver exposé ou pris au dépourvu, de maîtriser l’inconnu à venir. Avoir classé quelqu’un, c’est se prémunir contre toute déception et, en ce sens, juger c’est tenter de ne plus souffrir : ne plus rien attendre de quelqu’un, c’est alors le considérer comme mort, c’est-à-dire inoffensif.
Pourquoi et comment nous fions-nous si facilement à ce jugement que nous portons sur autrui AVANT qu'aucune parole ne soit échangée, aucune explication donnée? Tout se passe comme si, croyant CONNAITRE la vérité, nous nous fermions à la possibilité de l'entendre, tant est puissant le besoin de nous en tenir aux apparences, ou plutôt tant est grande la hâte que nous avons de SAVOIR A QUOI NOUS EN TENIR.
A partir de maintenant, tu as les moyens de ne plus te perdre; tu peux être à l'écoute d'une Autre voix que celle de la peur ou de la culpabilité; tu peux te relier à Dieu, ou plutôt relier ton désir au désir de Dieu, puisque là est son lieu d'origine et sa destination ultime.
Les jugements les plus meurtriers se prononcent sous le couvert fallacieux de l’objectivité : cela permet de ne pas s’impliquer dans la souffrance qu’ils engendrent. Un jugement est d’autant plus mortifère qu’il détruit l’autre tout en laissant de marbre la personne qui l’émet – et cela est mortifère pour les deux.
Si la parole échangée entre humains n’est plus investie par la Parole, l’Être solide auquel nous avions cru se défait, et cela n’a rien d’étonnant, encore selon le témoignage de Jean, puisque « tout devint par elle », et que « sans elle rien de ce qui devient ne devint » (1,3). C’est pourquoi la falsification des paroles humaines nous menace quotidiennement dans notre identité de sujets parlants.
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Cet au-delà qui nous fait signe
Lytta Basset
Éditions Albin Michel
C'est un des livres événement de la rentrée et pour beaucoup, ce sera un livre déroutant. Lytta Basset, théologienne protestante et auteur incontournable de nos librairies religieuses, avait profondément touché avec son livre Ce lien qui ne meurt jamais, dans lequel elle relatait l'épreuve de la perte de son fils Samuel. Avec Cet Au-delà qui nous fait signe, l'auteur propose une sorte de suite en dévoilant un fait personnel troublant, cet « Événement improbable » qui sera le début d'une longue quête personnelle et croyante, aux confins des sources chrétiennes et parapsychologiques. Ce livre, qui pousse la porte de la Vie qui est promise après la mort, est une immersion en eaux profondes, mais toujours vigoureusement attachée à l'Évangile. Un témoignage troublant, unique et très courageux. ©La Procure
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