Jean-Sébastien Bach, tome 2 : 1723-1750

Caractérisées par des inflexions mélodiques qui symbolisent le courant des eaux, les arias décrivent chacune des «situations» typiques; ainsi l'aria de la Vistule est sur un tempo de polonaise, celle de l'Elbe déploie un appareil de virtuosité et de «colorarura» digne de tous les fastes de Dresde; tendre et amoureuse est l'aria du Danube, et celle de la Pleisse est revêtue de cette légèreté, de cette galanterie qui faisait la réputation de Leipzig. Là encore, cependant, c'est aux choeurs que Bach confie l'essentiel de son message artistique. L'habituel appareil instrumental de fête s'unit dans le premier morceau à la forme avec Da capo et au mouvement ondulatoire imprimé au discours, ce dernier articulé de manière à marquer continuellement le passage de l'écriture homophobe à l'écriture polyphonico-imitative; la section centrale (allegro) est privée des éclatantes interventions des trompettes (et des timbales).

Si on lit attentivement l'intitulé rédigé par Bach, on notera que le point fondamental repose sur verschiedene Vorkspiele über die Catechismus und andere Gesaenge, tandis que l'articulation interne du recueil offre un ensemble de pages extra-liturgiques. Encadré d'un Praeludium pro Organo pleno (BWV 552/1) et d'une Fuga a 5 con pedale pro Organo pleno (BWV 552/2), lesquels pourraient toutefois faire respectivement fonction d'Introitus et d'Ite missa est, le recueil propose alternativement une série de dix grands chorals ( BWV 669-671, 676, 678, 680, 682, 684, 686, 688) et une autre de onze petits chorals (BWV 672-675, 677, 679, 681, 683, 685, 687, 689), auxquels s'enchaînent, avant la Fugue conclusive, quatre duos pour instrument à clavier (BWV 802-805), que l'on pourrait également concevoir comme des morceaux à exécuter sub communione.

O holder Tag, erwünschte Zeit (BWV 210) est aussi une «cantata a Voce sola»; elle nous est parvenue sous la forme des parties séparées «originales» dont sont autographes celle du soprano et celle du continuo, les autres parties (flûte traversière, hautbois d'amour, violons I et II, alto, violone in ripieno) ayant été réalisées par Johann Friedrich Agricola, puis corrigées par Bach. D'après la reconstitution «chronologique» fournie par Neumann, les parties copiées par Agricola et non corrigée par Bach s'appliquent à une première version de l'oeuvre dont on ne connaît pas le texte, ni, par conséquent, la destination; à cette version fit ensuite une parodie, O angenehme Melodei! (BWV 210a) qui connut trois exécutions: 1.pour une personnalité inconnue; 2.pour l'anniversaire du comte Flemming; 3.pour un bienfaiteur inconnu; c'est enfin à une parodie ultérieure, O holder Tag (BWV 210) que s'appliquent les deux parties autographes du Kantor et celles copiée par Agricola, mais corrigées, pour la circonstance, par Bach. Donc, la version que nous connaissons est la dernière d'une oeuvre ayant traversé, en tout, au moins cinq exécutions, probablement chaque fois sur texte différent ou légèrement modifié.

659) est ce choral connu de tous, peut-être la page la plus célèbre du genre, de style orné (mais la première version, BWV 659a, portait le nom de fantaisie). La mélodie, d'origine grégorienne, est divisée en quatre sections, la première et la dernière étant identiques: Bach, conformément à ce schéma, conféra à la reprise de la mélodie le même mode d'expression, avec d'infimes variantes dans l'ornementation et un prolongement dans la fioriture en guise de cadence. L'accompagnement, par contre, est différent, comme l'exige le style de la fantaisie, adopté dans ce choral.

Le Concerto en sol mineur (BWV 1058) est la version pour clavecin du Concerto en la mineur pour violon (BWV 1041). Bach, dans sa grande sagesse musicale, évite de considérer la nouvelle élaboration comme une sorte de «doublage» de la précédente; tout en maintenant inaltéré le sens du discours musical, il invite le clavecin à s'émanciper et lui confie des figurations mélodiques et rythmiques, des modèles techniques, des tâches expressives propres à lui. Autrement dit, la difference entre les deux instruments principaux d'une version à l'autre saute aux yeux, et le musicien confie à la seconde une autre Mission, en réécrivant souvent la partie depuis le début.