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EAN : 9782330081294
120 pages
Actes Sud (20/09/2017)
3.89/5   19 notes
Résumé :
Durant les années 1970, The Carpenters est le groupe le plus populaire aux États-Unis. Un immense succès (100 millions de disques vendus) qui s'explique par l’alchimie unique entre ses deux membres fondateurs, Richard et Karen Carpenter, un frère et une sœur.
Ces deux enfants de la classe moyenne imposent un retour à l'ordre musical après la révolution psychédélique, avec des hits aussi romantiques que réactionnaires, tels Close to you, We’ve Only Just Begun... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Joli coup de la part de Clovis Goux. Un cadrage ingénieux et une idée forte : parler de l'Amérique des seventies en utilisant le cas Karen Carpenter. Star déchue, icône wasp et lisse de l'Amérique dévorée de l'intérieur par l'ogre du star-system.

Une biographie comme le symptôme isolé d'un mal généralisé qui gagne le pays et ses habitants à cette période : nécrose hippie qui tourne à la tumeur. Enfer vietnamien qui vomit des vétérans mutilés, hantés de massacres verts. Modèle américain et classe moyenne qui partent en valium. Un rêve qui bascule dans un cauchemar éveillé et chimique.

La couverture annonce la couleur nous figurant une Karen déjà émaciée et un Richard fiévreux tournant la tête vers un hors-cadre, comme si quelque chose avait bougé dans les coulisses. Un mouvement brusque comme saisi au vol. Une panique soudaine face aux ténèbres qui vont refermer leurs mâchoires sur la fratrie Carpenter.

La disparition de Karen c'est cela : un monstre qui naît et se développe sur scène, s'abreuvant de lumière et de succès pour devenir une présence incontournable et cruelle. La créature va peu à peu occuper toute la place dans la vie de cette artiste avant de l'écraser. Négligemment. Comme une mouche sous un magasine de papier glacé.

Anorexie mentale.

Karen va s'évanouir dans le néant, s'anéantir, se soustraire au monde. Un tour de magie triste et implacable que Clovis Goux présente avec maîtrise devant les yeux des spectateurs médusés.

Les Carpenter ont été ce groupe de variété américaine aux nappes hyperglycémiantes et acidulées chargées de soigner une Amérique blessée par une guerre sanglante et sans cause. Un point d'ancrage, un exemple rassurant pour des républicains qui ne comprennent plus leur jeunesse chevelue, prônant l'amour du prochain et de la défonce.

Lorsque tout va virer au drame, lorsque la drogue et son empire vont prendre la barre sur les esprits naïfs, lorsque les loups vont se jeter sur les idéalistes éthérés et que La famille Manson va semer la mort dans la jet-set californienne, tout le monde sera mordu. Tout le monde sera blessé.

Tenir un ouvrage entier sur Karen Carpenter aurait été possible mais ardu. La superbe idée est d'utiliser l'histoire de cette vedette comme un véhicule, un wagon de grand-huit pour visiter les Etats-Unis au moment où les chansons des Carpenter inondent les ondes et les oreilles. Un paysage accidenté où l'on croise un président au crâne explosé, des assassins sous acides gorgés de chansons des Beach Boys, des familles modestes noyées sous l'ennui et le conformisme banlieusard.

Un grand tour dans un Luna Park qui rouille et branle de partout. A l'arrivée, notre guide nommée Karen Carpenter a disparu, oxydée jusqu'à l'os par un subtil mélange de célébrité, de pression et de faille narcissique trop large pour ne pas s'ouvrir sous ses pieds et l'engloutir.

Clovis Goux nous livre donc une biographie diorama. L' histoire d'une artiste et de son époque. L'évocation d'une fragilité, d'une ostéoporose au beau milieu d'un pays agité de mouvements tectoniques. C'est une lame damasquinée. Un bel objet littéraire.

Et surtout, vous n'entendrez plus jamais un titre des Carpenter comme avant. Tout prendra des accents tragiques. Une profondeur inédite. La bile au milieu du miel.

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J'ai été très émue par le beau portrait de la chanteuse Karen Carpenter, victime de l'anorexie. L'auteur nous donne à lire une très intéressante radioscopie du monde de la musique dans les années 70 avec des groupes mythiques comme les Rolling Stones, les Beatles. En achevant cet ouvrage, on se dit que nos plus grandes stars ont bien mal finies et ce, malgré des carrières fabuleuses et le talent. Mythiques à tout jamais dans leur statut de star mais victimes de la maladie, de la folie, de substances toxiques dans leurs vies personnelles. Et c'est peut-être ces fragilités qui les rendaient "extraordinaires".
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En 2017 qui se souvient, à part quelques soixantenaires, du groupe "The Carpenters " ? Pourtant durant une décennie, juste après la vague hippie, slalomant entre les Rolling-Stones, les Pink Floyd et la vague disco, ils ont trusté les premières places des charts américains et ont vendu des albums par millions. Véritable bonne conscience d'une Amérique conservatrice rejetant tout ce qui était ou trop suggestif ou trop hard, les Carpenters ont rassuré cette frange de la population qui ne souhaitait pas sortir des rails dorés d'un système bien pensant. A contre courant des riffs de guitare d'un Keith Richards cocaïné ou des soupirs lascifs d'une Donna Summer, les chansons bien sages de ce groupe ( qui était en fait un duo composé d'un frère pianiste et d'une soeur chantante à la batterie) ont beaucoup séduit de par le monde, et notamment le président Nixon qui les a plusieurs fois invités à la Maison Blanche.
Dans " La disparition de Karen Carpenters", Clovis Goux revient donc sur leur carrière qui s'est achevée en 1983 lors du décès de la chanteuse, souffrant depuis trop longtemps d'anorexie.
Comme leur vie était presque aussi sage que leur discographie, l'auteur prend le temps de s'attarder avec brio sur l'époque, replaçant le groupe dans un contexte autrement plus mouvementé que leurs sirupeuses mélodies. ( C'était l'époque de Charles Manson gourou illuminé et assassin de Sharon Tate, de la guerre du Vietnam, ...). Cependant, leur carrière artistique ne sera pas laissée de côté, permettant au lecteur de pénétrer dans les coulisses d'une industrie phonographique faite pour engranger les dollars ou comment deux jeunes enfants de la classe moyenne, nés dans le Connecticut dans une famille plus que lambda, vont devenir des idoles. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas vraiment le vedettariat qui aura enfoncé Karen Carpenter dans la tombe, mais un mal plus profond, une maladie mentale incontrôlable qui la faisait apparaître de plus en plus frêle au fil des années. Et pendant que la soeur se bourrait de Dulcolax ( médicament contre la constipation), le frère luttait contre l'insomnie, ingurgitant des kilos de somnifères.
Le livre, pas vraiment un hommage de fan, reste très objectif, sans jugement excessif ni moqueur.
La fin sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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Qui se souvient des CARPENTERS ? Ce duo était composé d'un frère et d'une soeur, issus de la classe moyenne américaine, qui ont dominé les hits parades durant les années 1970 avec des reprises parfaitement mises en valeur par la voix de Karen.
Dans cette collection particulière d'Actes Sud, l'auteur raconte la naissance du duo musical et sa fin avec la mort de Karen. Mort survenue jeune et due aux ravages de l'anorexie que vivait celle dont la voix particulière enchantait la génération des parents et des jeunes, perdus devant ceux qui partaient/revenaient du vietnam, fuguaient à Los-Angeles pour un "summer of love" à l'odeur de paradis artificiel, vite rentabilisé par les rapaces de tous poils.
Ce roman est une analyse intéressante et fine de ces années 70 dans une Amérique en conflit, avec Nixon comme président et les héros/héroïnes musicales qui meurent : Janis JOPLIN, J. MORISSON, Jimi HENDRIX, Elvis (le jeune homme qui voulait faire plaisir à sa mère, issu d'un milieu pauvre, devenu un gros boudha explosé par la célébrité).
C'est dans cette ambiance totalement schizophrénique (le bonheur à portée de mains (explosion des ventes de valium)/les morts toujours plus nombreux des diverses guerres que mènent les Etats Unis qui font tourner la machine économique à plein régime) que Karen CARPENTER va avec la célébrité, passer d'une jeune fille heureuse et timide, avec quelques formes qui joue parfaitement de la batterie à un fantôme éthéré qui tente de répondre aux attentes de tout le monde et finit par oublier qui elle est vraiment.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
04 octobre 2017
Non content d’embrasser le destin des Carpenters, le groupe le plus populaire aux Etats-Unis dans les années 70, le journaliste français Clovis Goux réalise par la même occasion une formidable radiographie du pays à cette époque-là.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
"Mais la monotonie inhérente aux tournées est un poison insidieux qui gangrène le baume de la gloire. Chaque journée est similaire : tourbus ou avion, déjeuner, balance, loge, concert, repas, hôtel et ainsi de suite, les villes anonymes qu'on visite en dix minute se succèdent et se ressemblent toutes. Un diner sur Main Street, un magasin de souvenirs, une église, la nouvelle salle de concert est la même que celle de la veille et les ombres qui l'envahissent à l'heure du show applaudiront aux moments voulus. "Hello Phoenix!", "Hello Denver!", "Hello Memphis!", "Hello Atlanta!", "Hello Portland!", "Hello Minneapolis!", "Hello Springfield!"...Après le rush du concert, il y a toujours la descente, les autographes, les fans pour vous prendre en photo, un restaurant où l'on picore après le spectacle. [...] On rentre dans une chambre d'hôtel vide, l'air conditionné, y est toujours trop chaud ou trop froid, le lit "king size" est recouvert d'une couverture à fleurs en polyester, il y a une litho de sous-bois avec des biches, une télé allumée, un mini-bar, une boîte de somnifères. Le réveil sonne à 6 heures alors qu'on allait s'endormir. Un bol de céréales, une tasse de café, le bus qui vous attend, le paysage qui défile : des vendeurs de voitures, des stations essences, des vendeurs de voitures, des stations essences, des champs. L'arrivée dans une nouvelle ville avec cette impression étrange de faire du surplace au milieu de nulle part." (p.54-55)
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"L'anorexie devient une maladie publique, les articles se mulitplient et l'on parle bientôt d'un véritable phénomène social : à en croire les médias on assisterait à travers tous les Etats-Unis à une véritable épidémie d'anorexie chez les adolescentes, toujours à deux doigts de se faire vomir après avoir feuilleté un numéro de Vogue. En 1978, Hilde BRUCH publie ce qui deviendra son classique, The Golden Cage : the Enigma of Anorexia Nervosa, basé sur le témoignage de ses patientes. Interrogée par la magazine People, elle déclare alors : "Durant les années 1959, il était acceptable d'être une gentille fille bien conciliante. Si elle était suffisamment brillante et issue d'une classe supérieure, elle était supposée aller à la fac, faire la rencontre d'un brave gars issu de Harvard et se ranger. Maintenant la même fille va à la fac pour écrire une thèse et obtenir un poste à Washington. Les filles à l'esprit conformistes se sentent obligées de faire des choses qui demandent un grand degré d'indépendance pour être respectées et reconnues. Quand elles sont coincées, la seule indépendance qu'elles pensent avoir est de contrôler leur corps. Je suis convaincue que cette maladie est liée au mouvement des femmes, parce que c'est ce que les filles veulent : montrer qu'elles sont spéciales." ( p.87-88)
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"Les Carpenters sont au sommet. Richard réfléchit à la tournée à venir et au futur du groupe. Karen a l'aura d'une star et une star doit être mise en valeur, sublimée. Elle est pour lui la voix des Carpenters, et doit en être également l'image, abandonner la batterie derrière laquelle elle se cache depuis leurs débuts et franchir le cercle lumineux sur le devant de la scène. Ces quelques pas sont décisifs, mais Karen ne se sent pas prête, préférant pour l'instant rester en retrait avec les autres musiciens. Richard insiste. Elle cède et propose un compromis : chanter les chansons d'amour en front line, face au public, remplacée par un second batteur, et retrouver son instrument pour les morceaux les plus rythmés.


Alors qu'elle s'approche du cercle Karen a le pressentiment qu'il s'agit d'un piège, qu'elle va s'y consumer. Elle accomplit néanmoins son destin en franchissant cette frontière qui la sépare d'un nouveau monde, mystérieux et dangereux, celui des hautes solitudes, celui du star-system. Elle laisse dans l'ombre ses manières de petite fille, ses tee-shirts, ses jeans et sa batterie pour adopter les atours d'une étoile : robes longues haute couture, coiffures impeccables, maquillage sobre et élégant. Karen scintille désormais au centre des attentions. Elle est cet éclat vers lequel les regards convergent. Elle se doit d'être parfaite, car elle incarne aux yeux du public cette image idéale d'une jeunesse wasp, propre, travailleuse et respectueuse des traditions, qui redresse fièrement la tête après avoir été trainée dans la boue par les hippies. Les Carpenters, nouveaux croisés de l'Amérique blanche, repartent en tournée, enchaînent date sur date, reproduisant chaque soir à l'identique, pour un public conquis d'avance, les chansons qui ont fait leurs succès." (p. 55 - 56)
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"L'anorexia nervosa, c'est cette maladie vénéneuse qui se déploie dans votre esprit à mesure qu'elle se nourrit de votre corps, cette fleur du mal qu'on chérit comme la plus addictive des drogues. Votre meilleure amie, la seule qui vous mènera bien à destination : au fond du gouffre. Karen, pas plus qu'une autre, n'est pas née anorexique. Une graine s'est déposée dans son esprit et s'est mise à germer. L'idée est devenue obsession et l'adolescente boulotte s'est progressivement transformée en squelette vidant ses viscères dans la cuvette des toilettes avec la régularité d'un coucou suisse. Karen est devenue lentement et sûrement cette conscience dure, indestructible, qui pense maîtriser son destin en contrôlant ses intestins, cette énergie folle qui implose, s'éteint, jusqu'à n'être plus rien, juste une voix, un souffle, une essence qui n'a plus qu'un seul but : atteindre le nirvana en taille fillette, silhouette Auschwitz." (p.73-74)
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"Ces dîners sont pour Karen de véritables séances de tortures au cours desquelles elle doit élaborer des tactiques dignes d'un stratège militaire pour ne rien avaler sans éveiller les soupçons, dévier les regards obliques de son territoire, son assiette, désormais maîtresse d'un art de la feinte édictée par les dieux de la diète. Installés dans un box circulaire typique des restaurants de L.A. Karen parcourt le menu à la lumière d'une bougie. Elle fait semblant d'être indécise, hésite pour le moment entre une Cesar Salad et des crevettes. Personne n'en a commandé et elle pourra ainsi les proposer à la ronde. Les rescapées sont soigneusement éparpillées sur les bords de l'assiette et sous la garniture. Tout en jacassant à la volée, les couverts de Karen sont toujours en mouvements pour hypnotiser les convives entre deux grands verres d'eau glacée. Procéder de même pour le dessert. Le ventre reste vide et l'affaire est dans le sac : le peu ingurgité sera éliminé par le Dr Dulcolax au moment d'aller se repoudrer le nez." (p.77-78)
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Vidéo de Clovis Goux
Clovis Goux - La disparition de Karen Carpenter
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