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EAN : 9782810706990
258 pages
Presses universitaires du Midi (26/11/2020)
3.75/5   2 notes
Résumé :
A l'ère de la mondialisation, bouleversée par la crise économique et migratoire, les frontières n'ont jamais été aussi présentes. Depuis le rêve des civilisations qui ont voulu repousser les frontières de leur espace, jusqu'aux voyages de l'espoir à la recherche de terres d'accueil, l'être humain n'a eu de cesse de redessiner la carte du monde. Cette anthologie réunit des textes de provenances géographiques et linguistiques très diverses.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Frontières est un recueil de textes dramaturgiques contemporains de provenances géographiques et linguistiques très diverses.

Dans le premier texte, le bout du monde (1999), Jean Claude Bastos convoque l'histoire pour interroger les frontières. Un « bonhomme seul, quelque part dans un espace vide, indéfinissable » monologue. Il est le gardien du bout du monde. Défilent Jason, le héros mythique de l'expédition des Argonautes, Marco Polo, Henri le portugais, Vasco de Gama, Colomb. Il en a vu des explorateurs, le gardien du bout du monde. Et puis, lorsque les hommes ont compris que la terre était ronde, ils se sont mis à explorer l'espace. C'en était donc fini du gardien. Alors, quoi de mieux que le théâtre pour redonner sa force au monde, en redessiner les contours et par la magie de la poésie transfigurer le réel!

Le deuxième texte, Exils,(2020) de Ricardo Correia, est un recueil de témoignages d'exilés portugais ayant fui le régime autoritaire de Salazar et la guerre coloniale dans les années 1961à74. Composé également de fragments d'oeuvres du Théâtre ouvrier de Paris, c'est un texte engagé qui montre à quel point la dictature dépersonnalise, déshumanise: »à l'intérieur des maisons, on va à confesse. » La résistance s'organise alors, les résidences universitaires deviennent des centres du contre pouvoir, Radio Portugal libre émet à partir de la Roumanie. Des soldats désertent et la répression force bon nombre d'opposants à franchir la frontière. En bateau, en train, à pied, ils sont nombreux à quitter le pays pour la Suède, les Pays Bas, Paris…. « C'était une société grise. D'une incommensurable tristesse. »

Dans Je veux un pays (2013) c'est à un voyage immobile que nous invite Andreas Flourakis . Un groupe d'individus veulent quitter leur pays asphyxié par la crise économique. Assis sur leur valise, ils devisent. Se pose alors la question du pays idéal. Chacun envisage sa quête sous un angle particulier, un pays où l'argent ne serait plus essentiel, où on ferait table rase de l'histoire, où la religion n'aurait plus force de loi. Ainsi, cette vision du pays idéal s'affirme inévitablement comme politique. de l'utopie à la contre-utopie (haine des vieux, des immigrés, tout y passe!), le texte se referme finalement sur l'espoir d'un pays nouveau où la beauté serait reine (car, comme le dit Héraclite, panta rei, tout coule).

La pièce d'Anaïs Claire Panagiou, le phare de Korakas,(2020) se déroule à Lesbos: un cadre idyllique, une jeune femme peint au bord de l'eau, essaie d'en retranscrire la splendeur. Un ami lui reproche son inaction car l'île est le lieu d'un véritable enfer. Les migrants qui y échouent en sont repoussés. On les dépouille de leurs pauvres biens. Un véritable business en effet s'organise autour de la question migratoire. Plus loin, au City Plaza d'Athènes, des bénévoles s'organisent pour assurer la survie de ceux qui ont réussi à passer. Nous sommes au théâtre et les décors y prennent des teintes symboliques: la montagne se teinte d'orangé, la couleur des gilets de sauvetage échoués sur le rivage. Dans ce texte où la poésie se mêle à l'ironie, l'auteur pousse le spectateur dans ses derniers retranchements. Ce dernier devient partie prenante de l'action et se transforme en migrant qu'on interpelle.

Ni de là bas, ni d'ici,(2008), la pièce de Zoubeir Ben Bouchta, met en scène Arab La France parti de Clichy Sous Bois après les émeutes de 2005. Il veut retrouver sa petite amie à Marseille. Caché sous un camion, il se retrouve sans le vouloir à Tanger. Il y rencontre Assas, le gardien d'un hangar qui, lui, veut émigrer en Europe. Un dialogue surréaliste s'installe entre eux: le Ouarzazate mythique, filmé par les cinéastes étrangers, dont est originaire Assas le gardien et qui fait rêver Arab La France y laisse la place à un désert gangrené par la misère où l'espoir d'une vie meilleure est vain. L'intégrisme islamiste n'est jamais loin non plus dans cette pièce où la drôlerie flirte avec le désespoir.

Dans Bords (2017) de Tino Capello, deux migrantes surveillées par trois gardes femmes attendent qu'on décide de leur sort. Pour passer le temps, elles jouent au jeu de chaises musicales, jeu hautement symbolique où celle qui perd sa place est censée devoir partir. Pour tromper leur ennui, elles convoquent également l'imaginaire, miment une course, un envol, une nage, bref, le rêve d'un ailleurs. Peu à peu, l'humanité va reprendre ses droits, on fait de la place sur une chaise à celle qui n'a pas été assez rapide, l'une des gardes refuse les ordres, et, dans un bel élan de solidarité, ouvre les bras aux deux migrantes.

Enfin, Racines Flottantes (2017) de Gabriela Acosta Bastidas, évoque la blessure originelle, ce déchirement de l'exilé dont les souvenirs sont à la fois confus et tenaces, la terre mère, l'endroit d'où l'on vient, où l'on est né, où l'on a laissé son coeur. Comment recoller les fragments d'un être écartelé entre deux cultures, Gabriella Acosta Bastidas décrit avec sensibilité et émotion cette douloureuse problématique, interroge la question des frontières, les frontières géographiques mais aussi les frontières invisibles comme celles de l'indifférence.
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Frontières est une anthologie de 7 textes ou extraits de pièces de théâtre qui traitent des frontières, ces "confins sans cesse franchis" par curiosité ou par nécessité. Par le jeu de l'écriture et des acteurs, nous sommes tour à tour explorateurs, témoins d'exil et de voyage ou encore (é- ou im-) migrants.
Cette anthologie débute avec un extrait d'un texte de Jean Claude Bastos où il retrace avec humour, les découvertes successives d'explorateurs célèbres, réels ou fictifs.
Puis les personnages de Ricardo Coreira nous parlent d'exil, de guerre et du fascisme qu'ils ont dû fuir dans le Portugal salazariste d'entre 1961 et 1974.
Fuir pour quel rêve? quel pays? quel rêve de pays? C'est le thème qu'aborde Andreas Floukaris. Les personnages vont rêver d'une issue, d'une échappatoire à la crise économique de leur pays, la Grèce. Au fil des dialogues nous passons d'un désir de réel nouveau à un questionnement plus abstrait sur ce que pourrait être cet ailleurs.
Anaïs-Claire Panagiotou, dans l'extrait de sa pièce le Phare de Korakas, nous propose d'être tour à tour migrant, humanitaire, pilleur au fil d'un texte très émouvant où le choeur joue un rôle de guide important.
Puis l'on assiste à un échange surréaliste entre Arab Lafrance, marocain exilé en France qui se retrouve sans le savoir à Tanger et Assas, candidat à l'exil, maintes fois tenté mais jamais réussi dans cet extrait de Zoubeir Ben Bouchta intitulé Ni de là-bas, Ni d'ici , titre magnifiquement illustré par l'utilisation d'une langue où se mélangent arabe dialectal et mots francisés , interlangue superbement traduite.
Puis nous partons sur une plage italienne, assister à un jeu de chaises musicales entre plusieurs femmes gardiennes et/ou migrantes dans l'attente d'une décision, d'une place. Au fil de ce texte de Tino Caspanello, les relations entre ces femmes vont évoluer vers une compréhension mutuelle, vers un abandon progressif des préjugés et une nécessaire humanité.
Le dernier texte, très bouleversant est un extrait de Racines Flottantes de Gabriela Acosta Bastidas. Il a été créé à partir de sa propre expérience d'exilée et de celles d'autres femmes déracinées. Elles nous en racontent leur vision avec leurs mots et leur(s) langue(s). Vision très intime et déchirante…

Sans l'opération "Masse Critique", je ne serais pas allée vers cet ouvrage de « dramaturgie européenne contemporaine » et j'aurais eu tort :
Tout d'abord, le choix éditorial est intéressant : les textes originaux sont mis en regard des traductions et chaque oeuvre ou extrait est introduit par une mise en contexte explicative, une brève description de l'auteur.e et du ou des traducteur.trices.
Et ensuite la variété des déclinaisons des types de frontières et des situations narrées, la diversité culturelle et la polyphonie des personnages rencontrés m'ont permis de sans cesse déplacer mon point de vue sur cette altérité que je pensais connaître.
Je recommande fortement cette expérience de lecture.
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Une très jolie anthologie sur le thème du départ - contraint ou non, de l'affirmation de soi, de la perte de son passé.
Frontières est bien documenté, les textes dont la version française fait miroir avec la langue d'origine font de ce livre un petit bijou, et je ne parle ici que d'esthétique du texte, sans entrer dans le détail. Je ne parle aucune des langues qui font partie de ce recueil et pourtant, même en ne contemplant que la page de droite, la vision périphérique du texte original nous imprègne de quelque chose, d'une compréhension, nous rapproche du sens de ce que l'on lit.
Malgré leurs différences, j'ai trouvé tous ces textes très poétiques, que ce soit par les sons des mots ou par la syntaxe employée. Saccadés aussi, tous ou presque, il y a dans l'arrivée au nouveau pays une coupure, tout à fait tangible à l'écrit, et qui étonne à la lecture bien qu'elle s'explique facilement. On y retrouve toujours un brin de souffrance, de nostalgie, de racines atrophiées.
J'ai passé un beau moment, je me suis posé beaucoup de questions. Merci pour cela.

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Karina: (...) Non, je ne peux pas oublier parce que je le porte avec moi sur ma tête. Ce passé me tire par les cheveux, se coince entre mes doigts avec des noeuds entre chaque microfibre. Mon enfance qui m'a toujours semblé si solitaire ; mon adolescence chaotique et la grande douleur d'avoir été arrachée de la patrie où j'avais semé les rêves d'une révolution, d'une lutte pour la vie.(...) Et alors, oui, je crois et je suis presque certaine que mes cheveux gardent tout cela. Enlever du poids, voyager plus légère me semble nécessaire. Enlever une partie du poids me semble juste... Jusqu'à là, s'il vous plaît, coupez jusqu'à là...
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