Sacrifier le financement de la culture est d’autant plus fâcheux que la Grèce est une destination extrêmement touristique, qui a attiré plus de 17 millions de visiteurs en 2013. En dehors de la mer et du soleil, le patrimoine est un des facteurs d’attraction essentiels du pays, considéré à juste titre comme le berceau de la civilisation européenne. Les conditions d’accueil des musées sont de plus en plus misérables – avec des salles closes, des horaires d’ouverture restreints, voire des fermetures complètes –, ce qui risque, à terme, de nuire à un des seuls moteurs économiques qui fonctionnent encore pleinement.
La chapelle Sixtine risque de mourir de l’amour excessif qu’on lui porte. Tant qu’elle n’était que sur le circuit de quelques amateurs triés sur le volet – dont Goethe et Stendhal, qui eurent accès aux fenêtres hautes qui ne s’ouvrent que de l’extérieur – un dépoussiérage périodique suffisait amplement. C’est le pape Paul III qui en prit l’initiative, dès 1543. Les annales conservent le souvenir de ces interventions réalisées avec les moyens de l’époque: on faisait grand cas du tissu de lin et de la mie de pain, du vin grec et du vinaigre. Peu importe que les soigneurs aient eu la main lourde dans leur effort pour effacer la marque des cierges : derrière leur épaisse couche de vernis, les Sibylles étaient bien protégées…Aujourd’hui, la situation n’est plus la même. Les cohortes de visiteurs mènent sans le savoir une attaque sur plusieurs fronts. Leur simple présence fait augmenter la température et le taux d’humidité de la pièce, deux fléaux majeurs.
En respirant, les spectateurs produisent du dioxyde de carbone, qui attaque la couche picturale. Et leurs habits, lorsqu’ils en portent, véhiculent toutes sortes de poussières et de particules qui n’aiment rien tant que se fixer sur les parois, provoquant des réactions chimiques incontrôlables.
Suite à un vol dans un musée de Rotterdam – dont deux Monet et un rarissime Meijer de Haan –, la mère d’un malfaiteur roumain explique avoir brûlé le butin pour protéger son fils! Elle est revenue sur ses déclarations depuis, mais sans indiquer où sont les œuvres. Et en ayant laissé des traces confondantes de tableaux anciens incendiés chez elle…
Les ravages de la fin de la Seconde Guerre mondiale furent terribles: les bombardements massifs de Dresde et Berlin ont eu raison de nombreux fleurons des collections allemandes stockés dans des musées ou des tours de défense, parmi lesquels des merveilles par Caravage ou Courbet.
Un conservateur n’a jamais très envie d’intervenir sur les oeuvres; il se montre prudent. Le restaurateur l’est beaucoup moins.