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EAN : 9782840311300
93 pages
Le de Bleu (01/08/2001)
3.75/5   2 notes
Résumé :
Bruno Berchoud : Comme on coupe un silence
Voilà qu'une fois encore, et fort heureusement un poète vérifie cette hypothèse de Cocteau (Jean) : «Le poète ne chante juste que dans son arbre généalogique». Dans cet arbre nichent les poèmes de Bruno Berchoud. Là ils chantent ces «airs de famille» qui ressemblent aux nôtres, et pour cela concernent l'humain ordinaire que nous sommes : tous «on connaît la chanson !» Une rare honnêteté d'écriture, une parole sensibl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce recueil, lauréat du prix de poésie de la ville d'Angers, alterne prose et poèmes en vers.
Le lecteur découvre, dès les premières pages, le visage de la mère, personnage tutélaire que l'on « déchire » pour venir au monde. La mère qui nourrit, tricote des pulls et veille l'enfant lorsqu'il a la fièvre. La mère qui raconte une fable De La Fontaine :

« La mère creusait la voix profond sa route inexorable dans l'histoire qu'elle roulait comme ses yeux quand on aurait voulu d'un cri arrêter les crocs les mots arrêter tout. »

Quant au père, il faut lui obéir. Parfois, il parle de sa guerre

« Les épluchures, ça me connait
J'en mangeait à la guerre
Et du rutabaga
Nous dit le père
Assis dans la cuisine
Me servir d'un couteau
Le devoir militaire
M'aura appris cela. »

Parmi les membres de la famille, et les souvenirs d'enfance apparait la figure de ce frère pas tout à fait comme les autres et qui n'a pas acquis le langage, ce frère vulnérable qu'on doit protéger.

« Il lui faudrait un bout d'éternité pour tout reprendre du monde, en repasser les lignes, élever une digue autour de la nuit, séparer dans sa tête les cailloux et le ciel, les mots et les nuages. »

On croise aussi un vieil oncle, on assiste à des enterrements, on s'interroge sur la petite mémère derrière son rideau, et c'est la vie qui s'écoule sous la plume de Bruno Berchoud, la vie avec son cortège de nostalgie, ses éclats de bonheur et ses morts.
Tout est dit simplement, avec pudeur et tendresse, et l'on se prend à rêver à nos familles qui ont peuplé nos enfances.

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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Grandir
éloigner la terre de ses mains

ne plus porter à la rivière
un rire de dix ans
des cailloux écorchés

Marcher plus vite désormais
la terre entière qui écrit les semelles

Et puis défaire le chemin le soir
toujours il faut reprendre
à plus tard on remet la lumière
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V. Efface…


Le pare-brise embué
c’est pas comme un regard
ne trouvant plus ses mots
ce n’est qu’humidité novembrière
un masque blanc qui vous efface
les ombres

Pour savoir où mener la voiture
il faut ouvrir la cage au vent
tourner bouton d’un cran ou deux
livrer la glace au sirocco

On aimerait pareillement
toutes les fois qu’on ne voit pas très bien
où la vie nous emmène
éclaircir en soufflant le chemin
passer le grand balai sur l’horizon

Ne riez pas ‒ lorsque mon tout petit
souffle vers les oiseaux je les vois
beaucoup mieux

p.88
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II. L'endroit du décor (1)


Il faudrait une terre comme le ciel — qui se
sèche d’un coup, éponge les restes de pluie
avec le dernier nuage.  Au lieu  de quoi ça
vous  colle  des  jours  et des  jours  aux
semelles,  et les  enfants  peignés dès  le
matin  par le ciel bleu trébuchent  dans la
glaise.  Ils guettent la  pelleteuse,  le bull-
dozer, ou seulement le terrassier en maillot
de corps qui répondra sans un sourire  et
pioche  en l’air   Jusqu’en Chine, les gars,
voilà jusqu’où on va creuser.

p.42
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IV. L'endroit du décor (2)


Extrait 2

Très  peu d’années  plus tard je le revois
dans sa maison des Alpes et je comprends
c’est maintenant son tour de perdre les
pédales, je lance des bouées des paroles ne
vais pas me baisser lui faire ses lacets mais
tout comme l’aide à nouer  les souvenirs
entre eux on parle du Mont Blanc des Drus
de l’aiguille Verte et de la guerre,
‒ Évadé d’Allemagne je le sais enfui jus-
qu’en Savoie y retrouver sa belle (quatre-
vingts ans dans quelques jours) il fut entre
autres marchandises dans un train du char-
bon jusqu’aux yeux mais  aussi bien plus
tard rescapé d’avalanche décidément la vie
risquée en noir et blanc ‒
Dans le couloir d’entrée Marthe m’a chu-
choté  surtout pas me  formaliser des
salades qui m’attendent,
Il remue mélange les quartiers de sa vie
est-ce que c’était avant pendant après la
visite des Boches emmêle les sommets
gravis à  ceux qu’il  aurait bien voulu ‒
Où est passé le corps de cuivre qui courait
les sentiers ?

p.74-75
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I. Mère (s)


Le rémouleur est un brave homme, c’est
mère qui l’a dit.
Il repasse d’une saison l’autre sonne la porte
entrebâille et aussitôt Bonjour Madame vos
couteaux ciseaux hachoirs je les aiguise à
neuf et vous verrez ils couperont comme
sortis d’usine.
Dix petits tours de meule, la lame crie sous
les étoiles.
L’homme bavarde un peu, sa femme morte
d’un cancer lui-même une santé fragile et
croyez-moi c’est dur au jour le jour marcher
de porte en porte allez il faut bien vivre.
Quelques pièces glissées dans la main, eh
bien au revoir Monsieur et surtout tenez bon
courage ‒ Un bout de phrase descend les
escaliers.
Rendez-vous compte les enfants quelle
misère tout le monde n’a pas la chance ‒ Et
que Dieu les bénisse, la veste en toile bleue,
les paumes noires, et les cheveux si pâles
qui s’en vont dériver dans l’automne.
Mais vite la cuisine reprend la mère en
main la lame tranche à vif deux trois
oignons qui pleurent, ça fait de la buée
quand on regarde, un début d’auréole autour
de son visage.

p.11
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