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En janvier 2003, la mère d'Anne Berest, Lélia, reçoit une carte postale de l'opéra de Paris avec quatre prénoms, ceux de ses grands-parents, de son oncle et de sa tante. Ces gens sont tous morts en déportation à Auschwitz et l'expéditeur de la carte est inconnu. Anne Berest va se livrer à une enquête minutieuse pour essayer de le retrouver et elle va ainsi reconstituer toute l'histoire de sa famille dans ce dramatique XXe siècle, tout en se posant la question de l'identité juive. ● Nous connaissons tous ces événements historiques et pourtant y voir évoluer des personnages de roman ou comme ici des personnes réelles renouvelle à chaque fois leur caractère tragique. ● La minutie de la reconstitution ne nuit absolument pas au rythme du récit et au profond intérêt qu'il suscite. C'est passionnant. ● Les résonances entre le passé de cette famille et la vie actuelle sont bien mises en évidence par le double mouvement du récit : à la fois reconstitution du passé et récit au présent de cette reconstitution. Ainsi la petite phrase contre les juifs que la fille d'Anne Berest entend à l'école se trouve amplifiée par celles qu'on pouvait entendre dans les années trente, même si Anne souhaiterait en minimiser la portée. ● En outre, on voit à la fois le passé se reconstituer, les conséquences du passé sur le présent se manifester et les commentaires que les personnes de notre présent font sur le passé. ● C'est un livre très riche et je ne comprends pas que le conflit d'intérêt entre Camille Laurens et François Noudelman au Goncourt ait eu pour victime collatérale ce beau livre d'Anne Berest qui n'y est pour rien, en étant retiré de la sélection du prix Fémina.
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Dès les premières pages du roman, Anne Berest nous embarque avec brio dans une spirale qui nous happe littéralement et nous fait parcourir l'histoire de sa famille sur presque un siècle.
Son écriture est comme un jeu de miroirs permanent qui renvoie l'histoire des siens à l'histoire universelle du peuple juif avec tous ses thèmes dont le principal, bien sûr reste la Shoah dont une partie de sa famille en sera la victime.
Partant d'une étrange carte postale reçue un matin chez sa mère, elle part aidée de celle-ci sur les traces de sa famille et reconstitue l'histoire de ses arrières-grands-parents.
Ce qui m'a beaucoup intéressée dans ce roman, c'est les questions et les non-dits, les secrets qui tournent autour de l'identité "culturelle" de la judéité.

Oui, Anne Berest est juive mais ne le vit pas ainsi.
"Je suis juive mais je ne connais rien de cette culture".
"Je suis le rêve accompli de mon arrière-grand-père Ephraïm, j'ai le visage de la France"

D'autres dans sa famille, comme son aïeul ont été confrontés, dans d'autres formes à cette judéité complexe qui les pousse à renier, à dissimuler, à oublier ce qu'ils sont. Et, ainsi, devenir des Juifs dits assimilés. Ce passage très fort, ou son arrière- grand- père vivant en France et voulant être naturalisé français va jusqu'à interdire aux siens d'évoquer le fait qu'ils sont juifs.

Tous ces questionnements, ces comportements sont évidemment dictés à la base par la peur, les persécutions des juifs à travers l'histoire qui leur inspirent une survie permanente.
"La liberté est incertaine. Elle s'acquiert dans la douleur"
Au fil du roman, Anne Berest nous livre, se livre courageusement pour combattre ses démons et remonter l'histoire de sa famille. Avec sa mère qui a déjà tissé les liens des différents membres de sa famille dont l'histoire de sa propre mère qui est la seule ayant survécu à l'holocauste.
Ce roman est riche, foisonnant de cette histoire familiale qui a traversé le temps. Ce thème de la survivance est magnifiquement évoqué dans cette citation
"Mais aujourd'hui, je peux relier tous les points entre eux, pour voir apparaître la constellation des fragments éparpillés sur la page, une silhouette dans laquelle je me reconnais enfin: je suis fille et petite fille de survivants"

Anne Berest a écrit un grand livre qui aide à mettre du baume sur les coeurs.
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Ephraïm
Emma
Noémie
Jacques...
Et ils ont été des millions à perdre la vie durant la Seconde guerre mondiale, tout cela parce qu'ils étaient juifs ! Et le pire, c'est qu'il n'y a pas eu qu'eux !
Ces quatre noms, Leïla, la mère de la narratrice, les lis sur une carte postale qu'elle reçoit en janvier 2003, sans aucune explication ni mention du destinataire. Elle les reçoit en pleine figure, comme une gifle qui lui rappellerait non seulement ses origines (encore et bien que cela ne soit absolument pas...disons plus une honte) mais aussi son silence envers sa fille concernant ces derniers et les circonstances tragiques dans lesquelles ils ont disparu ! Tout cela parce qu'elle avait voulu, non pas oublier mais ne plus penser à ce passé trop douloureux et pourtant...ce silence imposé par sa mère Myriam qui avait, elle, honte...honte d'avoir survécu alors que ses parents, sa soeur et son frère, eux, n'avaient pas eu cette chance. Pourquoi, elle, Myriam, n'était-elle pas morte comme eux, avec eux ?
Bien que Leïla n'ait jamais trop bousculé sa mère sur le sujet, Anna, la narratrice de ce roman, elle veut comprendre et pour comprendre, elle veut surtout retrouver la personne qui a envoyé cette carte postale à sa mère et pourquoi maintenant ! Pour cela, elle va devoir un peu brusqué sa mère pour qu'elle lui confie son passé et cela ne va pas être évident car, comme je l'écrivais plus haut, celle-ci, aurait préféré ne plus y penser mais il faut parfois savoir réveiller les morts pour ne pas qu'on les oublie !

La narratrice va donc se plonger dans cette enquête, seule, afin de lever le voile sur ce qui s'est passé...il n'y a pas si longtemps que cela et qui laisse encore des traces aujourd'hui !

Je n'en dirai pas plus sur le sujet, d'une part, lorsque je vois l'affluence de critiques sur ce dernier, et d'autre part, parce que j'ai moi-même reçu une sacrée gifle en le lisant et que je me retrouve à mon tour, démuni de mots et pourtant, n'oublions pas !
Un roman extrêmement puissant, très bien écrit, admirablement romancé et que je ne peux que vous recommander !
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La carte postale est cette lecture tant convoitée avant d'y entrer.
Tant d'éloges, de si belles critiques, un livre encensé massivement par les lecteurs et les critiques littéraires de manière totalement unanime, récompensé par deux prix littéraires, pas des moindres...
Alors pourquoi suis-je resté totalement à côté de ce livre, de ce roman ? D'ailleurs, est-ce un roman ? Une fiction romanesque ? Difficile de le dire de mon point de vue.
Ce qui est indiscutable est le poids historique du récit. La tragédie qui porte ce texte et qui est convoquée à chaque page de la narration au travers du destin d'une famille juive.
Ce qui est indiscutable est l'élan de générosité et d'humanité qui a poussé l'autrice, Anne Berest, dans la rédaction de ce livre. Un hommage intime... Son envie de transmettre. Mais transmettre quoi au juste ? Je suis incapable de l'exprimer au moment où je rédige ce billet.
Je me suis posé cette question lancinante tout au long de ma lecture. Pourquoi ce livre ? Pourquoi un livre de plus sur ce thème de la Shoah, non pas que tout a été dit, écrit, mais s'il faut en écrire un autre, un de plus, autant y apporter quelque chose de nouveau, dans la narration, dans le style, dans la manière de convoquer les personnages, de les faire venir, cheminer, avec leurs beautés, leurs doutes, leurs failles, leurs rugosités, leurs interstices...
Longtemps j'ai lu les premières pages de ce livre comme l'eau qui glisse sur les plumes d'un cygne. Aucun signe ici ne venait me happer, me prendre à la gorge, me saisir d'émotion... Bien sûr, des scènes sont là, mais tant visitées, tant revisitées que la démarche romanesque qui s'en saisit avec sans doute une bonne intention au départ s'en dépouille totalement à l'arrivée. J'ai eu l'impression d'aller à la rencontre d'une fabrication artificielle manquant totalement de souffle...
La première partie du roman est une sorte de faisceau qui balaie et rassemble tout ce qui a trait sur le plan historique à la menace latente puis réelle, les camps de transit, la déportation, jusqu'à l'extermination des Juifs en camps de concentration. La narratrice nous raconte l'histoire de sa famille à partir d'un élément déclencheur original : une carte postale reçue et envoyée de manière anonyme longtemps après la guerre et comportant quatre noms d'une même famille, tous morts à Auschwitz en1942.
La seconde partie me paraissait plus prometteuse, mais voilà, j'avais déjà accompli la moitié du voyage et j'étais déjà rincé d'un tel découragement que je n'ai pas su trouver les forces vitales pour accomplir la suite du trajet.
L'histoire est bien racontée, mais où est l'âme de cette narration ? Où en est l'écriture ? Où est l'écrivain capable de transcender ce récit ?
Pléthores de faits, d'idées déjà connues, de personnages convenus dans leurs descriptions même s'ils sont happés dans une tragédie sans nom, enlèvent toute sobriété et puissance à un récit qui en méritait amplement et qui aurait gagné ainsi en émotion.
N'est pas Primo Levi qui veut...
Peut-être qu'après avoir lu Si c'était un homme, de Primo Levi, on ne peut plus rien lire d'autre sur le sujet ? On est comme asséché, atterré et qu'il faut du temps pour s'en remettre...
Il y a une sorte d'hésitation entre le côté romanesque et le récit historique qui m'a déstabilisé. Parfois j'ai eu l'impression que c'était Wikipedia convoqué dans les mailles d'une histoire familiale juive au temps de l'occupation allemande. Tout est passé en revue dans un style didactique, tout ce qu'il faut savoir, même des célébrités sont convoquées dans le récit, dont on ne sait pas ce qu'elles viennent faire ici, quelle valeur elles apportent au récit, ici Gide ou Picabia, là Cocteau ou Malraux, plus loin Irène Némirovsky, sauf à ce dire que dans ce grand étalage, l'autrice a trouvé bien de les y faire figurer. Mais pour quoi faire. Pour faire érudit sur la carte postale ?
Il n'en demeure pas moins une lecture agréable, mais pour en arriver à quoi à l'arrivée ?
Si ce roman a trouvé son public, c'est l'essentiel. Mais ce fut pour moi un rendez-vous manqué. Cette carte postale ne m'était pas destinée.
Un rendez-vous manqué est aussi fait de belles choses, comme l'attente désespérée d'un livre.
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Qu'est ce qui fonde l' identité juive quand on ne pratique pas la religion, qu'on ne connaît pas la portée symbolique des rites et des fêtes, qu'on a un prénom et un nom sans le moindre soupçon de judéité, qu'on ignore même pendant de longues années l'histoire tragique de sa propre famille et que les "survivants" autour de soi se taisent, esquivent, font même disparaître les faibles traces d'existences chères, perdues dans la nuit et le brouillard ?

Plus que l'enquête presque policière et longuement différée sur l'origine de la carte postale , plus que la reconstitution d'une histoire familiale déchirante et pleine de terribles béances. c'est cette question qui m'a fascinée et bouleversée parce qu'elle met en branle l'inconscient collectif dans la conscience individuelle, le déterminisme tragique des non-dits et des drames dans la trajectoire personnelle, le poids des noms, le poids des mots, le poids des morts dans la vie des vivants.

Anne Berest relève avec une acuité, une précision et une honnêteté totales les différentes occurrences et incidences qu'a eues le mot "juif " sur sa vie d'enfant assimilée, laïque, apparemment sans lien avec la condition juive.

Son deuxième prénom, Myriam, celui de sa grand mère survivante, joue sur sa vie comme un destin. Elle est celle qui échappe, celle qui survit, celle qui DOIT se souvenir quand bien même elle voudrait esquiver. Comme cette grand mère qui dans le chaos même de la vieillesse saura se souvenir.

L' enquête d'Anne (son en-quête) ne se déclenche pas à la suite du récit que lui fait sa mère de la tragique histoire familiale, mais des années plus tard, à la suite d'un propos antisémite relevé par sa petite fille de six ans.

Comme si la condition juive etait une sorte de fatum qui soudain vous convoque, vous somme de porter individuellement une part, votre part, du destin collectif.

Comme si elle était liée etroitement à la transmission, une sorte de passage de relais indispensable, douloureux, mais nécessaire.

À la fois une chaîne et une délivrance.

Voilà un livre écrit avec sobriété et neutralité. Sans effet de style, et tant mieux.

Ce n'est ni un roman, puisque tout y est vrai jusqu'à la fameuse carte postale, ni un suspense même si l'enquête est passionnante, ni une chronique même si elle nous fait croiser des noms célèbres (René Char, poète et grand résistant, Picabia, dadaiste, peintre et l'arrière grand père de l'auteure, Gabriële Buffet, épouse et muse de ce dernier, déjà évoquée dans un livre des soeurs Berest). Ce n'est pas non plus une histoire personnelle s'inscrivant dans la sombre histoire collective de ces années de collaboration, de délation, de complicité honteuses d'une partie de la France et des Français à l'un des plus grands crimes contre l'humanité qui ait existé.

La Carte Postale est une question profonde, lancinante, qui cherche et trouve sa réponse dans un patient et sobre travail d'investigation. Et qui par conséquent peut aussi bouleverser, toucher, même si ce n'est pas son but premier.

Un livre puissant et nécessaire.
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Epoustouflant, c'est le mot qui me vient à l'esprit pour décrire ce livre. Je l'ai déjà conseillé à mon mari et à mes filles. Et je profite de la tribune de Babelio pour vivement vous conseiller la lecture de ce texte entre roman, récit, (auto)biographie, questionnement....
.
Le livre se lit avec plaisir grâce à une écriture fluide, légère pour une thématique plutôt délicate.
L'auteure, dans ce livre, dévoile un pan de la vie de sa famille, juive, russe, installée en France, disparue à Auschwitz. Mais ce livre est aussi le récit de la recherche de la mère de l'auteure sur sa famille, sur son histoire. Puis de la quête qu'elles mèneront, mère et fille, pour comprendre l'origine de la "carte postale".
Au travers de ces recherches se pose également la question de savoir ce qu'est être Juif quand on est laïc. L'auteure partage avec nous ses questionnements, passionnants, sur ce sujet.
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Un livre qui se dévore : en dépit du nombre de pages de ce pavé, je n'ai pas pu le lâcher. Pourtant ce livre a eu pour effet de me faire faire des recherches sur des personnages qui ne m'étaient pas connu comme la Dr Hautval (Juste parmi les Nations) ou l'abbé Alesch (qui trahira comme monnaie sonnante et trébuchante un réseau de Résistants).
Suivre les recherches menées par la mère et la fille sont passionnants, difficiles à lâcher. Comme elles, on a envie de savoir qui a envoyé cette carte postale, et pourquoi. Comme elles, on découvre l'infinie tristesse de ces vies détruites à Auschwitz.
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Franchement si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous conseille vivement la lecture de cette "Carte postale". Un prix Renaudot des lycéens 2021 amplement mérité ! Je partage leur avis sur ce livre époustouflant, utile, émouvant...
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Je crois que depuis que j'ai vu ce titre "La carte postale" d'Anne Berest, j'ai envie de lire ce livre, c'est chose faite et je ne suis pas déçue !

La famille de l'autrice, partie de Russie, arrive à Paris en 1929 après être passée par la Lettonie et la Palestine.

Avec une écriture simple et efficace, Anne Berest nous raconte le parcours de ses ascendants juifs traversant L Histoire.
Anne Berest réussit à nous captiver en nous présentant ces quelques décennies sous forme d'enquête. C'est original, et vrai car il s'agit de l'histoire de sa propre famille.

Cette enquête, menée avec sa mère et à partir des recherches que cette dernière a déjà effectuées, débute avec la réception d'une carte postale anonyme où seuls 4 prénoms sont écrits. Ces prénoms sont ceux de ses grands-parents, de sa tante et de son oncle, tous 4 déportés et morts à Auschwitz en 1942.
Seule, la grand-mère de l'autrice, Myriam, a survécu mais a toujours gardé le silence sur les atrocités vécues par sa famille.

C'est après que la fille de l'autrice ait entendu en 2020 la phrase « Parce qu'on n'aime pas trop les Juifs à l'école » qu'Anne Berest, se rappelant de cette carte postale reçue en 2003, se lance dans cette recherche familiale. Elle en fait un récit très vivant et émouvant où la question de l'identité est posée, avec ses influences sur plusieurs générations.

On rencontre des figures connues dans la Résistance, des écrivains, des artistes, faisant de ce roman un livre d'Histoire très intéressant.
De plus, Anne Berest a su nous tenir en haleine jusqu'au bout en ce qui concerne la résolution du mystère de l'envoi de cette carte postale.
C'est bien fait, tout y est, c'est bouleversant, c'est authentique, c'est nécessaire.

Ce récit, marqué par la Shoah, mérite bien le prix Renaudot des lycéens 2021.
Il était en lice pour le prix Goncourt au même titre que Les enfants de Cadillac, les 2 ayant été retirés suite à la polémique que l'on connaît. Ce qui est fort dommage, j'ai lu les 2 et aimé les 2. Bien que très différents, ils interrogent sur l'identité et ses répercussions sur les générations futures.

La carte postale : Une enquête et une quête narrées dans un récit poignant, à lire !

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En janvier 2003, arrive une mystérieuse carte postale au domicile des parents d'Anne. Anne Berest car il semblerait que le récit soit une biographie de sa grand-mère, les parents, les frère et soeur de celle-ci.
En 2020, elle mène une enquête avec sa mère Lelia.
Celle-ci avait déjà recueilli de nombreux renseignements sur la famille de sa mère Myriam et de ses parents.
Ephraïm, son père, ingénieur s'installe avec son épouse Emma à Riga.
Ils ont trois enfants : Myriam qui survivra à la guerre par un heureux hasard de rencontres et de circonstances, Noémie et Jacques. Tous les quatre seront déportés et mourront à Auschwitz.
Après Riga, la famille s'installe en Pologne chez les parents d'Emma puis en Palestine chez les parents d'Ephraïm et enfin à Paris. Partout, ils seront pauvres ou rejetés et ce n'est pas par manque d'énergie. La seule solution est soufflée à Ephraïm par sa cousine son amoureuse de jeunesse, émigrer aux Etats-Unis mais à ce moment , au début de la guerre, le pays les refuse.
Le personnage qui m'a le mieux plu dans cette histoire est le père d'Ephraïm , Nachman, qui sur la fin de sa vie vient rendre visite à ses fils émigrés à Paris avant de retourner en Palestine près de son épouse. Ses paroles sont le bon sens même, respectueuses, d'une grande sagesse.
Tout au long du récit, nous vivons l'exode, l'espoir d'une vie meilleure, les vérités des Juifs qui se transmettent le statut de juif de mère en fille même si le père est un Français.
Petit bémol, il aura fallu 200 bonnes pages pour qu'Anne se lance avec sa mère Lénia dans l'enquête au sujet de l'origine de la carte postale. J'aurais voulu que cela arrive plus tôt même si cette partie du roman est passionnante et nous mènera plus loin vers Myriam, la grand-mère d'Anne qu'elle a bien connue.
Un roman très bien écrit avec des faits déjà bien connus pour moi dans la première partie. Tout cela compensé par les spécificités des personnages et leur vie bafouée.
Ce n'est pas du tout étonnant que le roman ait reçu le prix Renaudot des lycéens car le contenu peut répondre à de nombreuse questions que les jeunes se posent sur les Juifs. J'en suis témoin. Mon petit-fils qui a maintenant 18 ans me l'a quelques fois demandé. Mais qu'avaient-ils fait les Juifs pour être persécutés à ce point ?
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Dans l'univers de la littérature, du théâtre et des séries TV, Anne Berest est présente partout et elle sait tout faire. Elle a aussi l'esprit de famille. Après avoir écrit avec sa soeur Claire la biographie de son arrière-grand-mère Gabriële Picabia, elle reconstitue, dans La carte postale, la saga d'une famille disloquée par la Shoah, la sienne. Nourrie jusqu'alors aux valeurs des Lumières, elle est amenée par ce travail à s'interroger sur son identité profonde et sur la part qu'y tiennent l'inné et l'acquis.

L'élément déclencheur est une carte postale anonyme arrivée en 2003 au domicile de sa mère, Lélia. Quatre prénoms y sont griffonnés, Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ce sont ceux des grands-parents de Lélia et de deux de leurs enfants. Leur nom était Rabinovitch. Ils ont été déportés et assassinés à Auschwitz en 1942. Ne figure pas sur la carte le prénom de leur fille aînée, Myriam, qui échappa aux rafles et donna le jour deux ans plus tard à Lélia.

L'élément déclencheur agit à retardement et en deux temps. Dix ans passent avant qu'Anne éprouve le besoin d'en savoir plus sur l'histoire de sa famille. Lélia lui dévoile ce qu'elle avait pu reconstituer de la vie des Rabinovitch en Russie, le mariage d'Ephraïm et d'Emma en 1919 à Moscou, la naissance de leurs enfants au cours des exils successifs en Lettonie, en Palestine, puis, à partir de 1929, en France, à Paris, où ils ont cherché à s'enraciner et à obtenir – en vain ! – la nationalité française.

Six ans passent encore. A la suite d'un propos banalement antisémite dans la cour de l'école de sa fille Clara, Anne Berest décide d'en savoir plus sur l'origine de la carte postale. Qui en est l'expéditeur ? Ses intentions étaient-elles malveillantes ? Elle consulte un détective privé qui lui inculque quelques méthodes d'investigation. Elle mène l'enquête sur le terrain, en Normandie, dans le village où les Rabinovitch possédaient une maison de campagne, là où la police est venue arrêter les enfants, et après quelques mois, les parents. Elle se rend en Provence, où Myriam, sa grand-mère, s'était réfugiée pendant la guerre et où elle s'était, plus tard, installée définitivement. Elle épluche les archives locales et les correspondances des témoins de l'époque, parmi lesquels René Char, grand Résistant.

Le propos antisémite rapporté par Clara évoque à Lélia un incident similaire vécu au même âge. Il rappelle aussi à Anne le trouble qu'elle ressentait enfant lorsqu'elle entendait le mot « juif », dont elle pressentait confusément qu'il la concernait. Elle prend pleinement conscience de sa judéité, une judéité sans religion qu'elle tient de sa mère, Lélia, qui la tenait elle-même de Myriam. Une judéité passée sous silence après la guerre, comme dans de nombreuses familles, et assumée aujourd'hui en mémoire de la Shoah. Une manière d'être juif qui en vaut bien une autre.

Le silence ! Il allait bien au-delà de l'occultation des origines. Dans La carte postale, les scènes de l'immédiat après-guerre à l'hôtel Lutetia montrent de façon oppressante l'impossible communication entre les déportés de retour et la population qui les accueille. le ton est donné. Pour la plupart, les survivants préfèreront taire ce qu'ils ont vu et subi. La crainte qu'on ne les croie pas et, à l'égard des disparus, comme une forme de honte d'en avoir réchappé…

Aujourd'hui, les témoignages existent, on ne compte plus les livres et les films qu'ils ont inspirés. Mais quatre-vingts ans auront bientôt passé. Les témoins vivants sont de moins en moins nombreux. Pour continuer à transmettre la mémoire, il faudra en reconstituer les fils rompus par les silences, recréer la psychologie des personnages, imaginer ce qui a relié deux événements établis.

En romancière accomplie, Anne Berest montre le chemin : le parcours romanesque tragique des Rabinovitch, le roman d'une enquête qui est aussi une quête personnelle. L'auteure écrit avec sobriété, sans pathos inutile puisque les faits, racontés au présent, en appellent suffisamment à l'émotion. En structurant un plan en quatre livres intelligemment ordonnancés, elle a su éviter la complexité à laquelle aurait pu mener la richesse des sujets traités. La carte postale est un ouvrage incontournable, qui m'a captivé comme un thriller.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Polémique ? Goncourt ? Peu me chaut …
J'ai aimé la plume d'Anne Berest, qui, comme une amie, me raconte son histoire. Direct, simple, honnête, son récit, dépouillé, nu, va à l'essentiel.
L'autrice n'essaye pas de nous impressionner, de nous mener en bateau. Avec cette quête de ses origines, elle tente de retrouver ses racines, de mieux comprendre qui elle est, de toucher du doigt cette notion si floue de judéité, qui sonne comme un tabou dans sa famille.
Quelques maladresses sans doute, des clichés, certains personnages effleurés manquent de consistance et de profondeur, cependant j'ai été touchée par la quête sincère, la simplicité de la démarche.
Une fois le livre refermé, j'ai aimé m'interroger, et moi que découvrirais-je si j'allais fouiller dans le passé de mes ancêtres ? A qui irais-je parler ? Toute famille a ses secrets, ses non-dits, ses tabous …
Un livre qui résonne dans l'Histoire, les petites et les grandes, celle d'Anne Berest, mais aussi les nôtres, …
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