La carte postale est cette lecture tant convoitée avant d'y entrer.
Tant d'éloges, de si belles critiques, un livre encensé massivement par les lecteurs et les critiques littéraires de manière totalement unanime, récompensé par
deux prix littéraires, pas des moindres...
Alors pourquoi suis-je resté totalement à côté de ce livre, de ce roman ? D'ailleurs, est-ce un roman ? Une fiction romanesque ? Difficile de le dire de mon point de vue.
Ce qui est indiscutable est le poids historique du récit. La tragédie qui porte ce texte et qui est convoquée à chaque page de la narration au travers du destin d'une famille juive.
Ce qui est indiscutable est l'élan de générosité et d'humanité qui a poussé l'autrice,
Anne Berest, dans la rédaction de ce livre. Un hommage intime... Son envie de transmettre. Mais transmettre quoi au juste ? Je suis incapable de l'exprimer au moment où je rédige ce billet.
Je me suis posé cette question lancinante tout au long de ma lecture. Pourquoi ce livre ? Pourquoi un livre de plus sur ce thème de la Shoah, non pas que tout a été dit, écrit, mais s'il faut en écrire un autre, un de plus, autant y apporter quelque chose de nouveau, dans la narration, dans le style, dans la manière de convoquer les personnages, de les faire venir, cheminer, avec leurs beautés, leurs doutes, leurs failles, leurs rugosités, leurs interstices...
Longtemps j'ai lu les premières pages de ce livre comme l'eau qui glisse sur les plumes d'un cygne. Aucun signe ici ne venait me happer, me prendre à la gorge, me saisir d'émotion... Bien sûr, des scènes sont là, mais tant visitées, tant revisitées que la démarche romanesque qui s'en saisit avec sans doute une bonne intention au départ s'en dépouille totalement à l'arrivée. J'ai eu l'impression d'aller à la rencontre d'une fabrication artificielle manquant totalement de souffle...
La première partie du roman est une sorte de faisceau qui balaie et rassemble tout ce qui a trait sur le plan historique à la menace latente puis réelle, les camps de transit, la déportation, jusqu'à l'extermination des Juifs en camps de concentration. La narratrice nous raconte l'histoire de sa famille à partir d'un élément déclencheur original : une carte postale reçue et envoyée de manière anonyme longtemps après la guerre et comportant quatre noms d'une même famille, tous morts à Auschwitz en1942.
La seconde partie me paraissait plus prometteuse, mais voilà, j'avais déjà accompli la moitié du voyage et j'étais déjà rincé d'un tel découragement que je n'ai pas su trouver les forces vitales pour accomplir la suite du trajet.
L'histoire est bien racontée, mais où est l'âme de cette narration ? Où en est l'écriture ? Où est l'écrivain capable de transcender ce récit ?
Pléthores de faits, d'idées déjà connues, de personnages convenus dans leurs descriptions même s'ils sont happés dans une tragédie sans nom, enlèvent toute sobriété et puissance à un récit qui en méritait amplement et qui aurait gagné ainsi en émotion.
N'est pas
Primo Levi qui veut...
Peut-être qu'après avoir lu Si c'était un homme, de
Primo Levi, on ne peut plus rien lire d'autre sur le sujet ? On est comme asséché, atterré et qu'il faut du temps pour s'en remettre...
Il y a une sorte d'hésitation entre le côté romanesque et le récit historique qui m'a déstabilisé. Parfois j'ai eu l'impression que c'était Wikipedia convoqué dans les mailles d'une histoire familiale juive au temps de l'occupation allemande. Tout est passé en revue dans un style didactique, tout ce qu'il faut savoir, même des célébrités sont convoquées dans le récit, dont on ne sait pas ce qu'elles viennent faire ici, quelle valeur elles apportent au récit, ici
Gide ou Picabia, là
Cocteau ou
Malraux, plus loin
Irène Némirovsky, sauf à ce dire que dans ce grand étalage, l'autrice a trouvé bien de les y faire figurer. Mais pour quoi faire. Pour faire érudit sur
la carte postale ?
Il n'en demeure pas moins une lecture agréable, mais pour en arriver à quoi à l'arrivée ?
Si ce roman a trouvé son public, c'est l'essentiel. Mais ce fut pour moi un rendez-vous manqué. Cette carte postale ne m'était pas destinée.
Un rendez-vous manqué est aussi fait de belles choses, comme l'attente désespérée d'un livre.