Atypique, dense, original et rapide à lire (78 pages) , cet ouvrage de
Carl Bergeron n'est pas seulement le portrait de Marie Guyart qui, au XVII siècle quitte la Touraine, implante les Ursulines au Québec, devient « mère de l'église canadienne » puis est canonisée sous le nom de « Sainte Marie de l'Incarnation »
C'est une réflexion sur son oeuvre littéraire, son message, sa transmission au fil des siècles, sa réception à notre époque et une interrogation sur la vocation du Canada et, pour le lecteur français, sur celle de notre pays.
Née en 1599 à Tours, Marie Guyart épouse vers 1618
Claude Martin maitre ouvrier en soie, accouche en avril 1619 d'un fils Claude, devient veuve et chef d'entreprise en quasi faillite l'année suivante. Elle prend en main les rênes de l'affaire, apure le passif, rejoint avec son fils ses parents et s'investit activement dans l'entreprise de transports fluvial de son beau frère.
A 32 ans, en 1631, elle devient religieuse dans la congrégation des Ursulines en Touraine et débarque à Québec , alors village de 300 âmes, en 1639 . Elle fonde une école pour les enfants des indiens et des colons et affronte de nombreuses difficultés y compris un incendie qui détruit la fondation en plein hiver 1650. Elle meurt le 30 avril 1672.
Cinq dans plus tard, son fils révèle ses écrits et publie dès 1677 la « Vie de la vénérable Mère Marie de l'Incarnation » puis en 1681 sa « correspondance » qui stupéfient les lecteurs par leur richesse.
En 1922
Henri Brémond renouvelle le regard porté sur son oeuvre puis
Dom Guy-Marie Oury, bénédictin de Solesmes, consacre de nombreux travaux dans les années 1970 à « la grande Marie » et prépare la voie à sa béatification en 1980 puis à sa canonisation en 2014.
Carl Bergeron peint la femme, « la plus flamboyante amoureuse, peut-être, de son siècle », la mère, la veuve, la chef d'entreprises, la religieuse, la correspondante mystique et pragmatique dont l'oeuvre est de la trempe des Confessions de saint Augustin et du Château intérieur de Thérèse d'Ávila, avec une plume du XVIIe siècle qui ravissait La Rochefoucauld et nous offre des descriptions truculentes.
Un femme d'action qui frôle les icebergs, remonte un fleuve escortée par des Innus, connait plusieurs langues autochtones, combat contre les éléments adverses (voir la couverture du livre) et ne renonce jamais.
L'historien
Louis-Guy Lemieux affirme que c'est elle, plus que Champlain, Hébert, Talon ou Jolliet, « qui incarne le mieux le courage et la ténacité des premiers Canadiens ».
L'auteur révèle ce que Jean le Moyne appelait le « luxe de sainteté », fruit d'une époque où tout n'était pas jugé à l'aune du matérialisme ambiant et s'interroge sur l'actualité et la trace de ce témoignage dans le contexte actuel où l'église est confrontée à de nombreux scandales. Il présente ainsi l'oeuvre de la Grande Marie comme « une recherche du temps perdu catholique ».
Cet ouvrage synthétique, mais d'une grande élévation de pensée, peut être une introduction à la biographie de six cents pages établie par
Guy-Marie Oury, et séduira le lecteur curieux de connaitre cette femme exceptionnelle.