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Gallimard (01/01/1969)
3.5/5   2 notes
Résumé :
L'Europe n'est-elle qu'un petit cap de l'Asie, comme l'a prétendu jadis Paul Valéry ? Emmanuel Berl retrace dans ce livre l'histoire d'un millénaire, au cours duquel les rapports entre ces deux continents devinrent décisifs pour leur évolution ultérieure.
Écrit dans un style brillant, ce volume, d'une originalité profonde, qui regarde l'histoire avec des yeux neufs, ouvre des perspectives sur le monde moderne, nous permet de mieux le comprendre et de mieux s... >Voir plus
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Et, à cette même époque, les Abbassides qui,en 750, supplantent définitivement les Ommeyades, transfèrent de Damas à Bagdad le siège du Califat.

Celui-ci ne pouvait pas rester en Syrie ; il s'y trouvait trop loin de ses réserves militaires : l'Islam tirait sa force armée, à l'Ouest, des Berbères, à l'Est de l'Iran et surtout du Korascan, par où l'Iran communiquait avec la steppe touranienne. Les Berbères se battaient en Espagne et ne pouvaient pas être utilisés en Asie Mineure. Les Abbassides, en s'installant à Bagdad se rapprochaient de leurs bases. Mais l'expansion musulmane au Maghreb et en Espagne avait déjà rendu difficile au calife de Damas le gouvernement de ces provinces, lointaines, agitées et immenses. Ce qui, à Damas, était difficile, devenait, à Bagdad, presque impossible.

Les Abbassides s'appuyaient, en partie sur les anciens croyants de La Mecque, en partie sur les Persans. Ils ne furent donc pas, comme on a dit,les simples successeurs des Sassanides ; Bagdad ne fut pas Ctésiphon. La révolte contre les Ommeyades vint du monde arabe, blessé dans sa morale et dans sa foi, autant que du monde iranien, blessé dans ses intérêts spirituels et temporels. Mais si les Abbassides tâchaient de concilier le puritanisme de Médine et l'organisation anarchique de l'Iran, ils ne furent en aucune façon Hellènes, Égyptiens ni Berbères. Culturellement, ils incarnèrent la Perse ; religieusement, l'Arabie ; militairement, ils recoururent de plus en plus à la force turque.

La désagrégation immanquable d'un Empire qui s'étendait de l'Indus aux Pyrénées – et même à la Gascogne – multipliait les hérésies, les sectes, les prétendants et les complots. Chiisme et Kharedjisme eux-mêmes étaient devenus des troncs, dont les branches variées allaient toujours proliférant. La diversité des pays et des peuples rassemblés par l'Islam, cherchait et finissait par trouver ses modes d'expression. Le monarchisme iranien ne concevait que des sujets prosternés devant la majesté omnipotente des successeurs de Darius ; les Berbères de Maghreb, démocrates et presque communistes, ne reconnaissaient que pour un temps limité l'autorité d'un chef militaire. Les Hindous voulaient la magnificence ; les Arabes la simplicité ascétique des premiers califes. L'Arménie, comme toujours, résistait à l'Iran que les Turcs, comme toujours,méprisaient.
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C'est sans doute en Égypte que le succès fut le plus décisif, et s'avéra le plus solide. Depuis treize siècles, la fidélité de l'Égypte à l'Islam ne s'est jamais démentie. Et dès le premier jour,l'impulsion fut si forte qu'en moins de cinquante années, le Croissant dominait, non seulement le Maghreb, mais encore l'Espagne.

Pour habituée que soit l'Histoire aux miracles musulmans, celui-ci déconcerte. L'Égypte avait subi profondément l'empreinte hellénique.Alexandre avait fondé sa principale ville ; les Lagides lui avaient procuré une prospérité immense.Alexandrie était devenue un des centres principaux de la culture grecque. Sa bibliothèque passait pour la plus riche du monde. Elle fut le berceau du néoplatonisme ; la ville de Plotin et de Porphyre. Elle était devenue un des centres principaux de la Chrétienté. Aucune Église, peut-être, n'avait joué un rôle aussi important que la sienne, dans l'élaboration du dogme. Ses patriarches, – à peine moins somptueux, moins orgueilleux et moins puissants que les Pharaons,auxquels on les comparait – l'avaient presque constamment emporté sur les patriarches de Constantinople. Théophile avait fait condamner et persécuter saint Jean Chrysostome. Saint Athanase, successeur de Théophile, avait été l'artisan du Concile de Nicée ; Cyrille l'artisan du Concile d'Éphèse. Non seulement l'Égypte était la patrie des plus illustres docteurs, mais elle était aussi celle des plus grands ascètes. La Thébaïde rivalisait de gloire avec l'Université ; le pays d'Origène avait été celui de saint Antoine, et, non loin,à Hippone, avait officié saint Augustin.

Alexandrie paraissait donc engager l'Hellénisme – païen et chrétien – plus que Byzance elle-même. Or, quelques mois suffirent à l'Islam pour effacer totalement cette culture vénérable dont les racines semblaient si profondes. On eût dit qu'Alexandre n'avait jamais régné, que Théocrite n'avait jamais écrit, que tant de philosophes,d'historiens, de docteurs, de moines n'avaient été que des ombres, incapables de laisser aucune empreinte sur le sol. L'Hellénisme n'avait été qu'un passant en Égypte : de là l'étonnante brutalité de la révolution culturelle : elle rétablit ce qui n'avait jamais été abrogé ; par exemple, le turban, l'écriture de droite à gauche. Là où le désert est la véritable mer, là où l'on vit des caravanes, non des convois, où l'on croit aux djinns et non aux sirènes, la fête païenne, avec toutes ses chlamydes et tous ses temples, ne laissa que le souvenir d'une somptueuse mascarade.Alexandrie n'exprimait pas plus l'Égypte qu'aujourd'hui Casablanca n'exprime le Maroc. Du seul fait qu'il replaçait au Caire la capitale del'Égypte, l'Islam la rendait à elle-même.
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Assurément, on ne saurait surévaluer le pouvoir d'une telle ferveur. Elle explique sans doute la conquête de l'Arabie ; mais elle ne peut expliquer l'effondrement sassanide. Les troupes de Khaled étaient très peu nombreuses : quelques milliers d'hommes ; d'aucuns disent quelques centaines.Dans cette armée, le pourcentage des non musulmans était considérable. La Perse, quoique épuisée par les Chosroès et battue par Héraclius, restait une des plus grandes puissances du monde.Elle disposait de ressources numériques et économiques hors de toutes proportions avec celles des Arabes : Il faut admettre que leur victoire tint pour une large part à la connivence des vaincus.

Le régime sassanide était exécré. L'aristocratie théocratique de Ctésiphon pesait aussi lourdement aux peuples iraniens que les fonctionnaires prévaricateurs et les théologiens disputeurs de Byzance aux peuples syriaques. Aux uns et aux autres, les Musulmans parurent, non des conquérants, mais des libérateurs. L'Islam se propagea comme une révolution plutôt que comme une conquête. Ses victoires étaient des « journées » qui mettaient la force au service des désirs que la violence avait refoulés.

Dans le plan politique, il débarrassait le Moyen-Orient de la double oppression perse et romaine. Il le délivrait des pro-consuls et des satrapes.

Dans l'ordre financier, il débarrassait les contribuables du fardeau écrasant qu'étaient pour eux l'administration byzantine et sans doute l'administration perse. Trois siècles de guerres presque ininterrompues, des bâtiments très dispendieux, la complexité croissante des services impériaux, le luxe des cours, les exemptions fiscales des clergés byzantin ou mazdéen, tout engorgeait le trésor public des Sassanides et des Romains, au point que les peuples ne pouvaient plus espérer aucun allègement de leurs charges. Les victoires d'Omar signifièrent l'annulation des créances de l'État.

Mais l'Islam ne rendit pas seulement aux producteurs les fruits, toujours confisqués, de leur travail. Il restitua aux hommes la dignité perdue.

En Orient, la religion est le premier des besoins.Or, la religion, aussi bien à Byzance qu'à Ctésiphon, était devenue irrespirable.
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Vidéo de Emmanuel Berl
La Commune de Paris : Analyse spectrale de l’Occident (1965 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 12 juin 1965. Illustration : Une photo de la Barricade de la Chaussée Ménilmontant, Paris, 18 mars 1871 © Getty / Bettmann / Contributeur. Pierre Sipriot s'entretient avec Henri Guillemin (critique littéraire, historien, conférencier, polémiste, homme de radio et de télévision), Emmanuel Berl (journaliste, historien, essayiste), Adrien Dansette (historien, juriste), Pierre Descaves (écrivain, chroniqueur, homme de radio), Jacques Rougerie (historien spécialiste de la Commune de Paris), Philippe Vigier (historien contemporanéiste spécialiste de la Deuxième République), Henri Lefebvre (philosophe), et Georges Lefranc (historien spécialiste du socialisme et du syndicalisme). Dans les années 60, la Commune de Paris était encore "un objet chaud" qui divisait profondément les historiens. Comme en atteste ce débat diffusé pour la première fois sur les ondes de France Culture en juin 1965 et qui réunissait sept historiens, journalistes ou philosophes spécialistes du XIXe siècle. Textes d'Élémir Bourges, Jules Claretie, Lucien Descaves, Paul et Victor Margueritte, Jules Vallès et Émile Zola lus par Jean-Paul Moulinot, Robert Party et François Périer.
« La Commune, objet chaud, a longtemps divisé les historiens. Elle a eu sa légende noire, sitôt après l’événement : celle de la révolte sauvage des barbares et bandits. Elle a eu sa légende rouge : toutes les révolutions, les insurrections socialistes du XXe siècle se sont voulues filles de l’insurrection parisienne de 1871 ; et c’était à tout prendre, politiquement, leur droit. Historiquement, cette légende a pu se révéler redoutablement déformante. L’historiographie socialiste s’assignait pour tâche de démontrer "scientifiquement" que l’onde révolutionnaire qui parcourt le premier XXe siècle trouvait sa source vive dans une Commune dont elle se déclarait légitime héritière. On quêtait, par une analyse anachroniquement rétrospective, les preuves de cette filiation, oubliant le beau précepte que Lissagaray, communard, historien « immédiat » de l’événement avait placé en 1876 en exergue à son Histoire de la Commune. "Celui qui fait au peuple de fausses légendes révolutionnaires, celui qui l’amuse d’histoires chantantes est aussi criminel que le géographe qui dresserait des cartes menteuses pour les navigateurs." » Jacques Rougerie (in "La Commune, 1871", PUF, 1988)
Source : France Culture
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