AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 978B0BWFR1HHL
120 pages
Les Éditions Québec Amérique (28/02/2023)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Télesphore Mathesson, un ancien officier de police, reçoit par la poste des nouvelles insolites d’un vieil ami qui croupit en prison. En explorant le contenu d’un mystérieux coffret, il pourrait trouver comment lui venir en aide. Télesphore découvre alors des voyages exotiques, des lettres intimes, l’évolution du bec des pinsons et d’incroyables théories scientifiques. Jusqu’où cette quête le conduira-t-il? Au cœur du port de Montréal au 19e siècle, entre les théori... >Voir plus
Que lire après Le naufragé du Royal MansionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Incontournable Mars 2023


Un petit roman qui vous semblera être une enquête en huis clos, mais qui vous réserve une tournure digne de Shutter Island, de Dennis Lehane.

"Télesphore Mathesson, un ancien officier de police, reçoit par la poste des nouvelles insolites d'un vieil ami qui croupit en prison. En explorant le contenu d'un mystérieux coffret, il pourrait trouver comment lui venir en aide. Télesphore découvre alors des voyages exotiques, des lettres intimes, l'évolution du bec des pinsons et d'incroyables théories scientifiques. Jusqu'où cette quête le conduira-t-il? Au coeur du port de Montréal au 19e siècle, entre les théories de Darwin et les embêtements du quotidien, l'enquêteur explorera les limites de son imagination! "

L'imagination, c'est le mot clé. Cette paperasse hétéroclite auquel il tente de donner du sens, entre deux regards sur le port de Montréal en pleins hiver, le mène sur les traces d'un jeune homme, Tom, orphelin de père du riche propriétaire du Royal Mansion. Il cherche la vérité sur son géniteur réel, ce qui le pousse à quitter les jupes de sa mère à l'âge de 15 ans pour naviguer de part le monde en quête de son père. Après une première tentative infructueuse, il se retrouve sur les pas d'un certain Charles Darwin. Oui, le célèbre naturaliste et paléontologue britannique qui a travailler sur la théorie de l'évolution. Télésphore tente de mettre de l'ordre dans cette histoire afin de pouvoir prouver la légitime propriété du coffre et ainsi disculper son ami écossais. Pas toujours facile, cela dit, avec une épouse pas commode, un beau frère encombrant et la perte de son âne adoré, Maturin.

Mais dans ces éléments susmentionnés, quelque chose me turlupine légèrement. Daurine, son épouse, a quelque chose d'étrange, avec ses tisanes qu'elle tente toujours de lui faire boire, son côté froid et même pincé qui traduit une absence d'affection. Bon, peut-être est-ce un mariage malheureux, au Québec, ça n'a rien de très surprenant vu le contexte religieux ultra-sévère. Ce beau-frère médecin qu'il traite sans arrêt d'imbécile envahissant aussi est perturbant, mais bon, des médecins pas terribles, ça existe. Quand à Mathurin...et bien, c'est étonnant de vouer une telle affection au point de vivre un deuil difficile.


Attention, à partir d'ici, il y aura des divulgâches.


Cette histoire est sympathique, mais elle est en majeure partie fictive. Daurine est une infirmière qui en a sa claque de devoir gérer un patient qui vit dans son monde. le beau-frère imbécile est en réalité une psychiatre. Mathurin est un cochambreur malheureusement décédé. Quand à Télésphore, il s'appelle en réalité Louis-Étienne Lefrançois, il a 17 ans et il y a 7 ans, il a subit un traumatisme sévère en voyant son père mourir devant lui. Exactement comme ce petit garçon de dix ans dont on entends parlé au début du roman et qui a "croisé" la route de l'officier de police Télésphore Mathesson. En fait, non, puisque Télésphore est aussi Louis-Étienne. Aucun collègue écossais ne lui a sollicité son aide et les bouts de papiers n'ont pas de sens pour les autres personnages. Ils sont donc peut-être fabriqués ou interprété selon l'imaginaire du jeune homme.


Les trésors de constructions sophistiquées de l'esprit humain fascine depuis toujours, mais la psychiatrie et la psychologie sont des sciences relativement nouvelles à l'échelle de l'humanité. La notion de "folie" était auparavant très floue et se prêtait à tous les maux. On ne cherchait pas tant à comprendre leur état que d'empêcher ses "fous" de semer le trouble dans la société. Pire, on discréditait donc tout propos de la part de ses gens, comme si rien ne pouvait être prit au sérieux. Bref, à travers l'histoire de Louis-Étienne, ce que je vois, c'est un jeune homme qui , certes, vit dans un autre "monde", mais qui a un potentiel créatif incroyable. L'esprit humain est encore a bien des égards mystérieux, mais il semble assez reconnu que cet esprit est capable de se construire des trésors d'ingéniosité pour survivre à des évènements traumatiques. Il faut dire que dans le cas de Louis-Étienne, qui vit dans un asile depuis 7 ans avec des soeurs religieuses, l'élément de prise en charge est strictement limité à de la médication et un rappel constant qu'il fabule, sans creuser le trauma, sans réelle psychothérapie ni empathie. En somme, comment faire sortir ce jeune homme brillant de son oeuvre et de son avatar policier retraité si personne ne s'intéresse aux émotions refoulés ou mécanismes d'adaptation qu'il sous-tend? le roman de Shutter Island, roman policier-thriller adulte, avait des bases similaires, avec un personnage qui devait survivre à un drame extrêmement difficile.


J'aime bien cette histoire, menée comme un polar, mais ramené à sa réalité à la fin. La réalité qui n'est pas celle de Louis-Étienne et qui ne compte pas en sortir. À travers ses yeux, c'est un amalgame entre la quête d'un père, la science de l'évolution alors révolutionnaire et son besoin de nourrir son intellects. Je lis un jeune homme qui se meurt d'ennui dans un lieu mal conçu pour ses besoins, un enfant qui ne sait pas comment survivre à la perte de son père et peut-être même gérer ses émotions face au deuil qui l'a frappé de pleins fouet à un âge tendre. J'ai aimé que nous puissions voir déjà dans l'histoire de Louis-Étienne certains éléments étranges, qui prennent alors tout le sens à la fin du roman. Enfin, j'aime cette idée de la dimension "créatrice" de la santé mentale, qui nous font raconter des histoires fictives même à nous-même, quand la réalité est trop dure à gérer. Certaines personnes, sans même parler de désordre mental, font du déni et de la projection, deux mécanismes de défenses connus, et qui tendent à sortir de la réalité. Comme l'amoureux qui fabule un amour réciproque ou le narcissique qui se fabule une supériorité.

Aussi, cette construction d'un "avatar", une projection de soi ou une dimension personnifiée de soi, est aussi un élément fascinant du monde de la psychologie et psychiatrique. Pour certains théoriciens, il s'agirait d'une personnalité multiple, mais d'autres théories penchent pour une sorte de personnification d'une dimension de soi, comme une sorte de bouclier personnifié, appelé trouble dissociatif de l'identité. Dans le cas de Louis-Étienne, la soeur Gustav a proposé quelque chose d'intéressant: Un personnage qui serait le policier bienveillant qui aura été là pour recevoir son deuil et investiguer sur le décès de son père. Télésphore pourrait donc être la figure de support qu'aurait eu besoin le jeune garçon.

Le roman lui-même est intéressant à lire, ponctué ça et là de morceau de papier, rubriques, journaux, peintures, listes et autre médium papier, illustrés dans leur forme dans le roman. Certains passages sont rédigés en police manuscrite, puisque ce sont des lettres, comme à l'époque. C'est un bel ajout, surtout pour les lecteurs et lectrices visuels, qui apprécie d'avoir autre chose sous les yeux que des paragraphes.

Enfin, et c'est là une belle dimension, L Histoire. Nous sommes dans le port de Montréal dans la seconde moitié du 19e siècle. On y découvre donc les lieux de l'époque, les commodités et les inconvénients, les décors de ce Montréal industriel et commercial.

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre les mots "Histoire du Québec", il n'y a pas le langage "joual" qu'on lui associe. Les personnages s'expriment clairement dans un français international. le récit est narré au "je", nous sommes donc dans les souliers de Télésphore/Louis-Étienne.

Un bon petit roman passionnant et surprenant, dont le décor vintage nous offre autant du polar en huis clos qu'une ouverture sur les enjeux de santé mentale. Un roman dont le titre prend tout son sens une fois lu.

Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans, mais qui peut convenir aux 8-9 ans matures et habiles en lecture et qui cherchent des histoires avec une fin particulièrement surprenante.
Commenter  J’apprécie          80


Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (4) Voir plus



Quiz Voir plus

1 classique = 1 auteur (XIX° siècle)

La Chartreuse de Parme

Stendhal
Alfred de Vigny
Honoré de Balzac

21 questions
566 lecteurs ont répondu
Thèmes : classique , classique 19ème siècle , 19ème siècleCréer un quiz sur ce livre

{* *}