Dans sa collection Haute Enfance, Gallimard propose des récits autobiographiques sur l'enfance.
Ce sont des témoignages ou mémoires, parfois assemblés par des tiers, ce qui est le cas pour ce petit livre de
David Lescot.
Sur un projet de création théâtrale, il recueille la parole de
Paul Felenbok et de sa cousine
Wlodka Blit-Robertson qui ont vécu enfants l'enfer du ghetto de Varsovie, sont sortis de la guerre miraculeusement vivants mais en ayant beaucoup perdu.
Ses entretiens sont si émouvants et factuels, souvenirs faits de petites choses du quotidien, dépouillés de toute dramaturgie, qu'une idée de spectacle va s'imposer, dans une mise en scène minimaliste et intense.
Les récits croisés des deux survivants sont extrêmement touchants. Ils ressuscitent l'état d'esprit de deux enfants, dans la peur, dans la séparation, dans le déplacement de caches en caches et dans la reconstruction après guerre. Ils ont des trous de mémoires, des interrogations. Il est intéressant de constater qu'il faut une certaine distance aux conteurs pour analyser, décrypter les choix des adultes qui les entouraient. La mise en mots ouvre à la compréhension pour nous mais aussi pour eux même.
Les récits personnels sont appuyés par une vision précise du contexte géopolitique ou social. La Grande Histoire est en filigrane, avec l'engagement politique des parents, l'insurrection du ghetto, l'antisémitisme polonais, l'ambiguïté des russes.
Dans une longue introduction, l'auteur explique la genèse de ce projet, à la fois littéraire et théâtral. Il conclut par cette scène magnifique entre Paul et Antoine, l'acteur qui le représente:
Paul dit à Antoine:
"Tu as porté mon sac à dos."
Alors le soir de la dernière, Antoine est allé voir Paul, et lui a demandé: "Je te rends son sac à dos?"
Et Paul lui a répondu:
"Mais il est vide."