Sur un thème aussi fourni et disséqué, l'essai de
Marc Bonvalet ne serait probablement pas le plus évident pour grossir la bibliothèque consacrée à
John Fitzgerald Kennedy. L'auteur n'est ni un chercheur reconnu ni un historien émérite ni encore un reporter chevronné. Un simple passionné. Mais qui partage avec l'écrivain français
Marc Dugain une même névrose : l'assassinat de JFK. Pas au point de l'empêcher de vivre, mais de pirater une partie de son attention depuis l'âge de onze ans (en 1963). Plusieurs décennies à faire sa carrière tout en dévorant les rapports d'enquêtes officielles, ouvrages d'un bord ou d'un autre. Outre cette imposante bibliographie, il y ajoute une myriades d'articles, témoignages, photographies, bandes-sonores pour étancher sa soif de vérité. Tel
Robert Graysmith lancé à la poursuite du
Zodiac, Bonvalet cherche à craquer l'une des énigmes les plus ardues du XXème siècle.
JFK le dossier de l'assassinat, c'est un peu son exorcisme. Un premier livre franchement bluffant.
La grosse surprise, c'est le style. En dehors de son dernier chapitre justement titré "Un Synopsis", assumant sa dimension subjective, la démarche est éminemment scientifique. Alors que les bribes d'informations concernant son auteur pouvaient prêter le flanc à certains préjugés, ils sont rapidement évacués devant l'étude au microscope menée par une authentique encyclopédie vivante.
Marc Bonvalet n'élude pas, ne survole pas et n'affirme jamais gratuitement ; bref il n'écrit rien si aucun document, rapport ou signalement ne vient supporter ses dires. Sur le bon millier de références (!) qui parsèment les 370 pages, sachez que la plupart renvoient à plusieurs sources dont les thèses ne sont pas nécessairement les mêmes. Bonvalet peut tout autant exposer les éléments de la
Commission Warren, citer
Vincent Bugliosi,
Norman Mailer puis piocher chez
Mark Lane,
James W. Douglass et Sylvia Meagher,...Et là, c'est un abrégé, en effet vous trouverez près de 40 auteurs mentionnés. de surcroit, l'essayiste a le bon sens de ne pas sombrer dans le biais de confirmation, les raccourcis, la mauvaise foi ou carrément l'invective pour verrouiller sa rhétorique comme on peut le déplorer chez
François Carlier par exemple (lui-aussi nommé dans la bibliographie en fin de livre). Sur la forme,
JFK le dossier de l'assassinat a la précision et l'exhaustivité d'un texte universitaire, c'est sa grande force. Et sa petite limite aussi puisqu'un lecteur même connaisseur aura parfois l'impression de se faire des noeuds au cerveau devant la pléthore de noms et la kyrielles de détails passés au crible. Heureusement, Bonvalet a eu l'excellente idée de fournir un index détaillé en plus d'une littérature conséquente liée à au tragique évènement. Ce qui peut faciliter la tâche en cas de relecture et d'analyse approfondie.
Réservé à un petit marché et peu médiatisé, l'ouvrage mérite toute la considération pour sa rigueur et la grande qualité de sa thèse. Les vingt dernières pages présentent un récit alternatif tout à fait crédible et cohérent avec les preuves, indices et témoignages égrenés tout au long du livre. Un travail d'orfèvre dont le seul "pêché" aura été de rester continuellement à distance raisonnable afin de ne jamais mettre des oeillères à son lecteur. Sur le même sujet, la nouvelle édition de L'Assassinat de
John F. Kennedy, Histoire d'un mystère d'état par
Thierry Lentz est un chouïa plus facile d'accès. Il serait en revanche regrettable de ne pas y adjoindre
JFK le dossier de l'assassinat, car l'oeuvre de Bonvalet s'y greffe admirablement. L'ensemble donne une vision probante de ce fameux jour où
L Histoire bascule, entre ce qui fut dit, écrit, admit et finalement rapporté. "On ne saura jamais" entend-on ici et là. Avec le travail de chercheurs et de passionnés s'imposant une vraie éthique, on est tout de même très près de remiser cette formule au placard.