Quand le trait réduit à l'essentiel vise avant tout la puissance d'évocation. Il suffit à
Conrad Botes de quelques traits pour faire surgir un monde de cauchemars.
Cinq histoires saisissantes, réunies en un recueil.
La première histoire commence avec l'évasion d'un chien dans la campagne. Elle évoque trop Plague Dogs, le chef d'oeuvre d'animation de Martin Rosen pour que ce soit un hasard (ou alors je perds ma main).
La deuxième a rapport à une secte particulièrement lugubre.
La troisième se réapproprie le mythe de Caïn et Abel, et le distord sans égard aucun.
Les deux dernières, plus courtes, sont les itinéraires surréalistes et macabres de deux personnages figurés au plus simple, presque du keith Haring.
On ne peut parler de "désenchanté", c'est bien plus profond.
Chaque case imprime violemment la rétine, à la fois l'oeil veut glisser toujours plus loin, de jamais s'attarder, est presque soulagé de parvenir au bout.
Difficile de critiquer en mal les faiblesses narratives, il n'est pas question de structures d'ensemble mais d'enchaînements cauchemardesques, et à ce jeu l'auteur est virtuose.
Des mythes sabrés avec légèreté, du pseudo-religieux peinturluré de grivoiserie crasse et de meurtres abjects.
Le lieu de son univers est une zone de non-droit absolu, où priment (et l'emportent) les pires cruautés.
Beaucoup d'humour (notamment la 3e histoire) mais comme le reste, très noir.
C'est un peu brouillon, improvisé, ce n'en est que plus efficace.
Avec Blutch,
Charles Burns, Weinshluss, quelques autres, il mérite qu'on le tienne parmi les grandes signatures actuelles de la BD underground.