Ce roman m'a emballée par les faits historiques qui sont relatés et qui enrichissent la fiction; j'aime apprendre, me cultiver à travers l'imaginaire, mais qui s'appuie sur la réalité; ce fut déjà le cas, entre autres, avec "
L'indolente" de
Françoise Cloarec sur la femme du peintre Pierre Bonnard, "
Ces rêves qu'on piétine" de
Sébastien Spitzer sur Magda Goebbels et "
Les victorieuses" de
Laetitia Colombani sur Blanche Peyron qui a fait construire le Palais de la femme à Paris pour accueillir les femmes meurtries par la vie.
Ici, nous suivons le destin lié de deux femmes à cent ans d'écart et à travers elle la société française des années 1910, le statut des femmes de cette époque et Brancusi, sculpteur roumain, auteur de la sculpture qui donne son titre au roman.
Tatiana est une jeune émigrée russe que sa mère envoie en France, chez sa tante, pour la protéger de la police tsariste à cause de ses idées jugées subversives; elle va s'émanciper grâce à ses études de médecine, sa meilleure amie Marthe et surtout sa rencontre avec Brancusi qui la prend comme modèle puis comme amante. Cent ans plus tard, Camille, qui a une vie monotone, réglée comme du papier à musique, qui vit seule et qui travaille comme avocate sans avenir et sans enthousiasme dans un cabinet qui l'exploite, est contactée par le directeur des cimetière de Paris car un marchand d'art s'apprête à desceller et emmener la célèbre sculpture du Baiser qui se trouve sur la tombe de Tatiana.
Camille décide de tout faire pour que cette statue reste à l'endroit où elle est afin que la jeune fille ne retombe pas dans l'oubli car elle sent que cette femme a été blessée au tréfonds d'elle-même pour s'être suicidée si jeune.
On voit Camille se transformer et changer sa vie au fur et à mesure du combat qu'elle mène. Elle devient progressivement celle qu'elle cachait depuis longtemps et la défense du Baiser lui fait prendre conscience qu'elle doit défendre des causes qui font sens à l'avenir.
A côté de l'aspect romanesque, ce livre est passionnant à plus d'un titre. Tout d'abord par la description de la France de 1910 qui accueille des exilés de partout ce qui rend la vie parisienne foisonnante et bouillonnante intellectuellement et culturellement, par la peinture du statut des femmes qui n'avaient d'autre choix que l'asservissement du mariage et la procréation ou le déshonneur; mais déjà, certaines se lèvent et se battent; on découvre, en particulier,
Voltairine de Cleyre, anarchiste et féministe américaine.
L'autre volet passionnant est la rencontre avec Brancusi, que je ne connaissais que de nom et de son art; ma curiosité a été piquée et je suis allée voir plus loin en faisant quelques recherches sur Internet; j'ai pu voir des photos du "Baiser" et mieux m'imprégner de l'atmosphère du roman.
Enfin, ce livre donne à réfléchir sur l'art, son rôle, le statut des oeuvres d'art, le droit de propriété, la part de responsabilité de l'état.
Bref, une lecture enrichissante, agréable, qui ouvre des horizons à la curiosité intellectuelle.