La Fête des ombres - Intégrale

Ayant adoré l'incursion que proposait l'Atelier Sentô dans Tokyo Mystery Cafe, je ne pouvais pas en rester là, il me fallait tester leur aventure plus nature et campagne : La fête des ombres. Oeuvre plus jeune, la réussite est cependant également au rendez-vous.

Olivier Pichard et Cécile Brun ont su saisir un peu ce que des lecteurs amateurs comme moi du Japon attendaient de récit se déroulant dans sa campagne avec ses superstitions et légendes. C'est charmant, un brin traditionnel, plutôt fantastique et totalement dépaysant. Avec leur trait très marqué par la culture manga dont ils accentuent même les grands yeux en les faisant en amande dévorant le visage triangulaire de leurs personnages, ils parlent aux amateurs du genre, tout en ayant un style reconnaissable entre mille. Les colorisations sont également pleine de charme et loin de celles aseptisées faisant trop « numériques » à mon goût ^^! Bref, c'est un style qui me parle.

Pas d'enquête mystérieuse dans Tokyo cette fois, mais la rencontre avec une sorte de jeune prêtresse qui aide les âmes perdues, Naoko, qui vit dans une campagne typiquement japonaise entre champs et montagne. Avec elle, au fil des saisons, nous allons découvrir et suivre une âme mystérieuse pour qui elle s'est prise d'affection, mais qui cache un terrible secret. le décor change mais les ressorts sont un peu les mêmes pour les auteurs, nous présenter une facette du Japon qu'ils connaissent à travers un mystère à résoudre, un mystère qui touche une personne dont le héros s'est entiché.

J'ai aimé la plongée dans ce Japon de la campagne, surtout que nous sommes dans un drôle de village où il est de tradition d'aider les Ombres, des âmes errantes qui ont tout perdu jusqu'au souvenir de leur vie passée. C'est su et connu de tous, mais notre héroïne, Naoko, est l'une des dernières à avoir ce pouvoir et n'est donc entourée que de vieux, ce qui lui pèse un peu, sorte de métaphore de la désertification des campagnes 😉

J'ai également aimé suivre l'héroïne à travers les saisons, découvrant son attachement progressif à l'âme qu'elle a prise sous son aile, qui au début n'est réellement qu'une ombre et qui devient peu à peu une personne à part entière avec qui elle interagit. Il se passe quelque chose entre ces deux solitudes qui se trouvent et nouent. C'est touchant et joliment mis en exergue par le passage des saisons et le changement des paysages et activités propres à la vie de la nature à la campagne. On se prend nous aussi d'affection, non pour cette ombre qui nous reste lointaine, mais pour Naoko qui est si seule qu'elle ne trouve réellement soutien et affection qu'en lui, malgré les gens qu'elle connaît depuis toujours.

Cependant le récit, narrativement parlant, est assez maladroit, raconté à coup de chapitres extrêmement courts, excédent rarement les 5-6 pages, qui sont autant d'épisodes de leur vie de tous les jours, mais qui ne se suivent pas forcément et nous coupent régulièrement dans notre élan. L'écriture des personnages est également assez simple et réduite. le mystère est posé de manière un peu poussive et sa résolution est pleine de trous dans la raquette. Il y a un problème de rythme sur la longueur et le récit est maladroitement posé. Ça se sent à la lecture qui a des creux et des vagues et des moments où on s'ennuie un peu. Les dessins également ne sont pas encore aussi aboutis que dans leur dernière oeuvre même s'ils ont un charme certain. le récit vaut ainsi surtout pour son sujet et son ambiance qui nous font pardonner tous ces défauts formels.

Troisième récit commun des membres de l'Atelier Sentô après Onibi et Rêves de Japon, La Fêtes des Ombres est un touchant récit introspectif mettant en relation deux solitudes sous le prisme d'une campagne en voie de désertification et d'un deuil malheureux et tragique. Les auteurs continuent de me charmer par leur interprétation du Japon tel que des occidentaux le voient. J'ai aimé la douceur âpre du fantastique de l'histoire qu'on suit au fil des saisons, ce qui me fait pardonner les défauts d'une oeuvre que je trouve encore un peu jeune dans sa narration trop brève, trop saccadée et souvent maladroite.
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