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EAN : 9782073035653
Gallimard (01/02/2024)
4/5   7 notes
Résumé :
Quatre ou cinq vies ne suffiront peut-être pas pour sortir de l’enfer. Dans cette banlieue de K. surnommée « le Quartier », à l’ombre des gangs mafieux et des vestiges d’une usine pétrochimique, Illya Grisov et ses frères se débattent sans doute en vain.
Trois vieilles babouchkas les couvent pourtant depuis des années du fond de leur mercerie, alors qu’elles savent tout et plus encore — ou bien est-ce seulement pour jouer avec eux.
Deux flics vont chan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Étrange, hypnotique, porté par une plume incantatoire, entre vers et prose, ce roman repose sur des visions, des souvenirs qui se matérialisent et prennent soudain corps au détour d'une phrase, au détour d'un regard. Dans une Russie cendreuse et dévastée représentée par un quartier délabré et déserté qui rappelle les fantômes de l'URSS, les frères inventés par Yann Brunel se battent pour les leurs face aux investigations policières et aux spectres du passé (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2024/01/31/quatre-ou-cinq-vies-dillya-grisov-yann-brunel/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Quatre ou cinq vies d'Illya Grisov - Yann Brunel

J'avais adoré Homéomorphe, je suis littéralement tombée sous le charme de ce deuxième roman !
Yann Brunel a décidément un don tout personnel à nous surprendre, nous émerveiller avec son écriture à la fois exigeante, sombre, un brin mythique et diablement poétique.

On retrouve le décor apocalyptique d'Homéomorphe, son premier roman. Le Quartier, ses rues défoncées, jonchées de voitures délabrées, brulées, ses immeubles en ruine, ses blocs 1400 et 1500 et ses rares habitants, les irréductibles, qui vivent au milieu de la poussière noire laissée par l'incendie d'une usine pétrochimique plus de vingt ans auparavant. C'est d'ailleurs par des extraits du rapport Praviv-Kibenov sur les origines de cette catastrophe que s'ouvre chaque chapitre.

C'est la mort violente d'un liquidateur (ceux chargés d'intervenir pour tenter de contenir l'incendie de l'usine) qui amène dans le quartier deux flics : le capitaine Teliakov, un ex du KGB, et Mikhaïl, une recrue nouvellement parachutée. Lev Grisov est décédé. Il laisse trois fils : Evgueni et Alexeï qui ont déjà un lourd passé judiciaire et le petit dernier Illya, à l'âme encore innocente qui vient de passer quelques années dans un hôpital psychiatrique.
Peu importe qui a tué Lev (quoique), Yann Brunel nous entraine avec maestria dans un tourbillon de noirceur où chacun, comme il peut, tente d'oublier cet univers où « quand ils clignaient des yeux, autour d'eux, ce n'était que déchéance, que rouille, que ce gris orangé qui gagnait la vallée tout entière ». Au milieu de ce monde de poussière surgit un chêne vert. Hallucination due aux drogues, aux effets de ces pierres noires qui semblent apaiser ceux qui les effleurent, illusion de ces pétales écarlates qui tel le sang se répand dans les esprits, les corps, les coeurs ? Je vous laisse le découvrir par vous-même en lisant ces pages d'une beauté absolue.

Sous cette plume d'une poésie incroyable, les heures s'étirent, la poussière se disperse au milieu du chaos, et l'auteur invite trois soeurs, mi sorcières mi anges-gardiens qui veillent sur ces âmes meurtries et malmenées par la vie. Ce deuxième roman, qui a tout d'une grande tragédie, est d'une beauté absolue !

Un vrai coup de coeur
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Magistral, sublime, époustouflant ! Aux adjectifs que j'employais pour son premier roman, j'ajoute: envoûtant, intense, puissant !
Quelle maîtrise rare encore une fois, quelle plume unique, quelle poésie remarquable !
#yannbrunel nous ramène dans Le Quartier et son univers mais cette fois-ci en 2019. Le Quartier est une cité de la banlieue de K. quelque part dans la Russie (ou l'Ukraine) post-soviétique, régie par ses propres lois, constituée d'immeubles en ruine, de friches alentours, et dévastée par l'explosion vingt ans plus tôt de l'Usine pétrochimique, comme Tchernobyl dix ans auparavant.
« Quatre ou cinq vies d'Illya Grisov » se déroule sur une seule journée, une journée de juillet caniculaire, avec des allers-retours dans le passé, rythmé, en exergue des chapitres, par les extraits du rapport sur l'incendie de 1996.
« Un coup de fusil déchire l'aube ».
Une détonation retentit dans Le Quartier, depuis un atelier du bloc 1404. C'est le point de départ du roman. Lev Grisov, un homme, un mari, un père, est mort. Meurtre ou suicide ? Mikhaïl, un jeune policier qui vient tout juste d'être nommé, le capitaine Téliakov (qui s'interroge sur cette affection soudaine) et ses hommes, vont investir les lieux pour mener l'enquête.
Pourquoi ce jeune policier insaisissable est-il soudain affecté dans Le Quartier ?
Quelles sont les raisons de sa présence et quelles sont les réelles motivations du capitaine pour déployer un si grand nombre d'hommes sur cette affaire simple en apparence alors qu'une rafle au camp des roms nécessite leur présence un peu plus tard ce jour-là ?
Je ne vous en dis pas plus, le superbe titre résume à merveille le roman mais il vous faudra évidemment attendre les dernières pages pour le comprendre.
Ce roman est à la fois une enquête policière, l'histoire d'une famille, d'une fratrie, et bien plus encore. Avec ses nombreuses références à la mythologie, il relève assurément du mythe et de la tragédie (on pense aux tragédies antiques ou shakespeariennes). le passé nous est révélé grâce aux visions de Mikhaïl sous l'emprise d'une drogue de chamane ou du breuvage de l'une des trois soeurs sorcières, vieilles babouchkas qui, du fond de leur mercerie, telles des Parques ou les trois sorcières de MacBeth, veillent.

Encore une fois la prose et la poésie envoûtantes de Yann Brunel vous attrape dès les premières lignes pour ne plus vous lâcher.
Un roman brillant à l'ambiance magnétique qui reprend les thèmes d' « Homéomorphe » (la famille, le sacrifice, les malédictions individuelles et collectives, l'amour), qui est avant tout un immense plaisir de lecture et qui m'a profondément touchée. Même constat que pour son premier roman : de la grande littérature.
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Je peux comprendre qu'on aime ce genre de littérature. Nous avons ici avec plus d'insistance que dans le premier roman, un thriller violent et impulsif, décrit avec une langue très soignée, lyrique à l'envie et recherchée.
Alors qu'est ce qui cloche? L'envie de trop bien faire, de n'utiliser dans sa palette qu'une seule couleur, celle du crime, l'associer aux moindres détails, les murs, les muscles, les les visages, les animaux. Tout y passe. Et le résultat? Quelque chose d'opaque qui ne se laisse pas voir complétement, qui ne se laisse pas contempler. C'est voulu, me direz vous. Mais de trop user un ingrédient même avec talent (car le talent est bien là, réel) on perd le goût, on perd la saveur des choses. J'avais eu la même impression, même si ça n'a rien à voir dans "attaquer la terre et le soleil". Un déferlement de haine. Qu'on me comprenne, je ne milite pas pour une littérature sans violence. L'esthétique de la violence est réelle et a été magnifiée par bien des auteurs (notamment américains) mais je milite pour de la musicalité, du phrasé dans son usage. Ce n'est que mon avis et il vaut ce qu'il vaut.
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Le nouveau roman de Yann Brunel se déroule en Europe de l'Est dans une zone de non droit, dévastée il y a plusieurs années par l'explosion d'une usine pétrochimique.
Dans le Quartier, l'atmosphère est délétère, il semblerait que les rayons du soleil n'arrivent pas à percer le ciel sombre pour apporter leur touche de lumière mais leur chaleur rend l'air moite, la sueur coule sur les fronts.
Le bitume absorbe cette chaleur, ajoutant sa puissance suffocante à l'enquête que Mikhaïl et le capitaine Téliakov vont mener.
 
Cette enquête a pour point de départ la mort de Lev Grisov, père de 3 fils nommés Alexeï, Evgueni et Illya. On pourrait dire que leur génétique impose que de la lave coule dans leur veine et non du sang. Leur famille est dysfonctionnelle, clairement ils en sont la définition même. Leurs âmes peinent à se connecter, elles s'égarent dans Le Quartier, font régner la terreur. Mais pourquoi ? Depuis leur mercerie, trois babouchkas observent tout ce qu'il se passe dans Le Quartier, dans les barres. Comme les gardiennes d'un temps normal, ancré dans la réalité d'un univers saccagé par la chimie.
 
Ouvrir les pages de ce livre c'est s'insérer dans une faille temporelle où les âmes s'entrechoquent, parfois mortellement, où le vente souffle aux oreilles. Yann Brunel a modelé la violence autour d'une fratrie complexe et explore grâce à elle le sujet de la transmission familiale, de la fatalité du sang, de la lave. Dans ce noir absolu, il y a cette fleur rouge qui bat, qui tente de s'ouvrir, de projeter son amour.
 
Le climat apocalyptique est particulièrement envoutant, Yann Brunel dissémine quelques indices au fil des pages et nous fait nettement comprendre que Téliakov et Mikhaïl ne sont pas positionnés sur cette enquête pour rien. La tension est extrême, chaque mouvement est cristallisé par les mots de l'auteur. Roman au sommet de l'inqualifiable, lecture hors norme. La construction de #quatreoucinqviesdillyagrisov est unique et rend cette lecture inoubliable. Absolument tout aimé dans ce livre 🖤
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Par touches infimes, la décharge toute entière se mêle au
coutil sombre qui l’enveloppe lentement; et toutes ces vies
délabrées, et tous ces rêves avortés disparaissent peu à peu
pour se fondre dans leur mère la nuit;
fil après fil, ils s’abandonnent, ils se perdent;
tant nos vies ne sont que des fils fragiles qui se mêlent
l’un après l’autre au tissu de la nuit;
tant quels que soient nos efforts, au bout du jour,
la nuit est toujours la même,
tissée de fils de nuit tous semblablement gris.
Et quand enfin son étoffe d’ombre est posée sur le
monde, la nuit voit tout. (…)
Et quelque part dans ce monde en lambeaux, perdu dans
un val de débris poussiéreux, elle devine ce que personne
ne distingue plus à présent,
un corps qui gît.
Un homme. 
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Et Lev Grisov a eu beau lui hurler tout ce qu’il
a dans le ventre, les yeux de Téliakov se mettent
peu à peu à briller - il la voit.
Elle n’est ni desséchée ni usée. Elle est là, parfaite,
intacte, dans ces yeux noirs qui l’ont fixé à l’instant.
Elle a survécu à l’incendie, à toutes ces années
d’oubli et de massacre, elle a survécu à hier et à ce
matin - elle a traversé le désert, elle a traversé ce
jour fou et elle brille encore ;
pierre noire indestructible,
mauvaise herbe minuscule qui tente sa chance au
pied d’un mur défraîchi,
la vie.
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L’enfant ne se donne même pas la peine de répondre.
Une seconde, il balaie Mikhaïl du regard, un mépris
pur, absolu, battant à la surface de ses yeux. Et
dans ses pupilles de nuit, au fond de cette ombre
qui ne voit jamais le jour, soudain,
des étendards déchiquetés,
des lambeaux de choses sans nom,
des poèmes de haine,
tout un monde d’obscurité surgit et se dérobe, sans
que Mikhaïl puisse le retenir.
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Comme un souffle dans ses cheveux, le vent aux doigts
arthrites lui murmurait que s’accrocher à Lev finirait
par avoir raison d’elle. Qu’elle ne tiendrait plus longtemps
si elle continuait. L’homme n’est qu’un ruisseau de
souffrances vaines, ajoutait le vent,
un goutte-à-goutte dans la nuit immense - la femme
n’est que son image dans l’onde noire.
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(…) il devine une adolescence de haine et de souffrance,
où chaque inspiration, où chaque expiration se fond à
la rancoeur, à la colère. Il devine des heures à fixer son
père pour trouver la cause de ce mépris terrible, sans
fond, à son endroit, pour découvrir la source de cette
haine liquide qui infestait tout, qui semblait la matière
même du jour. 
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Video de Yann Brunel (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yann Brunel
Amandine Coll de la Librairie de Paris vous présente son coup de coeur de janvier : “Homéomorphe”, le premier roman de Yann Brunel !
« Dans ce huis clos cérébral tout va se jouer pour les hommes comme sur les cases d'un échiquier : chacun avance ses pions, joue ses coups et l'on retient son souffle jusqu'à la dernière ligne. Un premier roman à l'ambiance crépusculaire étourdissant de maîtrise. »
*** Le Quartier est une ancienne zone de relégation soviétique, un territoire abandonné aux gangs et à la drogue. En décembre 1995, au coeur des barres d'immeubles délabrés, un accident de voiture inexpliqué brise la famille P. : Vladimir et son fils Dmitri, un adolescent aux dons extraordinaires, sont les seuls survivants.Pendant vingt-cinq ans, alors qu'il est devenu le plus grand mathématicien de son temps, Dmitri P. refuse toutes les distinctions internationales et mène une existence de clochard. Assommé par la vodka, il est protégé par le Marquis, l'un des chefs les plus puissants du Quartier.Jusqu'au jour où Dmitri, parmi les ombres, trouve une première preuve de l'équation qui le hante. Il décide alors d'affronter, enfin, son père.
*** En savoir plus : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Homeomorphe
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