Il y a des auteurs qui nous touchent dès la première oeuvre et avec qui ça se confirme à chaque lecture. C'est le cas avec
David Bry pour moi. Sa façon de capturer les ambiances fantastiques, de faire surgir les contes et la nostalgie, entre totalement en résonance avec moi et chaque lecture est un superbe moment.
Découvert avec La Princesse au voyage de nuit, il m'avait déjà fait forte impression avec ce texte à l'ambiance doucement angoissante. Ce fut à nouveau le cas dans
Que passe l'Hiver et son mélange de thriller, nature writing et récit mythologique nordique. Exploit renouvelé dans
le Chant des géants avec ses allures de conte celtique qui m'a rappelé le travail de
Camille Leboulanger sur
le chien du forgeron mais avec moins d'âpreté et plus de poésie.
Je suis très sensible aux ambiances et à la plume des auteurs. Ici, j'ai été embarqué dans l'univers imaginé par l'auteur dès le résumé et la couverture de ce bel objet relié édité par L'homme sans nom où telle une tapisserie ancienne, elle nous conte l'aventure que nous allons vivre. Tout est en symbiose et le lecteur est directement invité à laisser son présent pour plonger dans ce monde de contes et de légendes. La plume de
David Bry nous y conduit avec douceur et poésie, rappelant bien des classiques de la littérature courtoise et des romans de chevalerie mais avec une teinte poétique et celtique qui emporte ou plutôt m'emporte totalement.
En soi, l'histoire n'a rien de révolutionnaire. Si vous avez déjà lu Tristan et Yseult, les romans des Chevaliers de la Table de ronde de Chrétien de Troyes où toute adaptation moderne de récit dans ces univers, vous ne serez pas surprise par ce récit de deux frères convoitant le même trône et la même femme, emportés par des légendes de géants rêvant l'avenir de leur peuple, et déchirant par là même ceux-ci à travers une guerre de pouvoir intestine. Pourtant, avec
David Bry, il y a le petit truc en plus.
Grâce à sa narration qui joue avec les lignes temporelles, nous faisant faire des sauts de cabris à plusieurs reprise. Grâce à ces en-tête de chapitre et cet objet qui rappelle sans cesse le vieux livre de contes, j'ai été totalement dépaysée et j'ai eu l'impression de me retrouver au coin du feu face à vieux conteur me racontant le drame de cet ancien royaume et des deux frères qui ont tout fait basculer. J'ai d'emblée été charmée par l'opposition de ceux-ci avec le cadet doué et l'aîné jaloux. J'ai de suite vu le drame qui allait se jouer quand le premier déclenche une guerre quand il se dit attaqué par le pays voisin lors d'une visite qui tourne mal, mais aussi lorsque le cadet pose les yeux sur la fille de ce seigneur voisin. Tout est là, tout est dit, ne reste plus que le drame à se jouer.
Dans une ambiance un peu à la
Shakespeare, j'ai vu se dérouler les écheveaux classiques de cette toile vouant leur pays à la guerre. J'ai adoré la façon dont les drames intimes de ces princes se mêlent à la politique de leur royaume et aux légendes qui font battre le coeur de leurs habitants. La magie se mêle insidieusement à ce conflit à travers des prophéties détournées pour mieux s'emparer du pouvoir. La transmission orale vient en appuis d'une campagne de propagande judicieusement employée. Les querelles avec les pays voisins sont utilisées pour mieux asseoir la soif de pouvoir de celui qui a vu son âme pervertie par des proches peut-être trop ambitieux et on ne peut qu'assister tristement à ce désastre en puissance.
On retrouve chez l'auteur son intérêt pour le rôle des femmes dans les conflits et j'ai aimé la finesse avec laquelle il les a utilisées. de la reine mère, passive - active qui tente de réconcilier les deux frères, apaiser leurs haines, mais le tout en vain et qui se retrouve prise entre deux feux. de la princesse, qui vit avant tout pour son peuple et accepte de se mettre de côté pour lui, quitte à être une épouse-otage. Mais c'est encore plus la femme guerrière qui brise les interdits, qui ose tout défier par amour, mais qui n'oublie pas qu'on peut être femme et guerrière, mère et guerrière, c'est cette femme qui m'a émue et pour laquelle j'ai eu un coup de coeur.
Certes le tome est un peu court. Il se lit vite. On aurait peut-être aimé un décor plus riche encore vu ses possibilités, ou des personnages masculins encore plus développés, notamment le roi qui finit fou, dont la peinture reste quand même un peu en retrait. Mais pour être honnête, ce sont des détails qui ne m'ont nullement gênés personnellement car le rythme choisit par l'auteur collait bien au récit développé, l'ambiance et les zones d'ombre collait bien au type d'histoire qu'on souhait nous conter. Tel le troubadour qui va de château en château raconter les hauts et tragiques drames et faits d'armes d'autrefois, ce conte a des zones d'ombres nécessaires. Y aurait-il eu plus de développement, je crains qu'on aurait perdu en charme et vivacité.
Le chant des géants a donc frôlé le coup de coeur pour moi. J'ai été totalement séduite et ravagée par le drame qui s'est joué entre ses deux frères autour non pas d'une femme comme je le vois souvent écrit, mais plutôt autour de ce pouvoir qui a rongé l'un et de cette jalousie qui l'a rendu fou, sous le regard d'un cadet désarmé à aider son aîné à sortir de cette spirale. Une dualité fraternelle bouleversante et tragique contée de main de maître ici avec un décor à l'ancienne qui m'a fait plonger dans une très belle ambiance celtique comme j'en souhaitais. Bravo M Bry, j'attends avec impatience votre prochain texte !
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