Comme dans "
911", Shannon Burke nous immerge avec "Manhattan
Grand-Angle" dans la brutalité sordide du quotidien de son narrateur.
1990.
Franck, vingt-trois ans, est ambulancier urgentiste à New York. Et comme le héros de "
911", il paraît décalé dans ce milieu d'hommes rustres et parfois violents, qui parcourent les rues de Manhattan où le crack et la pauvreté font des ravages. Il est pourtant de ceux qui participent aux larcins -vols de médicaments ou de matériel médical- que commettent, de manière très organisée, certains membres de l'équipe, et sait détourner les yeux quand son coéquipier a la main trop leste envers quelque sans-abri alcoolique. Tout cela dans la parfaite immunité que leur vaut des accointances avec une police de terrain qui partage avec eux de se prendre chaque jour, de pleine face, le même bourbier.
Mais Franck est difficile à cerner, et il effraie un peu, avec sa manie de se foutre de tout, de n'avoir peur et n'être dégoûté de rien... Et puis il a cette marotte bizarre, cette attirance morbide pour les manifestations les plus repoussantes de la mort ou de la maladie, qui l'incite à photographier les corps pourrissants, les blessures purulentes, les chairs meurtries, comme poussé par une fascination pour tout ce qui corrompt le plus ignoblement la vie, la beauté, la dignité. Est-il malade, malheureux ou indifférent ? Et qu'est-ce qui a fait dévier le parcours de cet étudiant doué, sans doute promis, à l'instar de son chirurgien de frère avec lequel les relations semblent très tendues, à un brillant avenir ?
Sa rencontre avec Emily, jeune sidéenne passionnée d'escrime, va peu à peu fendiller la carapace, et en révélant les démons à l'origine de cette téméraire et effrayante désinvolture, lui donner le courage de recouvrer sa capacité à l'empathie.
Succession de brefs épisodes déroulés avec une efficacité neutre et précise, "Manhattan
Grand-Angle" est un récit saisissant, comme écrit "sur le vif", où la mort et la misère s'enchevêtrent naturellement à une puissante énergie vitale, où il n'y a ni héros, ni ordures, juste des hommes, inévitablement faillibles.
A lire.
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