En Cage avec Duchamp
Je dois à Anthony (@serialLecteurNyctalope) la découverte des éditions Allia, dont l'originalité et l'éclectisme de la ligne éditoriale me fournissent depuis de nombreuses découvertes de textes insoupçonnés, sources d'autant de plaisirs de lecture et de variations de mes horizons littéraires.
Ainsi de
Rire et se taire de
John Cage, traduit par
Jérôme Orsoni, petit bijou revenant sur les mémoires du musicien expérimental de ses rencontres avec l'immense
Marcel Duchamp – un Rouennais, faut-il le préciser… – à New-Yok ou Cadaquès.
Pas de trame, pas d'histoire, pas de thèse, juste une interview témoignage sur ce qui rapprocha les deux hommes : l'expérimentation de la musique aléatoire ; les échecs comme art absolu et respectable ;
Dali et le respect que lui vouait Duchamp ; Teeny l'épouse de l'ombre.
Et puis des fulgurances, résurgences mémorielles posées là au détour d'une question. Sur les oppositions et les liens entre Étant donné et le Grand Verre, faisant passer l'oeuvre du maître de la transparence à la découverte de ce qui est caché et les liant de ce fait dans l'évolution maîtrisée d'une pensée.
Sur les deux ateliers new-yorkais de l'artiste : l'officiel, vitrine visitable mais figée pour la galerie, et l'officieux, secret et productif. Sur le passage assumé de Duchamp de la philanthropie au monde du commerce de l'art ne jurant plus que par ses ready-made.
Sur cette affirmation « qu'une oeuvre d'art est complétée par les gens » après qu'elle a été achevée, rendant le spectateur partenaire de l'artiste et plus seulement contempteur, poussant Duchamp à prescrire et rédiger la façon dont ses oeuvres devraient être regardées à l'avenir.
Un témoignage instructif qui en complète bien d'autres sur la recherche permanente et torturée d'un artiste qui ne voulait rien tant que « d'aller underground ».