« Il y avait, au bord de la rivière, la statue d'une déesse... »
Écoutez le chant grave, oraison et litanie. Laissez venir à vous les larmes. Les configurations intrinsèques d'une écriture théologale, immanente. L'heure du génie, d'une littérature qui a tout compris.
« La rivière draguée », l'émotion souveraine. La maîtrise hors pair d'un texte qui dépasse tout entendement. La rivière pourvoit à la polyphonie. Taipei en 1985 le 21 juin jour du solstice d'été, une enfant rejetée de la rivière, ballot blanc et anonyme.
Arno Calleja est le passeur d'un drame, celui de l'A10, la fillette retrouvée morte, l'inconnue du cosmopolite, des regards d'une mère, corps replié à flanc d'asphalte.
La trame soulève les cris et métamorphose le macabre, l'impossible en fable métaphysique.
D'aucuns vont dire. Tous, jusqu' à la rivière auront raison de la dernière syllabe. de ce qui fut réellement , l'essentialisme des paroles réinventées.
Les statues : « Personne n'avait vu ça dans toute la ville, dans tout le pays, à aucune époque, personne n'avait jamais vu ça. »
Une jeune femme prend le flambeau. Elle cherche le nid près de la rivière pour accoucher. L'enfant de Taipei, tout est trouble, symbolique, conjugaison des invisibilités.
« Elle est toute petite sinon le corps ne rentrerait pas dans de si petits sacs... »
« Il était là.
Le promeneur l'a vu.
C'est moi. »
N'ayez pas peur. La passation est une corde à noeuds. Chacun est assigné aux survivances, à la pureté de l'enfant, morte et si là, si près de notre chair . On frissonne sous la majestueuse ligne à suivre. Comprendre d'où viennent les voix et s'arrêter.
L'enquêteur : « Ça fait 30 ans qu'on cherche son nom. 33 ans. Mais elle n'a toujours pas de nom. Elle aurait dans les 38 ans aujourd'hui. Mais elle n'a toujours pas de nom. »
La rivière se métamorphose. Acclame ses fables, résurgence et transmutation. Un paquet dans son ventre tel « Jonas et la baleine ».
« Moi, immense, ce paquet, je n'ai pu l'enfanter. le rendre. Et lui il l'a fait. Il s'est fait naître, sur la berge. Et on l'a vu. Et on l'a pris. Sont restés au fond : l'horreur du crime, le miracle de la remontée et le nom. »
« La rivière draguée » est une apothéose littéraire. La renaissance d'une enfant dans un monde parabolique lorsque l'écorce cède et pourvoit. C'est un choc de lecture. Un chef-d'oeuvre incontournable. Publié par les majeures Éditions Vanloo.
Lisez ce texte magistral à voix haute vous verrez comme tout change.