Jacques Cardinal, professeur honoraire à l'Université de Montréal et auteur de plusieurs études sur les grands romans de la littérature classique québécoise ainsi que franco et anglo-canadienne, analyse en profondeur le roman classique «
Two Solitudes » de l'écrivain canadien
Hugh MacLennan. Ce roman écrit en 1945 est une oeuvre majeure de la littérature canadienne-anglaise qui a fait couler beaucoup d'encre depuis sa parution. Best-seller au Canada tout comme aux États-Unis, il a été traduit en plusieurs langues, puis été sujet d'étude à maintes reprises et encore aujourd'hui. À travers des histoires familiales et des personnages bien campés dans leur culture et leur mode de vie, la lutte identitaire de ces deux nations est démontrée jusque dans le quotidien intime de ces «
deux solitudes » : terme utilisé par
Hugh MacLennan pour désigner les cultures française et anglaise fort distinctes, mais ayant la volonté de part et d'autre, selon son auteur, de faire du Canada un pays uni.
Si le titre de l'essai de
Jacques Cardinal évoque le thème de la réconciliation dans «
Two Solitudes », c'est qu'il précise que le roman, tout en annonçant l'avènement d'une volonté de réconciliation nationale entre les deux peuples fondateurs —entités française et anglaise— accorde davantage de valeur à la culture protestante et anglo-saxonne au détriment de la culture francophone catholique (principalement québécoise). Il en fait le constat par une analyse rigoureuse notant du même coup qu'avant la Révolution sociétale québécoise des années 60—la Révolution tranquille— existait un fossé encore plus vaste entre les francophones et les anglophones dont les stéréotypes, les présupposés et les préjugés de l'époque sont abondamment illustrés dans le roman. Ainsi, tous les thèmes du roman y sont analysés avec rigueur: impérialisme, antinationalisme, nationalisme, métissage, langue, culture, religion, politique, et quête identitaire pour prendre sa place ou la maintenir en tant que peuples fondateurs de ce grand pays. Par son analyse critique, il se porte à la défense du fait français au Canada et principalement au Québec, là où vit environ 80% de la population francophone.
L'essai est passionnant pour tous ceux qui s'intéressent à l'évolution de l'identité canadienne. Les notes abondantes, presque le tiers du livre, et la bibliographie complémentaire offrent des références historiques pertinentes. Bien qu'on saisisse l'essence du roman à travers les nombreux extraits (en anglais), il n'en demeure pas moins que pour une lecture approfondie de l'essai, la connaissance de ce grand classique est avantageuse. Et à partir de là, selon les connaissances historiques des lecteurs, chacun pourra se forger une opinion.
Pour ma part, j'ai grandement apprécié cet essai et pu y faire des réflexions éclairantes. Les thèmes politiques sont toujours d'actualité et comme le Canada, depuis les années 70, tente de former une unité par le concept de multiculturalisme, donc de diversité, de métissage et maintenant de réconciliation avec les peuples des premières nations, la quête identitaire est présente dans toutes les couches de la société.