Le dernier des étés

Quelque temps avant de se marier avec Alex, Dani prépare une exposition photo. le but est de revenir dans le village où il a passé de nombreuses vacances d'été et prendre en photo les mêmes endroits qu'il a photographiés des années auparavant afin de montrer les traces que le temps a laissé. Cela fait déjà 20 ans qu'il n'y est pas retourné et autant d'années qu'il n'a pas revu son ami d'enfance. Qu'est devenu le petit garçon qu'il a aussitôt aperçu en descendant du bus ? le petit garçon que les autres maltraitaient en le traitant de poil de carotte, qu'il a pris en photo juste avant de rejoindre sa maman et qu'il avait revu des étés durant, se promettant une amitié sans faille ?

Avec beaucoup de nostalgie et de tendresse, Alfonso Casas interroge sur les choix que l'on fait dans la vie et le temps qui passe. Afin de faire la lumière sur les questions qu'il se pose, Alex décide de revenir sur les pas de son enfance et photographier tous les endroits qu'il a fréquentés durant de nombreux étés. Il se demande également ce que le petit enfant roux, dont on ne connaît jamais le prénom malgré l'importance qu'il a eu dans sa vie adolescente, est devenu. A-t-il quitté le village ? A-t-il gardé des liens avec leur amie, Maria ? L'auteur interroge également sur la notion d'amitié mais aussi sur la véracité et la profondeur des souvenirs. Il joue sur l'ambiguïté des sentiments : amour ou amitié ? Graphiquement, Alfonso Casas fait dans l'originalité puisque toutes les pages du passé sont très colorées tandis que le présent revêt du noir et blanc. Les pages calques, très originales et qui représentent les photos prises par Alex, s'intercalent, avec beaucoup d'émotions, aux pages papier.
Un album original et émouvant...

Dani va bientôt se marier, quelques jours avant, il entreprend seul un pèlerinage sur les lieux de vacances de son enfance jusqu'au début de l'adolescence, sois-disant pour faire un reportage photo, en réalité pour régler quelques comptes avec lui-même.

Le dessin est travaillé au trait, hachures méticuleuse, il y a une forme d'apaisement dans la façon de poser le trait, de silence à la fois inquiétant et mélancolique. Les moment du présent sont coloré comme en bichromie, avec le noir du trait et un bleu horizon qui vient mettre en volumes les illustrations, alors que le passé prend un aspect plus bucolique avec des aquarelles aux teintes chaudes qui viennent apporter de la douceur estivale aux images. Quelques pages de calques viennent s'intercaler, superposant tel un palimpseste le passé au présent. le graphisme silencieux et délicat nous met parfaitement dans l'ambiance d'un récit intimiste et troublé.

L'histoire ne raconte pas seulement la nostalgie d'une amitié, c'est chargé de sous-entendus, cette amitié avec l'enfant roux cache des sentiments plus lourds. C'est un récit sur l'évolution de la vie, les images qu'on se fait de notre enfance ne sont pas celles qui découleront dans notre vie d'adulte. le retournement final est une surprise sans en être une, c'était la seule issue possible. La grande réussite de cette histoire, c'est qu'il s'agit d'un récit sur l'homosexualité qui ne parle absolument jamais d'homosexualité, et cela ne reste même qu'une interprétation possible. C'est avant tout une histoire de regrets qui nous inhibent dans notre vie d'adulte, une histoire du temps qui passe, de directions qui bifurquent quelque part, et qu'on n'a pas du tout maîtrisé.

J'ai aimé cette lecture émouvante, troublante et juste.

Quel effet cela ferait si nous revenions sur les lieux où nous passions nos vacances, enfant ? C'est ce que fait un photographe. Son objectif est de prendre une photo du même endroit. Joliment illustré avec un calque de l'avant et de l'après. Il espère surtout retrouver son ami d'enfance. Joli dessin, mais pourquoi le personnage a de si horribles grandes oreilles ? Sur la nostalgie et le temps qui passe et surtout s'il avait continué à y venir, sa vie aurait-elle été la même ?

Il y a Dani, photographe, qui prépare une exposition.
Il y a Alex, que Dani va épouser bientôt.
Il y avait Poil de Carotte, l'ami rencontré en vacances, l'ami avec lequel on laisse une capsule temporelle et on visite une maison hantée... pas revu depuis 20 ans.
Il y avait Maria, que Dani a embrassée un soir de fête au village.
Il y avait Miguel, le grand lâche harceleur d'enfant roux.
Il y a les photos du passé, auxquelles Dani, de retour dans le village, tente de superposer de nouvelles prises aujourd'hui.
Des fois, ça pique.
Il y a des allers-retours entre le présent, en noir et blanc, et le passé en couleurs ; entre les coups de fil affectueux d'Alex, et l'enquête menée par Dani sur les traces de son enfance.
Il y a ce sentiment troublant, cette interrogation à laquelle personne n'échappe : "Que se serait-il passé si… ?"
Il y a eu ce moment de l'adolescence après lequel Dani a dit : "L'année prochaine, je ne veux pas revenir."
Les dessins sont beaux, les personnages émouvants ; les calques qui superposent les photos sont un peu une coquetterie inutile j'ai trouvé, mais ça fonctionne.
Une belle lecture que j'ai tout de même trouvée un peu longuette à force de sous-entendus plus ou moins subtils.
Traduction de Marie Debilliers.
Challenge Bande dessinée 2023
LC thématique juin 2023 : "L'auteur est un homme"

Cette bd est sans doute autobiographique pour l'auteur espagnol qui a vécu une expérience en amitié assez douloureuse. Il venait en vacances chaque été dans un petit village au bord de la mer. Il rencontra celui qui était surnommé Poil de carottes à cause de ses cheveux roux.

Une sincère amitié se lia et se renforça au fil des années. Puis un jour à savoir le dernier des étés, il décida unilatéralement d'y mettre un terme et ne retourna plus jamais dans ce village. Il est à la veille de se marier 20 ans plus tard et décide de faire un séjour en solitaire pour retrouver sa trace.

Ce thème de l'amitié déchue me tient particulièrement à coeur. Parfois, il suffit d'un silence ou d'un regard d'incompréhension pour signer la fin d'une amitié. La blessure peut être par la suite immense. Il faut la combler et cela peut prendre des années. Ce qui est refoulé peut resurgir un jour. C'est le voyage qu'entreprend l'auteur à l'aide de photos prises à l'époque. Il se remémore les bons moments passés ensemble.

Sur la forme, je n'ai rien à redire. J'ai apprécié la qualité du trait. Il y a également certaines trouvailles comme ce papier calque au milieu de certaines pages qui donne de la perspective entre le passé et le présent. C'est ingénieux. L'ouvrage est publié sur un support de bonne qualité avec même un protège-cahier. Bref, le cahier des charges est respecté plus qu'honorablement.

A noter que cette bd va jouer sur une espèce d'ambiguïté qui va lui conférer toute sa force. Une oeuvre sensible d'une belle nostalgie que j'ai beaucoup aimée.