L'auteur, connu du grand public sous le nom d'
André Castelot - bien que ce ne fût pas son patronyme -, a marqué par ses biographies et portraits de rois, reines et grands personnages, même si ses travaux relevaient plus du beau récit et ne remettaient en question les mythes que dans le mesure où il n'y avait pas moyen de faire autrement.
Royaliste de coeur, il n'a pas reculé devant le personnage de
Napoléon Bonaparte, ni caché une certaine admiration, n'hésitant pas à reprendre à son compte certains vieux clichés ou tentant d'illustrer par l'écrit quelques unes des vignettes connues de l'imagerie d'Épinal, toute désignée pour vanter les mérites et exploits d'un seul,
Bonaparte, le héros des héros, à l'instar d'Alexandre le Grand et de
Jules César.
Et pourtant,
André Castelot a fait l'effort de dire des choses justes en creusant un peu son sujet : sur les racines corses de Nabulio (son île natale l'accapara tellement au début qu'il se fit remarquer par un fort absentéisme en France alors que ses obligations militaires auraient dû l'y retenir), sur sa formation scolaire et intellectuelle, exagérant peut-être les mérites d'un lecteur autodidacte omnivore, donnant quelques aperçus sur l'écrivain qu'il voulut être et sur un mode d'expression verbal et écrit tout tendu vers ce que l'on doit faire quand on a de la volonté - une volonté impérative - et de l'ambition pour réaliser ce que l'on s'est promis d'accomplir. Ce qui n'empêche pas de reconnaître à certains personnages influents du moment l'aide déterminante qu'ils purent donner par leurs coups de pouce dans l'avancement de la carrière de ce militaire plus égoïste - pour ne pas dire plus opportuniste - et mieux organisé dans la fabrication de sa propre légende que d'autres.
Castelot ne cache pas les rapports complexes que le général, commandant en chef de l'armée d'Italie, entretient avec le Directoire qui était bien embarrassé avec ce personnage dont on ne parvenait pas à freiner l'ascension et qui n'en faisait qu'à sa tête sur le terrain, comme par exemple dans la signature du traité de Campo Formio après une impressionnante série de victoires dans l'obtention desquelles il chercha à se donner la vedette, alors que l'on sait bien aujourd'hui que ses lieutenants et bras droits y eurent leur part, plutôt large qu'étroite.
Il rend émouvante et pathétique l'obsession amoureuse de
Bonaparte pour sa belle Créole, présentée comme dépensière et frivole, cette
Joséphine veuve Beauharnais qu'il avait épousé "à la hussarde" juste avant de partir pour la campagne d'Italie (1796-1797).
Castelot décrit bien les ambiguïtés de
Bonaparte qui était peut-être prêt, lors de l'expédition d'Égypte, à se convertir secrètement à l'Islam et à y faire sans le dire adhérer en masse ses soldats pour mieux se faire accepter au Moyen-Orient qu'il espérait tout entier conquérir, sans doute dans l'espoir de se créer là-bas une grande satrapie au détriment des Ottomans.
André Castelot est un peu plus anecdotique lorsqu'il décrit la conquête du pouvoir par
Bonaparte en France, retour d'Égypte, et il l'est tout autant pour nous présenter la phase d'explication entre lui et
Joséphine au moment où il lui reprochait ses aventures amoureuses avec le bel Hippolyte Charles, alors que lui-même n'était déjà plus très fidèle à sa compagne.
On aurait pu mettre le livre de Castelot en images tellement il évoque le résumé de l'épopée en donnant l'impression d'appeler sans jamais le suggérer la présentation en bande dessinée.
Il reste de lecture agréable, mais finit par dater un peu.
François Sarindar