AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,88

sur 104 notes
5
19 avis
4
16 avis
3
7 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un enfant kidnappé par une femme à barbe, une histoire raconté par deux protagonistes : la maman et la meilleure amie du petit garçon, assistants à la "transformation".
La transformation de qui? Bah du petit garçon pardi !! Oui car cet enfant de 10 ans, il revient une semaine après son enlèvement, avec une vertèbre en plus !

Une vertèbre en plus ?

Je ne connaissais pas Morgane Caussarieu mais je vais adhérer, car l'originalité du récit, son écriture et ses personnages m'ont beaucoup plu. Cela change d'aborder la différence, et la transformation du corps de l'enfant vers celui de l'adulte avec cette idée.
Commenter  J’apprécie          7210
Après un détour chez ActuSF pour son dytique YA Rouge Toxic/Rouge Venom, Morgane Caussarieu nous revient chez Au Diable Vauvert pour un nouveau récit sur la jeunesse qui a les crocs…mais pas ceux que vous pourriez croire. Pas de vampire cette fois pour la française mais une autre figure monstrueuse archi-connue : le loup-garou !

Vieux-Boucau-les-Bains, une enfance
Sasha a dix ans, c'est une gamine comme tant d'autres, une gamine de Vieux-Boucau dans les Landes, une gamine qui a des problèmes. Comme toutes les gamines en somme ou presque. Car Sasha n'aime pas qu'on la prenne pour une fille, elle n'aime pas les trucs réservés aux filles comme ce journal de couleur mauve avec une drôle de souris dessus, Diddl, comme ces robes idiotes qui la font paraître maladroite et peut-être même un peu « salope » comme son père lorsqu'il parle des femmes. Sasha n'apprécie pas les trucs de filles, n'a pas le look d'une fille, n'a pas les cheveux d'une fille. Bref, Sasha adorerait être un garçon et se tient le plus souvent à l'écart des autres, préférant traîner avec son propre « Club des Ratés » en compagnie de Brahim, l'arabe qu'on regarde de travers, et Jonathan, le gros diabétique dont tout le monde se moque. Voilà qu'un jour, JoJo disparaît, enlevé par une femme à barbe dans une camionnette et retrouvé quelques jours plus tard par les gendarmes tout maigrichon sur une aire d'autoroute. Un changement d'apparence qui bouleverse sa mère, Marylou, cette maman-poule qui couve son tout-petit Jonathan tellement fragile, tellement malade. Devant le mutisme du garçon après son enlèvement, Marylou s'inquiète d'autant plus… surtout lorsqu'une vertèbre qui n'était pas là auparavant apparaît sur sa colonne vertébrale…Mais qu'est-il arrivé à Jonathan ?
C'est sur cette intrigue qui sent bon les années 90 que Morgane Caussarieu nous offre sa version personnelle de Stranger Things version Chair de Poule. Vertèbres est un pur roman-doudou, une Madeleine de Proust pour tous les enfants qui ont grandit dans les années 90. Morgane y revient sur un monde aujourd'hui disparu et qui tirera certainement quelques larmes aux nostalgiques des Pogs à la récré et de chansons de Roch Voisine. Sasha est une enfant de ces années-là, avec tout le bon et le mauvais que l'on en retire, des stéréotypes ultra-genrés aux sorties entre potes sur la plage en passant bien évidemment par une certaine culture geek alors en pleine ascension.
C'est l'ère pré-internet, où les copains sonnent à la porte des uns et des autres pour partir en virer, où l'on soigne son Tamagotchi du mieux que l'on peut et où l'on appelle son chien Mégazord.
Cette atmosphère parlera donc à tout une frange de lecteurs biberonnées aux Minikeums et aux jeux Megadrive. Mais c'est aussi, paradoxalement, le point faible de ce récit, avec une fâcheuse tendance de temps à autre au name-dropping qui force le trait. Comme Stranger Things, Morgane Caussarieu installe une atmosphère générationnelle par la culture qui entoure Sasha, son héroïne, risquant parfois de s'y noyer elle-même.
Mais, heureusement, Vertèbres n'est pas que ça, loin de là.

Femme(s) des années 90
Écrit et pensé comme un Chair de Poule, ces récits d'horreur signé R.L. Stine qui ont fait le bonheur des enfants et adolescents des années 90, Vertèbres profite de l'écriture enlevée, faussement légère de la française qui explore son thème favori : celui des monstres…et des gamins. Comme Poil de Carotte dans Je suis ton Ombre, Sasha est aussi représentative des gamins de son époque qu'elle en est différente et fascinante. En explorant à demi-mots la dysphorie de genre, Morgane Caussarieu tente une chose très intelligente lorsqu'elle la fait correspondre au monde qui entoure sa jeune héroïne.
Une héroïne qui n'aime pas les filles et se sent garçon, mais comment vouloir être une fille quand votre père vous décrit sans cesse les femmes comme des « salopes », qu'il n'aime pas vous avoir dans ses bras parce que vous êtes une petite fille ou que votre autre modèle masculin est un grand frère qui agit comme un connard la plupart du temps ? Comment avoir envie d'être une fille quand les autres filles se moquent de vous et détestent vos centres d'intérêts et votre façon d'être ? L'environnement joue un rôle clé dans le phénomène et Morgane Caussarieu le comprend parfaitement, expliquant le rôle de l'entourage et même de la société en général. Sasha confie ses pensées à son journal intime, parce que même les garçons le font, et parce qu'elle a aussi besoin d'un confident, d'une « personne » à qui confier ce qu'elle n'arrive à exprimer à personne d'autre dans une époque qui ne semble jamais vouloir d'elle. C'est un peu le même problème dont souffre Jonathan, son ami obèse revenu totalement transformé après son enlèvement-mystère. Sauf que Jonathan n'intéresse pas tant Morgane que sa mère, Marylou au prénom si bien choisie, Marylou qui illustre et prolonge le propos sociétal qui accable déjà la jeune Sasha. Marylou, la « salope » qui couche avec tout le monde, la « mère-poule » toujours en demande. Quand on est une femme dans les années 90, on est soit une salope soit une mère, et plus rarement les deux à la fois, surtout quand il n'y a pas de père dans l'équation. Marylou servira de seconde narratrice, à la deuxième personne du singulier, s'interpellant et interpellant le lecteur, se questionnant ou s'admonestant.
Ensemble Marylou et Sasha vont assister à la naissance d'un monstre, le fameux loup-garou du récit qui ne sera une surprise pour personne et pour cause, le monstre est ailleurs.

The Evil Within
Comme dans Je suis ton ombre, Morgane Caussarieu joue avec une figure monstrueuse archétypale pour révéler le vrai monstre à côté, celui qui fait du mal en sourdine à son prochain, celui qui humilie et qui infantilise, celui qui frappe et celui qui fait mal. Car au-delà de la transformation des corps, de ce passage à l'adolescence où l'enfant devient parfois un « monstre » aux yeux des autres, la française dévoile la cruauté toute humaine d'un père ou d'une mère, des monstres qui s'ignorent et que le reste du monde ne voit pas avec autant d'évidence qu'un loup-garou qui se balade dans les rues de Vieux-Boucau. Chez Morgane Caussarieu, le monstre n'est jamais celui que l'on croit, il se terre, il se cache.
Et c'est là aussi où la française fait mouche, dans sa façon de rapporter les choses, un journal intime d'un côté, un récit-confession de l'autre. Des témoignages où la vérité n'est pas entière ou, du moins, elle l'est selon son autrice, pour se préserver parfois, pour garder une image qui n'est que celle que l'on souhaiterait voir clairement. Des petites divergences, des oublis sans importance mais qui changent quand même pas mal les évènements, prouvant que nous renfermons tous une part de mensonge lorsque l'on parle de soi, lorsque l'on témoigne du passé.
La monstruosité se terre peut-être dans nos mensonges, dans notre refus de voir notre part de culpabilité et d'accepter que le monde n'est pas en noir et blanc mais en niveaux de gris. Vertèbres n'aime pas le jugement binaire, il arrive à donner de l'empathie au lecteur envers un loup-garou tout en crocs et en fourrure mais aussi envers une mère à la dérive qui a été trop loin. Morgane Caussarieu n'excuse pas les monstres, elle les explique, elle les dissèque entre deux tubes de Lara Fabian. Et c'est l'humanité qui en ressort à la fin, toute nue et blessée.

Roman-pulp ou roman-doudou, Vertèbres soigne son atmosphère au risque d'en devenir parfois étouffant. Heureusement, Morgane Caussarieu a plus d'un tour dans son sac et construit une fois de plus des personnages magnifiques, troublants et monstrueusement humains pour une lecture qui se dévore au moins jusqu'à la pleine lune !
Lien : https://justaword.fr/vert%C3..
Commenter  J’apprécie          380
Vertèbres est le premier roman de Morgane Caussarieu publié par Au Diable Vauvert. L'autrice a auparavant publié plusieurs romans sur le thème des vampires chez Mnémos et Actusf. Elle a également signé un remarquable essai Vampires & Bayous . Elle change cette fois de sujet en s'intéressant à une autre créature mythique.

En 1997 à Vieux-Boucau-les Bains, dans les Landes, Jonathan, 10 ans a été enlevé. Les seuls témoignages sont ceux de Sasha et Brahim qui décrivent une camionnette et une étrange femme à barbe. L'inquiétude monte dans la station balnéaire et surtout pour Marylou, la mère de l'enfant. Mais une semaine plus tard, Jonathan est retrouvé sur une aire d'autoroute. Pourtant, ses proches peinent à le reconnaitre. En effet, Jonathan ne parle plus, a une vilaine blessure au torse, a énormément maigri et visiblement une vertèbre supplémentaire est apparue.

L'histoire se déroule dans un village des Landes où il y a peu d'habitants durant l'année, mais que les touristes investissent durant l'été au point de rendre les lieux méconnaissables. Les enfants ont de quoi s'occuper dans la nature avec la plage, un lac, un ruisseau. Mais on en a vite fait le tour et Sasha ne rêve que de quitter ce trou perdu quand elle sera plus grande. Elle rêve de profonds changements, mais pour le moment est perturbée par ce qui arrive à son meilleur ami Jonathan.

Quand Sacha pense à l'avenir, elle pense à maintenant. En effet, cette histoire se passe en 1997. Morgane Caussarieu nous offre un 1997 plus vrai que nature (elle avait le même âge que Sacha, Jonathan et Brahim cette année là). On n'a aucun mal à revivre cette époque avec toutes les références pop-culture de l'époque, aux publicités, à la nourriture, à la musique. Sacha possède un tamagochi, Brahim adore les livres de la collection « chair de poule » et s'en sert pour essayer de comprendre ce qui arrive à son ami. Tous ces éléments ont beaucoup d'importance dans l'histoire, que ce soit le village perdu ou l'époque. Ils servent à créer une atmosphère bien particulière, ont un petit côté nostalgique, et permettent de mieux comprendre les sentiments des personnages.

Dans le roman, tout tourne autour de Jonathan et de ce qui lui arrive, pourtant il n'a pas la parole dans le récit. L'histoire est raconté par deux personnages et de deux manières bien différentes. Tout d'abord Sasha, l'amie de Jonathan, qui écrit dans son journal à la première personne du singulier. Ensuite, c'est Marylou, la mère de Jonathan qui raconte en se parlant à elle-même à la deuxième personne du singulier. Morgane Caussarieu adapte son style à chacune des narrations de superbe manière se faisant tour à tour crue, sensible ou naïve.

On découvre le quotidien de Sasha, qui est loin d'avoir la vie facile tout comme ses deux amis avec qui elle forme le club des loosers. Sasha apparait attendrissante, courageuse, livrée à elle-même la plupart du temps et en proie à de grands bouleversements dans sa vie d'enfant. J'ai beaucoup aimé la narration de Marylou qui permet de se rendre compte de manière subtile de la réalité de ce personnage trouble de mère trop protectrice, trop présente, trop aimante.

Le livre est un roman horrifique par plusieurs aspects. Par son thème lié au loup-garou tout d'abord, puis par ses thématiques. Et c'est vraiment glaçant par moments, plus pour l'horreur humaine qui est décrite d'ailleurs. Certains passages sont violents, parfois un peu glauque mais toujours parfaitement écrits avec beaucoup de justesse dans le ton. L'autrice y parle de thématiques fortes et pas faciles comme la fin de l'enfance, la puberté et les transformations du corps, la parentalité et le genre.

Vertèbres est ainsi un roman qui ne plaira pas forcément à tous mais que j'ai trouvé brillant à plus d'un titre, à commencer par son écriture. Morgane Caussarieu n'a pas son pareil pour parler de la fin de l'enfance, de l'enfance maltraitée et des monstres qui sommeillent en nous.
Lien : https://aupaysdescavetrolls...
Commenter  J’apprécie          100
Jonathan, dit Jojo, disparaît. Hulahup Barbatruc, il réapparaît quelques jours plus tard avec ce que les grands malades de l'adjectif superflu appelleraient “une vilaine blessure” (un gnon, par définition, c'est pas glop, donc le jour où tu croises une “gentille blessure”, surtout, tu m'appelles !). de son séjour on ne sait où, Jojo ramène en outre une vertèbre surnuméraire. On peut dire qu'il y a un os, conclurait Horatio Caine en enfilant ses lunettes noires sous le soleil de Miami, yeah! we don't get fooled again, don't get fooled again, no, no, yeah, tout ça, tout ça. Or donc, Jojo va commencer à changer. Pour se métamorphoser non pas en Gilet Jaune mais en loup-garou, la couverture se montrant on ne peut plus explicite sur le sujet avec sa bestiole tout droit sortie du film The Wolf Man (1941). Et c'est parti pour suivre pendant trois cents pages les souffrances d'une jeune vertèbre !


On dit souvent que le loup-garou représente la Bête à l'intérieur de l'humain. de mon point de vue, elle serait plutôt extériorisée pour le coup. Tant qu'il est dedans, ça va, c'est quand il ressort et se manifeste que les problèmes commencent (surtout pour les gens qui croisent sa route). Bref, dans tous les cas, le loup-garou incarne, tapie dans chaque être humain, la part des ténèbres.
Alors c'est marrant, parce qu'un bouquin de Stephen King porte ce titre, où il est question d'un jumeau qui dévore l'autre in utero – aucun lien de parenté avec Nirvana. Pile ce qu'évoque le prologue de Vertèbres. La suite du roman poursuit dans la même veine, qui abonde en paires : la jeune Sasha et son grand frère Kévin, Marylou et sa jeune soeur, Jonathan et Rigolo, le chien Megazord et la version lupine de Jojo, le binôme de narratrices (Sasha et Marylou), la Sasha-garçon et la Sasha-fille… Tout fonctionne en base deux, par association, en miroir ou en opposition.
Du King, donc, d'entrée de jeu et le père Stevie marquera l'ensemble du roman, à travers l'évocation de plusieurs oeuvres, à commencer par Ça, et un faisceau de thématiques récurrentes chez lui (l'enfance, l'innocence brisée, le passage à l'âge adulte, les dysfonctionnements familiaux, les êtres à la marge, le cadre d'un autre temps – ici, les années 90).
Autre référence majeure annoncée, elle, dès la première page du premier chapitre : Cronenberg et sa célèbre Mouche cinématographique. Logique pour une histoire de loup-garou. Lycanthrope et drosophile, même combat autour de ce thème si cher à Actarus : la MÉ-TA-MOR-PHO-SE !


La transformation imprègne chaque page de Vertèbres. Celle de Jojo, bien sûr, qui passe du petit gros souffre-douleur de la classe au gros toutou carnassier détenteur de la force toute-puissante comme un mélange de Musclor et de Gringer. D'autres allusions renvoient à cette thématique, par exemple l'évolution des têtards élevés par Sasha vers leur stade final de grenouille ou les mentions de son Tamagotchi.
Et comme la métamorphose implique de devenir autre, l'altérité occupe une large place dans le roman, où la plupart des protagonistes ne rentrent pas dans des cases socialement acceptables… et le payent cher puisqu'on vit dans une société qui se dit tolérante, donc qui ne l'est pas. Si elle l'était, elle n'aurait pas besoin de le clamer à tout bout de champ : on ne pointe pas les évidences. Une femme à barbe, des forains nomades dans un patelin de sédentaires, Brahim “comme il est arabe, il volera le travail de quelqu'un quand il sera grand” (p.17), Jonathan est gros, sa mère Marylou, protectrice, possessive, et exclusive jusqu'au malsain, souffre d'assez de troubles psychiatriques pour remplir un plein chapitre du DSM-5, on citera aussi la soeur trisomique de Marylou, et bien sûr Sasha avec son prénom épicène et son identité de garçon dans un corps de fille.


Vertèbres est donc un roman très dense, qui passe très bien grâce à sa narration à deux voix, celle de Sasha et celle de Marylou. Avec une petite teinte de Usual Suspects, dans le sens où le lecteur n'a que leur version de l'histoire telle qu'elles la racontent. Quand on lit avec attention, on se rend que certains détails infimes ne collent pas entre les deux récits quand ils rapportent le même événement, qu'il y a ici et là au sein de chacun d'eux des petites contradictions et incohérences internes. Il ne s'agit en rien de défauts d'écriture mais de personnages humains, et comme tels, ils ont tendance à bidouiller la vérité en omettant des éléments pas très reluisants, en se donnant le beau rôle, en se mentant à eux-mêmes…


Vertèbres, c'est aussi une plongée dans les années 90, avec des références hyper nombreuses de films, jeux, pubs, slogans… peut-être en trop grande quantité, ou trop appuyées, dans la façon de citer pour chaque marque le slogan de l'époque… ou peut-être pas. Voir certaines allusions explicitées m'a paru parfois redondant, mais c'est parce que je l'ai connue, cette décennie. Je sais. Mais pour un lecteur ou une lectrice qui n'aurait pas atteint mon âge canonique ni vécu la préhistoire du siècle dernier, ces précisions ne sembleront peut-être pas superflues. Déjà qu'ils sont perdus, les pauvres, face à une disquette ou une VHS comme s'il s'agissait du chaînon manquant… Après, s'ils n'ont pas vécu les années 90, est-ce que cette masse de références inconnues leur parlera ?… Je pense qu'il en aurait fallu un chouïa moins. Mais bon, ça ne choque pas non plus et cadre avec le comportement qu'on avait à l'époque, où l'évocation d'une marque ou d'un titre entraînait illico le chantonnement de la pub associée ou d'un générique de dessin animé (encore aujourd'hui, je fredonne la pub de Monsieur Propre, chaque fois que je croise un chauve en T-shirt blanc).


Au final, Morgane signe un texte qui fonctionne à merveille en première grille de lecture comme histoire fantastique à donner la chair de poule (même si, entre un loup-garou et une poule, je miserais pas sur le gallinacée, dont l'espérance doit tourner autour de trois dixièmes de seconde). Et si on creuse le texte, il s'appuie sur des références solides (depuis le conte du petit chaperon rouge à King et Cronenberg) et offre une profondeur thématique propice à la réflexion sur le rapport à l'autre, l'identité, la différence, le handicap, le genre, la maternité, la virilité, l'évolution, la monstruosité, la vérité…
Un roman au poil (de la bête).
Lien : https://unkapart.fr/vertebre..
Commenter  J’apprécie          90
Un roman "coup de poing" qui se lit d'une traite, le récit d'une transformation et de ses conséquences dans une petite ville balnéaire, avec pour décorum les années 90. L'éditeur s'efforce de marketer l'oeuvre à coups de références : Stephen King, body horror cronenbergien, la série Stranger Things pour la nostalgie d'une époque, etc. Pourtant, Morgane développe un style bien à elle. La narration du point de vue d'une enfant de 10 ans est réussie (à condition d'accepter la fausseté du dispositif, comme par exemple dans "The Visit" de M. Night Shyamalan). L'horreur est à la fois suggérée et frontale, provoquant un délicieux malaise chez le lecteur. L'humour est si noir qu'il ne fera pas sourire. Bien sûr, au pays des Freaks, ce sont toujours les adultes qui seront les véritables monstres.
Commenter  J’apprécie          80
Attention coup de coeur ! et tout à fait inattendu, de plus…
C'est que ce livre est taggé Fantastique, un genre que je lis de temps en temps avec plaisir, mais « sans plus » ; il a attiré mon attention car l'une ou l'autre copinaute en avait parlé il y a plusieurs mois, et le voilà maintenant parmi la sélection pour le prix Livraddict dans cette même catégorie, malgré le nombre relativement faible de lecteurs jusqu'à présent (on est à moins de 50 sur LA !). Ce sera donc ma deuxième lecture dans cette catégorie, je pourrai voter (clin d'oeil), et j'espère lire au moins un autre titre de la sélection.
Mais surtout, il est aussi taggé Horreur, l'un des rares genres que j'évite autant que possible car j'ai vraiment du mal avec ça : depuis certaines lectures, que j'ai abordées sans doute trop jeune, de Stephen King notamment, je ne supporte pas les livres horrifiques et les évite autant que possible. Cependant, ce mois-ci est consacré justement à l'horreur sur l'un des challenges auxquels je participe ; par ailleurs, on m'avait prévenue qu'il ne dépasse pas le niveau de frisson d'un « Chair de poule » (vous connaissez ces petits livres de 100 à 200 pages, publiés chez Bayard pour la plupart, et destiné à un (très) jeune public qui aime se faire (un peu) peur ?). Ça, ça me va… sachant que, en réalité, c'est le maximum que je puisse lire sans faire des cauchemars pendant les 1.001 nuits suivantes !

Et ça tombe bien car, à peu de choses près, ce livre suit le schéma – ici certes bien étoffé - d'un « Chair de poule », justement : tout commence par une situation normale, qui dérape cependant l'air de rien ; on a ensuite une lente évolution vers une horreur grandissante, qui est cependant tellement progressive qu'il faut être presque à la fin du livre pour en saisir toute l'épouvante, et entre-temps on s'est rendu compte qu'on s'est bien attaché aux personnages, même les plus repoussants !; enfin, on termine avec une situation qui semble être revenue à la normale, sauf qu'une dernière page, peut-être juste une dernière phrase, apparaissent comme un cliffhanger encore plus effroyable !
Et puis j'avoue : il a été proposé en lecture commune, à laquelle je me suis greffée, espérant ainsi que la pilule de la peur passe encore plus facilement !

La grande originalité de ce livre, cependant, est son choix narratif tout à fait particulier. On a deux narrateurs en alternance parfaite : d'une part, la jeune Sasha, 10 ans, garçon manqué et qui refuse tout ce qui est trop féminin à son goût, qui décide tout à coup de tenir un journal intime car elle a reçu un carnet qui lui plaît plus qu'elle ne veut bien avouer ; d'autre part, c'est Marylou, réputée femme facile, mais surtout mère maladivement protectrice de son fils Jonathan, qui est quant à lui obèse et malade en permanence – ne devinez-vous pas d'emblée de quelle maladie souffre Marylou ?... Malaimés voire harcelés à l'école à cause de leur différence (Sasha qui ne se positionne pas assez en tant que fille et vient d'un milieu social défavorisé, on a déjà parlé de Jonathan, et le 3e larron est Brahim, rejeté à cause de son origine « arabe »), leur amitié les a rendu plus forts et les protège quelque peu.

Et c'est là qu'on découvre tout le talent de cette autrice que je ne connaissais pas du tout !
Comme je disais, Sasha tient son journal, à la 1re personne du singulier bien sûr, et s'adresse réellement à son carnet comme à une personne, en lui racontant ses aventures d'enfant à l'aube d'une adolescence dont elle ne veut pas (car elle sait qu'elle ne pourra échapper à la puberté, qui va la rendre définitivement « fille ») ; elle parle avec une voix enfantine non dénuée de maturité, tandis que sa narration est parsemée de références aux friandises, films, émissions télé et autres publicités typiques des années 1990 – cette indéniable foison peut paraître excessive, pour ma part elle m'est bien un peu passé par-dessus la tête, peut-être parce que je n'étais déjà plus une enfant dans les années 1990 et ne consommais donc plus les mêmes produits qu'un enfant de 10 ans, par ailleurs je n'ai jamais beaucoup regardé la télévision, donc bon… Ce sont d'autres « références » qui, à mon sens, ancrent tout autant l'histoire dans son contexte « historique » : on notera par exemple la façon dont on un homme seul pouvait traiter ses enfants, à travers le regard de Sasha donc, et notamment une évidente violence domestique envers son fils – violence qui était alors « normale », ou du moins, sociétalement encore acceptée, quoi qu'on en pense aujourd'hui – et qui, par ailleurs, n'était pas synonyme d'un désamour envers ledit fils, je dirais même : au contraire ! Mais ce père « faisait comme il pouvait », sans aucun jugement tel qu'il en existe aujourd'hui, d'autant plus que tout le monde avait toujours fait comme ça : on n'était pas encore dans la bien-pensance actuelle – qui a apporté bien des progrès sur ce plan, et heureusement, je ne remets pas ça en cause une seule seconde ! mais il serait malhabile de juger cette histoire par ce biais-là aujourd'hui.

L'autre narratrice est bien différente, et a provoqué un certain débat (mais qui est-ce donc ?) lors de la lecture commune : ça tourne autour de Marylou, comme je disais plus haut, ça on l'a bien compris… mais c'est écrit à la 2e personne du singulier !? Qui s'adresse donc à Marylou, si ce n'est elle-même ? Un quelconque narrateur extérieur caché ? sa propre conscience ? ou un quelconque autre personnage encore ?
Pour ma part, j'ai interprété d'emblée que cette narratrice ne pouvait être que Marylou elle-même, dans une espèce de litanie qu'elle s'adresse à elle-même, et où apparaît effectivement quelquefois sa conscience, qui est alors sciemment exprimée en italique dans le texte ! C'est que Marylou a un comportement maladivement protecteur envers son fils, qui ne va cesser de s'exacerber jusqu'à la folie !
Par ailleurs, bien entendu, Marylou participe elle aussi à cette ambiance très 1990 : il est question de quelques friandises dont elle aime gaver son fils, mais aussi de Roch Voisine (c'est vrai qu'il a eu son succès, et ma soeur l'adorait !) ou du Minitel – qui me touche nettement moins, cet appareil n'ayant jamais percé en Belgique.

Et donc, à travers cette double narration très « orientée » à chaque fois, l'autrice fait évoluer son personnage principal, en l'occurrence Jonathan en pleine transformation de plus en plus intenable, de moins en moins humaine, et parvient à faire accepter des choses tout à fait inacceptables au lecteur… car, pour ma part en tout cas, j'ai trouvé les personnages attachants : j'adore la spontanéité de Sasha, son côté frondeur même avec son journal intime, et sa vague culpabilité qui ressort par moments envers ceux qu'elle sait qu'elle a blessés d'une façon ou d'une autre ; j'ai bien aimé toute l'évolution de Jonathan aussi, jusqu'au bout on espère qu'il va « s'en sortir » malgré toutes les horreurs de plus en plus graves qu'il génère ; je n'ai pas aimé Marylou car elle donne une idée complètement faussée de ce que représente être mère et je suis très sensible à ça, néanmoins je l'ai trouvée terriblement touchante dans son désarroi et dans ses bribes de prise de conscience sur une situation extraordinaire.

Ainsi, je ne peux que confirmer que ce livre qui relève autant du Fantastique que de l'Horreur, est effectivement très bien dosé, et parvient à faire passer une évolution lycanthropique absolument monstrueuse d'une façon finalement assez « douce » qui ne devrait pas générer de cauchemars, malgré la fin en cliffhanger bien frissonnant (si ça se dit) ! La double narration, parfaitement maîtrisée en fonction de chacun des deux personnages, et tout à fait originale, ajoute ce petite quelque chose à ce livre, qui fait qu'on ne peut plus le lâcher une fois commencé : je l'ai lu au total en moins de 24 heures !
Commenter  J’apprécie          60
L'histoire de Vertèbres commence alors que le petit Jonathan, 10 ans, a été enlevé par une femme étrange dans son petit village des Landes. On finit par le retrouver une semaine plus tard, mutique, amaigri, et avec une vertèbre supplémentaire…

J'ai eu un vrai coup de coeur pour ce roman mais je préfère tout de suite vous dire qu'il n'est pas pour tout le monde. Si vous avez lu Carne de Julia Richard (à lire absolument), c'est un petit peu dans la même lignée malgré des thématiques très différentes.

Si la couverture n'était pas un indice suffisant, il s'agit ici d'un roman horrifique qui va parler de loup-garou, en tout cas de prime abord. C'est parfois assez cru, certaines scènes peuvent être très violentes et sanguinolentes, pourtant je peux vous l'assurer, l'aspect horrifico-fantastique est la partie mignonne du roman ! J'ai souvent été mal à l'aise pendant ma lecture, parfois même angoissé, grâce à la façon dont l'autrice aborde la psychologie de ses personnages. C'était assez glaçant par moment.

L'énorme point fort du roman vient en tout cas de la double narration que j'ai adoré. On ne suit pas le petit Jonathan dont parle le résumé mais deux personnages qui gravitent autour de lui. D'abord, la petite Sasha, (à peu près) 10 ans, qui écrit dans son journal à la première personne. Elle parle avec une certaine naïveté attendrissante tout en disant des choses parfois affreuses mais cohérentes avec l'éducation douteuse qu'elle reçoit. On suit en parallèle Marylou, la mère de Jonathan qui se parle à la deuxième personne. C'est ce personnage qui génère le plus de malaise. Cette mère qui aime peut-être un peu trop son fils, trop protectrice, trop présente, et toujours dans le contrôle.

Ce roman c'est aussi un retour dans le passé (ça se passe en 1997) qui plaira énormément aux gens de ma génération. L'histoire est bourrée de références pop-culture de l'époque qui rappellent plein de bons souvenirs (comment ai-je pu oublier le chocolat Merveilles du monde ? 😱😍) même si l'incorporation de ces références manquait parfois un peu de subtilité.

Sur le fond, beaucoup de thématiques fortes sont abordées dans ce roman : la puberté, le rapport au corps, la sexualité ou encore la parentalité. On aborde aussi la question de la dysphorie de genre d'une certaine manière, même si je ne suis pas persuadé qu'on puisse véritablement parler de transidentité dans ce contexte (mais je ne peux pas tellement développer plus sans spoiler). Vous pouvez vous douter que ces thématiques sont associées à pas mal de trigger warnings.

En tout cas c'était mon premier roman de Morgane Caussarieu et je doute que ce sera le dernier. J'ai tout de suite été emporté par la plume, à la fois crue et sensible, et j'ai vraiment adoré cette histoire. Je vous conseille vraiment cette lecture si vous n'avez pas trop peur d'être un peu remués par cette histoire.
Commenter  J’apprécie          50
Vertèbres est une lecture coup de coeur. Un pur roman horrifique au feeling nostalgique qui respire bon les années 90 et nous évoque les oeuvres mythiques de body horror comme celles qui nous parlent de gamins un peu paumés face aux monstres. C'est captivant, l'ambiance est très réussie et le traitement des métamorphoses et de l'opposition enfants/adultes dysfonctionnels sont très réussies. Un pur régal qui colle parfaitement à la période.

Critique complète sur yuyine.be!
Lien : https://yuyine.be/review/boo..
Commenter  J’apprécie          40
Pure livre " grindhouse " possédant sa qualité littéraire indéniable d'une autrice de talent, nous plonge, tout crocs sorti aux pieds et crocs écumant de nos babines, dans un village français où vie une bande de copains atypiques, qui vivront un destin tragique, d'une pousse malaisante, de surcroît violemment transitoire après la disparition d'un de leurs camarades !

J'aime beaucoup l'écriture, crue et sensible qui fait exceller l'autrice dans l'entortillage des âmes avec des thématiques comme l'enfance et son passage à l'âge adulte, et, ces choses tapis aussi loin que nos yeux ne peuvent voir..

Mais nous verrons avec la fluidité du déroulé de l'histoire, les secrets dévorant, les petites touches d'humour noir, naître une poussée sanguinolente et inflammatoire, chez notre cher Jojo de 10 ans..

Oseras-tu cher lecteur te promener sur le chemin vertébral de la bête qui peut être, peut-être, elle aussi sommeille au plus profond de ta chair ?
Commenter  J’apprécie          30
Je découvre l'autrice avec ce livre, Vertèbres et j'ai adoré ce roman !

Ce roman parle de loup-garou, certes, mais surtout de la violence de la vie, même au Vieux-Boucau (dans les landes) en 1997 !
J'ai adoré tout les clins d'oeil dans années 90 qui ont bercé mon enfance ! Sachant que j'allais voir ma famille qui habitait près du Vieux-Boucau, tous les étés. C'est alors avec une certaine nostalgie que j'ai lu chapitre après chapitre ce roman.

J'ai aussi beaucoup aimé la manière dont l'autrice a témoigné de façon psychologique le syndrome de Münchausen par procuration. Elle témoigne aussi dans ce roman la question de la puberté précoce, des violences familiales/fraternelles, de la question de l'identité (et du genre), mais aussi de la perte et du deuil.

Je n'ai pas été apeuré parce qu'il était question de Loup-garou, mais effrayée par toute les tensions psychologiques au niveau relationnel, affectif et émotionnel, et familiale de chaque personnage.

Une lecture que je recommande !


Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (233) Voir plus



Quiz Voir plus

La fantasy pour les nuls

Tolkien, le seigneur des ....

anneaux
agneaux
mouches

9 questions
2498 lecteurs ont répondu
Thèmes : fantasy , sfff , heroic fantasyCréer un quiz sur ce livre

{* *}