Ben v'là ty pas que Bardamu croise un troupeau de troufions, il les suit, merde , il se retrouve au coeur de la guerre, cet abattoir gigantesque sans queue ni tête.
L'hôpital, où il voudrait bien rester, il a la vocation d'être malade, q'y croyait du moins mais pas non plus, ça sue la mort.
Pire encore le bateau, l'Amiral Bragueton qu'il s'appelle, ça le relie à l'Afrique, et les futurs colons alcooliques, hargneux et pétris de bêtise qui le haïssent, on se demande bien pourquoi, qu'est ce qu'elle a ma gueule ? il est tellement sympathique cet homme..
Pire encore, l'arrivée dans un comptoir (la Compagnie Pordurière )de l'ouest africain, le Bragamance ( Eh, Céline, t'es en rade d'inspiration, tous tes noms commencent par Bra) dans la ville de Fort-Gono ( Douala )l'hystérie des boites de sardines, les commerçants pourris, les militaires rongés jusqu'à l'os, les colons qui boivent des coups avec de la glace : voilà pourquoi on perd les colonies : pas un pour rattraper l'autre.
Et l'Afrique, bordel de merde ? « celle des insondables forêts, des miasmes délétères, des solitudes inviolées, vers les grands tyrans nègres vautrés aux croisements de fleuves qui n'en finissent plus…. J'allais trafiquer des ivoires longs comme ça, des oiseaux flamboyants, des esclaves mineures. C'était promis. La vie, quoi ! »
Rien à branler de l'Afrique ruisselante de désirs mutilés.
Il hait la campagne, qu'il dit, les salsifis, ah ça il aime pas ça les salsifis, le coton moite de la chaleur, les nuages de moustiques besogneux et lestés de fièvre jaune, la grosse nuit noire des pays chauds avec son coeur brutal de tam tam, les papayes doucereuses au gout de poires urineuses, le gouverneur qui n'aime personne ( ça, c'est pas bien, casses toi) et finalement tout le monde. Cassez vous tous, vous les nègres, pustuleux et chantants, vous les colons, tas de sales veaux. …..Faut qu'je dise tout de suite qu'y peuvent pas se casser, tous ces pourris, qu' y restent là où ils sont.
Fatigués qu'y sont de se détester, ces cochons de colons, toujours est il que les nègres abrutis par le trypanosome, « peuplades parfaitement naïves et candidement cannibales, ahuries de misère, ravagées de milles pestes » c'est pas mieux non plus.
Rien n'est jamais mieux.
Pas tranquille du tout qu'y était ce Bardamu, dévoré par les fièvres lors de son arrivée en Guinée Equatoriale, et puis la végétation bouffie autour de sa case, après les eaux de vaisselle huileuse du fleuve, la chaleur comme une grosse marmite qui vous explose en pleine gueule, les crépuscules pustulants de l'enfer, sans parler du meurtre du soleil qui se couche, au milieu de ses guenilles colorées, rien que de l'agonie étincelante dans l'air et la diarrhée permanente. .. ah oui, la diarrhée, alors mettre le feu, voilà la solution, et filer. On s'en fout la mort.
Les nègres y le conduisent à moitié mort, tiens, il ne le bouffent pas…y le vendent sur une galère, chacun son tour, c'est ça la vie.
Le
voyage au bout de la nuit, c'est comme la guerre, l'hôpital et l'Afrique pour et selon Céline, pas pour moi.
Un coucher de soleil dans la forêt équatoriale, c'est un des plus munificents spectacles qu'un humain peut contempler, c'est la création du monde théâtralisée encore et encore. La remontée en pirogue du fleuve entouré de végétation luxuriante, un de mes souvenirs inoubliable. L'arrivée à Micomeseng, petite bourgade construite, un de mes souvenirs de ce pays où j'ai vécu ; alors Céline, que je me dis, pauvrement travaillé par la dysenterie et mettant le feu à sa case empapaoutée, incapable de contempler la beauté du monde et des hommes, chacun pense qu'à sa gueule, que tu dis, casses toi.