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EAN : 9782072951565
448 pages
Gallimard (06/01/2022)
3.99/5   59 notes
Résumé :
Six histoires hautes en couleur dans le monde du Bâtard de Kosigan !

Avec ce coffre empli de trésors littéraires, Fabien Cerutti propose six textes qui enluminent ou permettent de découvrir l’univers de sa série à succès Le Bâtard de Kosigan. Avec un récit de la jeunesse gouailleuse du Bâtard en Italie, une pièce de théâtre truculente à la cour d’Angleterre, un drame amoureux entre un pape et une satyre, un journal de voyage aux confins du monde en qu... >Voir plus
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Après la publication des quatre tomes du Bâtard de Kosigan, Fabien Cerutti a réuni en 2020, dans Les Secrets du premier coffre, six textes plus courts mais tout de même conséquents (des nouvelles et des novellas) en un premier recueil, toujours chez les éditions Mnémos, afin de développer un univers déjà riche.

Mise en abîme
Avec Les Secrets du premier coffre, Fabien Cerutti allie l'utile à l'agréable. En effet, il s'agit du premier recueil de nouvelles (et de novellas) dans l'univers du Bâtard de Kosigan : la lectrice et le lecteur de cette série ont de quoi s'amuser avec six textes, trois réédités et trois inédits. Toutefois, l'auteur ne mise pas sur le simple fait de créer un recueil, mais en profite pour allier le fond à la forme. Ainsi, ces six textes sont autant de textes soit supposés apocryphes, soit révélant de nouvelles sources historiques, qui auraient été découvert lors de fouilles dans le château de Maulnes (voir le Bâtard de Kosigan, tome 1 : L'Ombre du Pouvoir). C'est d'ailleurs Elizabeth Hardy (un personnage important, notamment du 4e tome) qui édite ce recueil. En plus d'un recueil très attirant, on peut donc se préparer à y découvrir une mise en abîme efficace et très habile de cet univers médiéval-fantastique, car l'auteur a l'habitude d'enchevêtrer des sources inventées et véridiques, en pastichant la science diplomatique bien connue des historiens et des archivistes. D'ailleurs, le graphisme choisi par les éditions Mnémos pour ce livre montre à la fois le soin apporté à la publication de ce recueil et un clin d'oeil aux ouvrages de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe. Enfin, rappelons que le principe de cette série est que les créatures fantastiques décrites dans de nombreuses sources médiévales ont bien existé, mais ont disparu à partir du XIIIe siècle, principe sur lequel l'auteur greffe ensuite différentes mythologies saupoudrées dans ces nouvelles.

Légende du premier monde
Ce premier texte est déjà paru dans l'anthologie des Imaginales 2018, Créatures, et a été très légèrement retouché par l'auteur. Il s'agit probablement du plus ancien texte que l'auteur écrira dans cet univers, car nous remontons dans la haute Antiquité, au sein du royaume des Atalan'théis, légendaire entité en paix depuis des lustres et où la science est devenue l'objet de passionnants jeux du cirque remodelés. En effet, l'un des enjeux de pouvoir y est de créer génétiquement des races de créatures de plus en plus belles, redoutables, guerrières ou obéissantes. Dans ce contexte, un vieux maître désavoué par le couple royal prend sous son aile un jeune parvenu ayant des pouvoirs en matière végétale ; à eux deux, ils façonnent une nouvelle race humanoïde : une Iëlfelanane. Or, vis-à-vis des pégases, des ptérodactyles marins et autres dragons, il s'agit de l'entraîner rudement sur tous les aspects en vue de remporter le concours royal quinquennal, synonyme d'une influence considérable. Comme autour d'eux gravitent d'autres enjeux, par exemple l'oppression d'humanoïdes combattants appelés « Orcs » ou le conflit sous-jacent avec la nation voisine, Mû an'théis, l'auteur nous immerge très vite dans une intrigue dense et passionnante. Une très belle entrée en matière où le bestiaire est en folie !

Ineffabilis Amor
Et voici le premier texte inédit du recueil ! Il s'agit de la biographie de Lotario dei Conti, di Segni. Connaissez-vous Lothaire de Conti, de la famille des comtes de Segni ? Il se trouve que ce Lotario fut un ecclésiastique de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, qui devint pape sous le nom d'Innocent III. Si vous ne savez sur quoi a porté son action en tant que souverain pontife, ne vous divulgâchez rien en allant voir avant de lire cette novella, mieux vaut lire la version de Fabien Cerutti, elle est bien plus inventive ! À part plusieurs coquilles, le récit est très agréable à suivre, car le jeune Lotario découvre énormément au contact des faunes, notamment en matière charnelle, car il côtoie une jeune représentante de cet ancien peuple des bois. Même si on se doute de la fin, la lecture est savoureuse et colle parfaitement aux éléments introduits dans les autres récits du Bâtard de Kosigan.

Le Crépuscule et l'Aube
Celui-ci est un texte déjà paru dans l'anthologie des Imaginales 2016, Fées et Automates, et retouché ensuite. C'est une nouvelle qui est consacrée à la disparition d'un des peuples anciens peuplant encore le royaume de France du XIIIe siècle revisité par l'auteur. Les Elfes ont été traqués, comme bien d'autres, mais ont encore les moyens, notamment technologiques, de peser sur la géopolitique européenne. Ainsi, le maître ingénieur Falco Matteoti ébauche la construction d'un être inanimé auquel il compte bien insuffler la vie et l'âme à l'aide des fays du coin. le mythe de Prométhée est reconduit dans ce contexte médiéval-fantastique, mais des inquisiteurs rôdent pour contrer les plans des dames des bois. À nouveau, c'est la survie d'une espèce qui porte la reproduction au coeur de l'intrigue : Nelissa Vélane est une Fay qui cherche à préserver le devenir de sa race, quitte pour cela à s'atteler à une expérience inconnue…

Fille-de-joute
Deuxième texte inédit du recueil, Fille-de-joute saute encore quelques années pour nous emmener en Italie, alors que Pierre Cordwain de Kosigan, surnommé déjà le Bâtard de Kosigan, fait ses premières armes en tant que capitaine de compagnie de mercenaires. le ton a clairement changé vis-à-vis des précédents textes qui tenaient soit de la légende, soit de l'hagiographie, ce qui est assez proche, au fond. Ici, nous sommes dans de la pure aventure débridée, d'autant qu'elle est narrée du point de vue d'un des routiers du Bâtard, le gallois Kerth Killarden en l'occurrence, et son franc parler est sans nul doute un gage de filouterie et de « gouaillerie » (comme le promet la quatrième de couverture). Dès le départ, on sent que l'auteur revisite le scénario du film « Chevalier » (film de 2001 de Brian Helgeland avec le très bon Heath Ledger, très distrayant et innovant à défaut d'être historiquement rigoureux) : Cordwain et deux de ses mercenaires montent un coup et tentent de survivre en milieu hostile en participant à un tournoi. Cette situation fait écho au premier tome de la série où une des meilleures scènes était celle d'un tournoi vu par un initié comme le chevalier Cordwain. Pourtant, ici, à écouter le fougueux Kerth, Cordwain n'y connaît quasiment rien et c'est bien ce qui fait le sel de cette nouvelle… À moins que ce ne soit les dernières phrases qui pimentent d'autant plus ce qu'on savait d'ores et déjà des aventures du Bâtard.

Le Livre des Merveilles du monde
Celui-ci est un texte déjà paru dans l'anthologie des Imaginales 2017, Destinations, retouché, augmenté de quelques allusions supplémentaires au reste de la série et retitré pour l'occasion. Nous suivons l'érudit Jehan de Mandeville qui effectue un périlleux voyage à la demande de la comtesse de Champagne, rare représentante de la race elfique, afin d'aller délivrer un message aux « Elfes de jade » résidant dans les forêts d'Extrême-Orient. Cela le conduit à une (très) longue traversée mouvementée, voire rocambolesque, de l'Europe et de l'Asie : des combats, des trahisons et surtout des rencontres avec des créatures étonnantes, cela donne l'impression de suivre un zoologue en expédition et c'est passionnant ! La toute fin engage la série du Bâtard de Kosigan sur toute autre voix de l'imaginaire, à voir si l'auteur nous reparlera un jour de la destinée des Elfes.

Les Jeux de la cour et du hasard
Ultime texte et troisième inédit du recueil, Les Jeux de la cour et du hasard se présentent sous la forme d'une pièce de théâtre, ce qui est déjà suffisamment rare pour être noté. Pour l'anecdote, celle-ci est censée avoir été écrite par Pierre Chamblain (1721 est étonnamment une année où il ne publia pas de pièce de théâtre), dont le nom complet est en fait Pierre Carlet de Chamblain de… Marivaux ! Et il y en a du marivaudage, dans ces pages ! Pastiche de la véritable pièce de 1730, le Jeu de l'amour et du hasard, ce texte est un enchaînement quasi burlesque de saynètes mettant en scène la cour d'Angleterre du XIVe siècle où le lecteur retrouve le chevalier de Kosigan encore en affaires, tantôt sonnantes et trébuchants, tantôt politiques, et parfois même sentimentales… La routine donc pour lui ! La difficulté réside alors dans le fait de devoir contenter tous ceux qui l'ont sollicité. Fabien Cerutti s'en sort très bien, car il se passe de didascalies, n'indique pas le nom des personnages et cela se lit parfaitement, de façon très légère et fluide, à peine devine-t-on les ajouts nécessaires aux dialogues pour imaginer les effets théâtraux envisagés. Un dernier texte, long mais rapide, à découvrir !

Approfondissements de cette série
À coup de préface et d'interfaces, l'auteur domine son sujet de la tête et des épaules, il nous immerge complètement dans son univers en poussant la mise en abîme très loin. Ses six textes sont édités dans l'ordre chronologique de cet univers (de l'Antiquité au XIVe siècle) et trois magnifiques cartes viennent agrémenter le début et a fin de l'ouvrage, en se concentrant sur le royaume de France, les principautés italiennes et les routes extrême-orientales de la soie aux XIIIe et XIVe siècles. Qu'apportent donc ces six textes à l'univers de Kosigan ? D'abord, ils permettent à l'auteur de varier les styles, car on retrouve deux récits d'aventures très classiques pour cette série, mais également une pièce de théâtre, un conte, une biographie historique et un journal d'expédition. On notera la variation des styles d'écriture, notamment entre le vocabulaire quasi guindé des Jeux de la cour et du hasard et celui le plus argotique possible de Fille-de-joute. Ces six récits approfondissent les enjeux déjà développés dans les quatre tomes initiaux. On retrouve la matière forcément très « société secrète » de l'ensemble du propos : chaque texte est une redécouverte d'une Histoire dissimulée après coup ; les personnages antiques et médiévaux ne le savent pas, mais leur Histoire ne nous est pas connue. L'auteur opte souvent pour les peuples tourmentés par l'Église catholique, médiéval-fantastique oblige : la lutte contre le paganisme est progressive, par contre les allusions à l'antisémitisme sont récurrentes. Dans l'ensemble, la répression humaine contre d'autres races humanoïdes développe d'abord le thème du rapport à l'Autre, avec tous les réflexes racistes qui peuvent survenir (il me semble que l'usage du mot « race » est possible ici, car il ne s'agit pas d'humains comme nous les connaissons, mais d'humanoïdes, des elfes, des orcs, des faunes, etc.). Pour terminer, le coeur de l'écriture de Fabien Cerutti réside à la fois dans le jeu littéraire déjà abordé plus haut et le jeu historique, quand il mêle un maximum d'événements authentiques, qui nous sont connus, avec des explications les plus fantasy possibles. Notons que les trois textes inédites misent au moins en partie sur des aspects sensuels, voire sexuels, ce qui est souvent très amusant. Difficile de choisir un texte préféré, tant ils sont différents mais avec une écriture régulièrement rigoureuse : Fille-de-joute est celui qui colle le plus à l'ambiance des quatre tomes initiaux, Légende du premier monde est celui qui fait imaginer le plus de possibilités ; sûrement une faiblesse personnelle pour Ineffabilis Amor, tant il mélange des éléments très historiens (ça me rappelle la fac avec grand plaisir) et des aspects très crus mais toujours joliment enrobés.

Même en connaissant déjà les trois textes réédités, Les Secrets du premier coffre font donc extrêmement plaisir à lire, c'est un bonheur de revenir dans l'univers du Bâtard de Kosigan ! Avec ces six textes, il y a un peu de tous les styles pour découvrir de diverses manières, ce médiéval-fantastique si compatible avec l'Histoire telle que nous la connaissons.

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Autant, les recueils de nouvelles policières me frustrent, autant les recueils de nouvelles de fantasy me ravissent. Je trouve que c'est un genre qui s'y prête bien mieux.

Les secrets du premier coffre est à relier au cycle du Bâtard de Kosigan. Fabien Cerutti a mis en place un univers attrayant : notre Histoire aurait été réécrite, des créatures de la Source, l'art de la magie, auraient existé dans le passé avant de disparaître, décimées pour la plupart par l'action des hommes au Moyen-Age, et également rayé des archives grâce à la mainmise de l'Eglise. Un choix qui lui permet de jongler en Histoire et fantasy, nous offrant de beaux récits.

Ce coffre est issu de la Bibliothèque des Meaulnes, domaine du Bâtard de Kosigan retrouvé et vite réduits en cendres. On y retrouve des témoignages qui auraient échappé à la censure de l'Eglise. A ce titre, s'il n'est pas nécessaire d'avoir lu le Bâtard de Kosigan, c'est tout de même fortement conseillé. On y fait référence à plusieurs reprises. Il faut prendre ce recueil tel qu'il a été conçu selon moi : un moyen d'approfondir l'univers déjà mis en place et de faire patienter le lectorat vis-à-vis du seconde cycle à venir!

Les récits ne sont donc pas tous centrés sur le Bâtard de Kosigan. Sur les six récits, on en trouve que deux, présentés de manière très différente. On est loin de son journal intime. Au contraire, on déplace la narration, le point de vue. le Bâtard de Kosigan reste cependant égal à lui-même, pour notre plus grand plaisir : stratège, séducteur et toujours prêt à prendre des engagements contraires qu'il parvient pourtant à remplir d'une main de maître!
Les quatre autres récits apportent une touche intéressante à cet univers. On retrouve une tablette qui raconte les prémices de cette magie en revisitant le mythe de l'Atlantide. L'auteur revisite également un peu le mythe de Pinocchio ( c'est peut-être celui qui me semble le moins important mais il a une certaine beauté). Avec les aventures de Jehan de Mandeville, on en sait un peu plus sur le devenir des créatures et êtres magiques. Enfin, la nouvelle sur Innocent III met en place les Croisades noires, leurs origines tout du moins.

Des récits teintées de fantasy, d'histoire mais également, pour la majorité de romance. A ce titre, même si on est à des époques passées, il y a quelques scènes où la question du consentement est un peu passée à l'as... et j'avoue que ça m'a gênée. On est à une autre époque, c'est certain. Pour autant, j'estime pas qu'il était nécessaire de présenter les choses ainsi. Un petit bémol qui est resté dans un coin de ma tête.

Des six récits, la nouvelle sur Innocent III reste de loin ma préférée. Les autres suivent de très près.
Il ne me reste plus qu'à attendre d'autres récits, recueils de nouvelles ( tout laisse à croire qu'il y a d'autres "coffres" en préparation) ou nouveau cycle.
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Il me semble important de vous donner à lire une vieille lettre conservée dans la famille, et dont je n'avais pas mesuré l'importance éventuelle jusqu'à aujourd'hui. Elle est datée de 1934 ; c'est mon arrière-grand-mère qui l'avait écrite, mais jamais envoyée, quelques jours avant d'être renversée par une voiture.

« Madame Hardy,

Monsieur Christian Pfister, qui a été mon maître à l'École des chartes, m'a confié des documents que vous lui aviez adressés, documents édifiants dont la traduction a dû vous donner bien des traces. Curieusement, il est mort dans des circonstances mystérieuses quelques jours après me les avoir confiés, et alors qu'il m'avait confié avoir eu l'impression, à plusieurs reprises, d'être suivi. Il m'a indiqué comment vous faire parvenir discrètement cette réponse.

Vous ne serez pas étonnée d'apprendre que j'ai été passionnée par le contenu de ces manuscrits. Et que cela va dans le sens des travaux que nous avons – discrètement – menés avec Christian Pfister, notamment dans les fonds les plus anciens de l'École des Chartes. Mais je ne souhaite pas en dire davantage ici.

Si vous avez l'occasion de venir à Paris, j'aimerais beaucoup que nous puissions nous rencontrer pour en discuter de vive voix. Cela me semble important. D'autant que, depuis quelques jours, j'ai également l'impression de parfois sentir sur moi une sorte de surveillance. Je crains de développer la même paranoïa que mon regretté maître…

N'hésitez pas, bien évidemment, à me faire parvenir les traductions des documents des autres coffres, je les attend avec une immense curiosité. Je sens que nous sommes à la veille d'événements importants. »
La lettre est signée. Et, au dos, griffonnés à la va-vite, plusieurs noms, à côté d'une date (1933), et d'une croix (mortuaire) :

Christian Pfister

Paul Féval fils (Félifax, l'homme-tigre)

Gaston de Pawlowski (Le secret des fouilles de Glozel)

– Maurice Besnier

– Ernest Hébrard

Axel Wallensköld

– Gustave Chauvet

– Amélie Élie

– Erik Nordenskiöld

– Stefan Kekulé von Stradonitz

– Gérard de Fayolle
Mais, alors, se demanderont certains… que veut dire cet avis ? À lire ou à laisser ? Eh bien, en fait, c'est simple. Si vous n'avez rien compris, mais alors rien de rien, passez à notre chronique suivante, ce livre n'est probablement pas pour vous. Si, au contraire, vous avez (généreusement) sourit ici ou là, alors… il y a des chances que ce livre comble vos désirs les plus fous, vos attentes les plus secrètes, ou l'inverse…

Mais, tout de même, une mention spéciale : écrire une pièce de théâtre, alors que l'on est dans une publication de type « médiéval fantastique » (eh, M'sieur Cerutti, z'avez vu, j'ai pas dit heroic fantasy, hein !), c'est juste… hors du temps !
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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C'est avec grand plaisir que j'ai pu m'immerger dans la lecture du livre Les secrets du premier coffre. Heureux lauréat de l'opération Masse critique mauvais genre d'octobre 2020, c'est avec reconnaissance que je remercie toute l'équipe de Babelio et bien entendu les éditions Mnémos.

Deux ans déjà que le testament d'involution a laissé les adeptes du bâtard de Kosigan sur un sentiment de frustration qui semble ne pas devoir finir de sitôt. Fort heureusement, en cette année 2020, Fabien Cerutti nous offre un recueil de nouvelles se déroulant dans l'univers de son personnage le plus célèbre, et cerise sur le gâteau : le capitaine mercenaire est présent à deux reprises.

De prime abord, ce qui saute aux yeux, reste la beauté du travail d'édition. Les éditions Mnémos nous proposent un livre avec une couverture, en carton, renforcée par une tranche en tissu, enrichie d'une première de couverture enluminée avec talent. La couleur retenue, un bleu sombre tirant sur le noir rehaussé d'une écriture blanche et d'un décoration dorée, est tout aussi réussie. Voici du bel ouvrage qui fait immédiatement penser à ces éditions de la fin XIXème siècle, début XXème siècle. le texte se fait lui-aussi l'écho d'un tirage de luxe : plats intérieurs décorés, lettrage de qualité et papier de choix, marque-page intégré en tissu... Comment résister ?

Il n'est pas nécessaire d'avoir lu les ouvrages précédents. Aucune révélation intempestive ne traîne ici traitreusement. Toutefois, mieux vaut avoir lu les ouvrages précédents, tant la démarche est ici différente. Il s'agit d'un recueil de six nouvelles, se déroulant dans un univers qui trouvera ici un approfondissement. le texte en lui-même est habilement inséré dans l'univers et démontre une nouvelle fois l'ingéniosité et le talent d'un Fabien Cerutti qui joue à concilier avec brio fantasy et histoire.

Des six nouvelles proposées ici, chaque fan trouvera son bonheur. Réaliser un classement sera difficile et forcément personnel. Mais qu'importe… tentons le pari.

Fille-de-joute est la grande réussite de ce recueil. Bon certes, le Bâtard est de la partie, mais il s'agit ici d'une nouvelle écriture de L'ombre du pouvoir. Cette approche est des plus originales et ravira les adeptes de romans de chevalerie, des deux premiers volumes du Trône de fer (pour l'édition française) et bien sûr du Chevalier errant seront aux anges. A elle seule, elle justifie l'achat du roman. Quelle réussite ! Et que d'audace… dantesquement féminine mais chut ! Pas la peine d'en dire davantage.

Ineffabilis amor est l'autre chef-d'oeuvre de ce livre. Nous voici lancés dans une biographie fictive d'un pape Innocent III directement issu de l'univers de Fabien Cerutti. Ce récit répondra à bon nombre de questions. Passionnant à suivre d'un bout à l'autre, il révèle de grandes surprises.

Les jeux de la cour et du hasard est une pièce de théâtre dans laquelle le bâtard joue un rôle inattendu. Un marivaudage plutôt bien mené. L'humour est subtil et le tout parfaitement bien mené. Une petite pépite…

Le livre des merveilles du monde détonne un peu. Il s'agit d'un récit d'un explorateur qui traverse le monde pour se retrouver en Asie. Un régal d'exotisme, façon route de la soie à la sauce fantasy concocté par le génial Cerutti. le seul regret étant que tout reste trop court, bien trop court !

Il reste donc deux nouvelles, dans laquelle la fantasy joue un plus grand rôle. Placés en début de volume, ces récits risquent de décourager les moins à l'aise avec le genre. Dans le premier, Légende du premier monde, nous découvrons une civilisation qui n'est pas sans rappeler l'Atlantide et dans le deuxième, le crépuscule et l'aube (rien à voir avec Ken Follet), il sera question de la survie des fées. Ceux-ci se ressemblent et doivent beaucoup à leurs protagonistes, très attachants.

Une nouvelle fois, Fabien Cerutti nous surprend avec une compilation (certains récits ont été publiés ailleurs) particulièrement bien réussie, avec une approche éclectique mais qui saura plaire. Une lecture qui est donc tout aussi recommandée que votre bibliothèque gagnera à être enrichie par un tel tirage !
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C'est en 2014 que les lecteurs ont eu la joie de faire la connaissance d'un tout nouveau héros qui n'aura pas mis longtemps à remporter les suffrages de tous les amateurs de fantasy et d'histoire. Ce héros, c'est Pierre Cordwain de Kosigan, plus communément connu sous le nom de « bâtard de Kosigan », un mercenaire bourguignon charismatique et particulièrement retors. Embauché pour ses qualités de stratège par les plus grands seigneurs d'Europe, le personnage est au centre de plusieurs intrigues mettant en scène un Moyen-âge alternatif dans lequel les créatures issues de la mythologie et du folklore vivent bel et bien parmi la population humaine (autrefois en bonne entente, désormais difficilement, puisque les races anciennes sont victimes de persécutions orchestrées par l'église catholique). Quatre romans plus tard, le personnage demeure toujours aussi énigmatique et l'univers dans lequel il évolue toujours aussi fascinant, aussi l'auteur s'est-il fendu de plusieurs nouvelles pouvant servir, au choix, de complément ou d'introduction à la tétralogie d'origine (qui, espérons-le, sera amenée à s'étoffer rapidement). le recueil des « Secrets du premier coffre » rassemble ainsi six récits situés dans l'univers de Kosigan, mais qui ne mettent pas pour autant systématiquement en scène le mercenaire. Parmi eux, trois textes sont totalement inédits (« Ineffabilis Amor » ; « Fille-de-joute » ; « Les jeux de la cour et du hasard ») tandis que les trois autres ont d'ores et déjà fait l'objet d'une parution dans les différentes anthologies publiées par Mnémos à l'occasion des Imaginales d'Épinal (« Légende du premier monde » paru dans « Créatures » en 2018 ; « Le crépuscule et l'aube » paru dans « Fées et automates » en 2016 ; « Les livres des merveilles du monde » paru dans « Destinations » en 2017). L'ouvrage était particulièrement attendu par les fans du bâtard (et ils sont nombreux !) et le résultat est plus qu'à la hauteur, tant sur le fond que sur la forme. le recueil a en effet fait l'objet d'une présentation particulièrement soignée qui lui donne l'aspect d'un beau livre de collection. de même, les cartes situées au début et à la fin (en couleur !) sont absolument sublimes et permettent de se familiariser avec les frontières médiévales des principaux royaumes d'Europe et d'Orient. La beauté de l'écrin est toutefois loin d'être le seul atout du recueil qui séduit avant tout par la qualité des textes qui y sont rassemblés.

Il faut tout d'abord saluer le soucis de cohérence de l'auteur qui prend soin de replacer ces textes dans le contexte historique qu'il a imaginé. En effet, outre ce Moyen âge alternatif dans lequel évolue Kosigan, Fabien Cerutti a également mis en scène dans chacun de ses quatre romans un descendant du bâtard vivant dans un XIXe siècle similaire au notre, et dans lequel l'existence des créatures telles que les elfes, les centaures ou les satyres ne sont que des mythes. La tétralogie du « Bâtard de Kosigan » aborde ainsi, en parallèle des aventures du mercenaire, la thématique de l'histoire secrète, la plupart des preuves attestant de l'existence de ces créatures au Moyen âge ayant totalement disparu de l'histoire officielle sous l'influence d'un ordre religieux particulièrement méticuleux. C'était toutefois sans compter sur l'opiniâtreté de certains historiens et aventuriers qui sont parvenus à récupérer un certain nombre de documents non censurés de l'époque, dont les six textes de ce recueil, qui nous sont donc présentés comme des sources historiques inestimables et encore jamais divulguées. Chaque texte se révèle très différent du précédent, l'auteur se plaisant manifestement à varier les registres ce qui rend la lecture d'autant plus agréable. Ainsi, « Légende du premier monde » a tout du récit mythologique quand « Le crépuscule et l'aube » et « Fille-de-joute » reposent avant tout sur le suspens et l'action. « Les livres des merveilles du monde » empruntent pour leur part aux récits de voyage dans la tradition de ceux de Jean de Mandeville, tandis que « Ineffabilis Amor » et « Les jeux de la cour et du hasard » tiennent respectivement de la tragédie amoureuse et du théâtre humoristique (joli clin d'oeil à Marivaux). La plume de l'auteur s'adapte évidemment en fonction du registre choisi et se fait ainsi tour à tour élégante ou gouailleuse, émouvante ou drôle.

Parmi les six textes du recueil, quatre servent avant tout à étoffer l'univers dans lequel se déroule l'action. C'est le cas de « Légende du premier monde » dont l'action se déroule dans la ville d'Ys antique, où deux hommes tentent de mettre au point une nouvelle race de créatures afin de remporter le concours organisé tous les cinq par le couple royal. Seulement entre les femmes-dauphins, les pégases, les dragons, ou encore les ptérodactyles marins, la concurrence est rude ! En très peu de pages, l'auteur parvient à mettre sur pied un décor incroyablement immersif et une intrigue passionnante dont le rythme ne faiblit pas jusqu'à la fin. Une belle réussite qui permet d'en apprendre un peu plus sur l'une des races que l'on retrouve dans les aventures du chevalier de Kosigan. On retrouve l'époque médiévale avec « Ineffabilis Amor », une nouvelle qui met en scène le parcours du pape Innocent III, celui-là même à l'origine des fameuses « croisades noires » et de la persécutions des races anciennes. le texte est suffisamment long pour s'apparenter à une novella plus qu'à une nouvelle, et la qualité est une fois encore au rendez-vous. L'auteur met en scène des personnages attachants dont il prend soin de détailler la psychologie et qui se révèlent agréablement complexes etambigus. « Le crépuscule et l'aube » se déroule pour sa part au XIIIe siècle et met en scène la disparition de l'une de ces races anciennes et la tentative désespérée de l'une des rares survivantes pour préserver son peuple. le texte est plein de suspens et, s'il est sans doute celui du recueil qui m'a le moins enthousiasmée, il n'en demeure pas moins intéressant. Enfin, « Les livres des merveilles du monde » met en scène le fameux Jehan de Mandeville dont on suit quelques unes des péripéties lors de son voyage vers l'Orient à la recherche des elfes de jade. L'occasion de croiser des peuplades et des créatures méconnues, tout en évoluant à travers des paysages follement exotiques qui enflamment l'imagination. Un régal !

A ces textes développant l'univers uchronique de Fabien Cerutti s'ajoutent deux autres textes qui, eux, mettent directement en scène Pierre Cordwain de Kosigan. La première nouvelle dans laquelle on retrouve notre bâtard est « Fille-de-joute » dont la narration est assurée par un compère du mercenaire qui nous relate l'une de ses aventures en Italie, au tout début de sa carrière. le ton est volontiers mordant et le vocabulaire particulièrement fleuri, ce qui donne une belle touche d'authenticité au récit qui se lit avec grand plaisir. On y retrouve l'ambiance des tournois, déjà au centre de l'intrigue du premier tome (« L'ombre du pouvoir »). La nouvelle emprunte aussi énormément au film « Chevalier » de Brian Helgeland (Heath Ledger, Paul Bettany, Rufus Sewell…) dont l'auteur reprend non seulement l'intrigue mais également les personnages ainsi qu'une grande partie des dialogues dans la première partie. Heureusement, la seconde moitié de la nouvelle s'écarte du film et emprunte une direction plus inattendue qui permet au bâtard de Kosigan de faire la démonstration de sa rouerie et de son endurance. Une vraie réussite ! Enfin, « Les jeux de la cour et du hasard » ont la particularité d'être écrits sous la forme d'une pièce de théâtre, et donc exclusivement en dialogues. le ton y est beaucoup plus léger, et les enjeux moins élevés (au premier abord...) puisqu'il y est question de querelles amoureuses et de séduction à la cour du roi d'Angleterre Edward III. On est là encore ravis de retrouver le personnage du mercenaire, de même que certains de ses plus fidèles compagnons. Complot, trahison, amours déçus, luxure… : tous les ingrédients nécessaires à une bonne intrigue de cour sont présents, et on passe un excellent moment à tenter de comprendre ce que manigance Kosigan, et à estimer s'il est en train de se faire rouler ou s'il a, comme souvent, déjà plusieurs coups d'avance sur ses adversaires.

Fabien Cerutti vient étoffer grâce à ces six nouvelles l'univers dans lequel évolue le bâtard de Kosigan. Chaque texte adopte un registre différent, preuve s'il en fallait du talent de l'auteur qui se révèle aussi à l'aise lorsqu'il écrit une pièce de théâtre humoristique qu'une cruelle tragédie amoureuse. Que se soit pour la beauté de l'objet-livre lui-même, la qualité de la plume de l'auteur, le charme des protagonistes ou la complexité des intrigues, ce recueil est absolument à découvrir, que vous soyez déjà fans du mercenaire ou que vous souhaitiez simplement vous familiariser avec l'univers dans lequel il évolue.
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Achevant les blessés sous leurs bottes, les soudards humains ont envahi les bois. La poix brûlante des catapultes a réduit les chênes en cendre tout autant que leurs défenseurs ; les piques et les épées, à douze contre une, ont cloué les ventres et les cœurs des guerriers mentërilans. Fiers, imberbes et sacrés, ils se sont battus en tournoyant jusqu’à la mort, entraînant dans leur sillage sanglant, gens d’armes et seigneurs armoriés.
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Sur les trente-cinq gus dela section, on s’est retrouvés à trois péquenots encore capables de pisser debout. Y’avait moi, Cordwain, le gros Cinghiale et Codino. Ouais, je sais, àa fait quatre, mais Codino, il pouvait plus pisser debout. Le pauvre gars dégorgeait de sang par tous les orifices. Heureusement, on est des gars charitables, on lui a filé un coup de main pour pas qu’il souffre trop. En conséquence, comme je te disais, on s’est retrouvés à trois.

dans « Fille-de-joute »
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On est tous le con de quelqu’un mais je crois qu’à ce moment-là j’me suis dit que, lui, c’était le con de tout le monde. Je l’aimais bien, hein, faut pas croire, pis sur un champ de bataille, c’était le bon gars à avoir à côté ; mais des fois c’était pas simple à supporter.
dans « Fille-de-joute »
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Il est édifiant de constater à quel point la violence se répand facilement, pour peu qu’elle soit légitimée par une autorité jugée supérieure… et que les gens aient quelque chose à y gagner.
dans « Ineffabilis Amor »
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La paix est un cadeau divin mais elle rend outrageusement vulnérables les peuples qui s’imaginent à l’abri de violences futures.

dans « Légende du premier monde »
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Videos de Fabien Cerutti (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fabien Cerutti
En librairie le 12 juin 2020 : Les Secrets du Premier Coffre Fabien Cerutti
Six histoires hautes en couleur dans le monde du Bâtard de Kosigan !
Avec ce coffre empli de trésors littéraires, Fabien Cerutti propose six textes qui enluminent ou permettent de découvrir l'univers de sa série à succès le Bâtard de Kosigan. Avec un récit de la jeunesse gouailleuse du Bâtard en Italie, une pièce de théâtre truculente à la cour d'Angleterre, un drame amoureux entre un pape et une satyre, un journal de voyage aux confins du monde en quête des elfes de Chine, et bien d'autres surprises encore, l'auteur nous émeut, nous surprend, nous fait frissonner, nous dépayse et nous emporte dans son imaginaire vif et attachant.
Fabien Cerutti est agrégé d'histoire et enseigne en région parisienne. Avec le Bâtard de Kosigan, il est l'auteur de l'un des cycles de fantasy historique qui connaît le plus de succès. le tome 1 L'Ombre du Pouvoir a obtenu le Prix Imaginales des lycéens et le Prix révélation des Futuriales en 2015. La série du Bâtard de Kosigan a reçu le Book d'or de Bookenstock 2019.
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