Dans le repli du cœur
Dans le repli du cœur niche le regret ;
un seul accord suffit,
qui le débusque au détour d’une mélodie
tandis qu’au dehors le pays
déploie ses vallons, ses nuances
de vert et de roux sous le soleil qui décline ;
une simple note accentuée sur l’accordéon,
le cœur est envahi – une teinte dominante,
le rose devenu pourpre au couchant
sur tout le paysage s’étend.
Qu’y a-t-il pourtant à recevoir de la nostalgie ?
Trouble du temps
extrait 2
Au jardin quand vous étiez ici,
quand vous étiez enfants, le vent
s’ébruitait clair
dans les longs feuillages froissés
des peupliers.
La vie piaillait,
la plus jeune parfois était nue
quand elle jouait.
Aujourd’hui le vent
s’engouffre plus sourdement
dans les tentures alourdies
des sombres conifères.
Voix des feuillus, des résineux :
deux saisons, deux temps – celui
ou celle qui reste entend souvent
la vie au passé ;
et le présent est un long silence
où elle se recueille.
Le silence n’est pas creux.
L’amie sans doute ne pense pas à moi,
peut-être n’y pense plus,
l’enfant, qui n’est plus un enfant, et vit
au rythme frémissant de ses désirs
rejoint rarement
le temps un peu dénudé où je me tiens.
L’instant pourtant respire,
mon cœur se nourrit
des pensées que je destine,
il a l’ampleur et l’étoffe un peu rebondie
des petits corps colorés d’oiseaux
– piverts, geais et mésanges – qui,
le temps d’une halte, émaillent les jardins.
Le silence n’est pas creux.
Trouble du temps
extrait 1
C’est le temps maintenant qui s’assoit
le plus souvent sur la chaise
posée contre l’arbre.
Lui le principal habitant
– sauf le chat, les mésanges – de ce jardin
que ne traverse plus aucun enfant,
que n’anime pas
de commune mémoire – je suis seule
gardienne désormais,
et le temps,
ce compagnon transparent
parfois qui s’invite, souvenirs ; je reste
le regard dans le vide et le vague.
À le côtoyer pourtant,
à sa densité, je sais : des êtres,
moi-même naguère entre roses,
balançoire et cerisier
– des êtres ont vécu ici leurs journées.
promesses perdues…
extrait 3
Rêves et projets que l’on forma
à notre insu parfois
sont comme fantômes ou brumes d’automne
quand le soleil est trop incertain,
trop faible pour les dissiper.
Ce sont présences qui nous environnent
marchent à nos côtés ;
on en conçoit de l’inquiétude,
loin de se sentir épaulés.
on sent qu’elles ont part à notre existence,
qu’il faudrait vivre la vie
à leur ressemblance, mais
d’elles à ce qu’aujourd’hui nous sommes,
ce sont promesses perdues.
Avec Husnia Anwari & Belgheis Alavi accompagnées de Kengo Saito (rubâb)
Nous, femmes poètes, nous n'avons d'armes que nos mots, de moyens de résistance et de liberté de parole que par nos poèmes, le plus souvent. Pour soutenir dans un élan solidaire les femmes afghanes qui sont, depuis longtemps déjà mais particulièrement dans le contexte actuel, réduites au silence dans leur pays, nous souhaitons faire entendre leurs voix : des landays de femmes pachtounes exilées ou appartenant au cercle littéraire clandestin de Kaboul, le Mirman Baheer, aux poèmes en dari de femmes souvent assassinées d'avoir écrit comme Nadia Anjuman à qui Atiq Rahimi a dédié son livre Syngué sabour. Pierre de patience. Pour que sur la scène emblématique de la Maison de la Poésie, toutes accueillies, nous puissions dire la force qui nous unit en poésie à travers le monde, un ensemble de femmes poètes françaises est en train de se constituer autour d'Husnia Anwari, journaliste franco-afghane et poétesse féministe, et Belgheis Alavi, enseignante chercheuse à l'Institut national des langues et civilisations orientales, qui liront sur scène accompagnées au rubâb par le musicien Kengo Saito.
Avec : Laure Gauthier, Laurence Werner David, Sophie Loizeau, Judith Chavanne, Véronique Pittolo, Rim Battal, Zoé Besmond de Senneville, Marie-Hélène Archambeaud, Sanda Voïca, AC Hello, Julia Lepère, Orianne Papin, Virginie Poitrasson, Anne Savelli, Marcelline Roux, Lika Mangelaire, Séverine Daucourt & Maud Thiria
Manifestation à l'initiative de Maud Thiria, organisée avec l'aide de Séverine Daucourt
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