Elle est protestante, pauvre et servante chez Vermeer ; son rôle, nous dit-elle, est de nettoyer les objets tels quels et á l'endroit où ils figureront dans la peinture, la houppette, le collier de perles, les tissus jetés sur le coin de la table, et donc de dépoussiérer sans déplacer. Elle voit ainsi, dans l'atelier du maitre, naitre quelques-uns de ses tableaux durant trois années :
1664 :
- « la Dame au collier de perles » avec un caraco jaune bordé d'hermine, rêvassant, les mains tenant un collier, s'admirant dans un miroir devant la fenêtre dont le rideau jaune vertical ponctue le mur blanc bleuté et répète le jaune de la soie.
- « La laitière », quelques années avant, revendiqué par une autre servante comme « son plus beau tableau ».
1665 :
- « la jeune femme à l'aiguière », encore une femme seule, une fenêtre à gauche, une carte sur le mur, et, pour peindre le blanc de la coiffe, Vermeer mélange, grand art, le bleu, le violet et le jaune et saisit un geste en suspens, son propos est de saisir la rêverie ou même le vide de pensées de ses modèles.
- « La femme en bleu lisant une lettre », thème cher à Vermeer, comme si la solitude apparente de ses modèles cachait une vie propre, un ailleurs. le bleu envahit le blanc du mur, une carte du monde le recouvre, la lumière, comme toujours, vient de la gauche, puisque nous voyons les tableaux comme nous lisons une lettre, de gauche à droite ; le premier plan est sombre.
Poussé par le besoin, et les commandes de ceux qui ont de l'argent, il peint « l'Entremetteuse, » (toujours avec un caraco jaune) l'action figée, le consentement, l'argent, le tapis ottoman en premier plan, avec coupe et vase décoré venus de l'autre bout du monde.
.1666 :
« Le concert » qui reproduit l'Entremetteuse dans le tableau du fond, et qui ponctue la scène de touches de blanc, sur les livrets, sur le noeud da la joueuse de virginal et de sa robe, sur ce qu'elle lit, à peine entrevu, et sur le col de la chanteuse.
Ce tableau a été volé, mais l'auteur n'en parle pas, elle note seulement que le caraco de la musicienne est celui, jaune, de la fille du boulanger « jeune femme à l'aiguière ».
Et, le clou, non pas du tableau, mais du roman.
« La jeune femme à la perle », dont on sait que Vermeer a peint la perle d'un seul coup de pinceau. Ce serait le portrait de Griet, la servante, presque amoureuse du peintre, et soulevant jalousie et rancoeur.
Tracy Chevalier remarque la manière de peindre de Vermeer, commençant par du noir et du marron pour ensuite apposer ses touches claires (exactement ce que fait Poliakoff), elle se base sur l'évocation de tableaux pour élaborer une fiction crédible, agréable à lire, racontée à la première personne par la jeune fille qui a dû se percer les oreilles pour figurer dans ce tableau qu'elle ne verra pas, bouche ouverte « comme si de toute évidence je regardais quelqu'un. J'avais l'air d'attendre un évènement dont je doutais qu'il n'arrivât jamais. »