Black Panther, tome 9 : The Intergalactic Empire of Wakanda 4

Unité nationale
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Ce tome fait suite à Black Panther Book 8: The Intergalactic Empire of Wakanda Part Three (épisodes 13 à 18) qu'il faut avoir lu avant. Il s'agit du dernier tome de la saison écrite par ce scénariste, et il faut avoir commencé par le premier. Celui-ci regroupe les épisodes 19 à 25 initialement parus en 2020/2021, écrits par Ta-Nehisi Coates, dessinés par Ryan Bodenheim pour les épisodes 19 à 22, Daniel Acuña pour les épisodes 20 et 22 à 25, Brian Stelfreeze pour l'épisode 25. Acuña réalise ses dessins à l'infographie ainsi que sa mise en couleur pour partie de type couleur directe. Les pages des autre artistes ont été colorisées par Michael Garland (épisodes 19 & 20), Chis O'Halloran (épisodes 21 à 23), Laura Martin (épisode 25). Les couvertures ont été réalisées par Acuña (20 à 25) et Meghan Hetrick (19). Ce tome contient également 21 couvertures variantes.

Il y a quelques années de cela, le roi T'Challa avait missionné une équipe pour enquêter dans l'espace, équipe qui était passée par un trou de l'espace avec un effet de voyage dans le temps. Au temps présent, il s'était retrouvé esclave dans l'empire qu'avait fondé cette équipe qui avait perverti les valeurs du Wakanda. Il avait mené la rébellion et pris le contrôle de l'empire, mais l'ancien empereur N'Jadaka a survécu, a fusionné avec un symbiote, et s'est allié avec deux insurgés dotés de superpouvoirs Znezi et Tuetu. Il a lancé un assaut sur le Wakanda. Il y a des années de cela, Eric Killmonger se tient devant trois mystiques au Niganda. Ces derniers lui révèlent que sa fin viendra d'un Black Panther, mais une seule de ses fins. Au temps présent, à Birnin Zana, la capitale du Wakanda, T'Challa se tient devant sa garde rapprochée et indique qu'ils vont reprendre l'initiative et attaquer l'Empire sur son propre terrain. Il demande à Shuri de prendre la tête du Wakanda pendant son absence.

La princesse Shuri, Aja-Adanna refuse d'assurer l'intérim du roi T'Challa. Elle lui explique que le temps qu'il joue au héros est révolu, qu'il doit assumer ses responsabilités de roi, car la dernière fois que le Wakanda a été attaqué, la nation a subi une cuisante défaite. Malgré l'appui des Dora Milaje, les troupes avaient eu toutes les peines du monde à repousser les assaillants. T'Challa accepte de tenir une réunion pour discuter de la situation avec Shuri et Okoye. La première s'explique : T'Challa a toujours eu tout ce qu'il voulait, il s'est toujours lancé dans des aventures pour aller plus loin. Ce temps est passé : il ne peut pas se contenter de porter un titre : il doit emprunter la route, et celle-ci ne l'emmène pas à baguenauder à travers les galaxies. Elle explicite sa pensée : son devoir est de se plonger dans la mémoire collective de la nation, dans le domaine du Djalia. À l'évidence le peuple du Wakanda a souffert, il a subi de lourdes pertes. Il a traversé des périodes de ténèbres. Mais à travers toutes ces épreuves, ce peuple a construit son histoire, a pu s'appuyer sur sa mémoire. Cette nation sait ce qu'elle est et ce qu'elle sera. Il est hors de question d'être privé de cette richesse, d'être réduit en esclavage. T'Challa a le pouvoir de rendre cette mémoire à ceux qui en ont été privé.

Ta-Nehisi Coates, journaliste et romancier afro-américain, a relevé le défi d'écrire un comics de superhéros avec un personnage afro-américain. Il a commencé en 2016, et termine en 2021, après une pause en 2020 du fait de la crise sanitaire, avec un total de 18 épisodes pour la première série, 25 pour la seconde qui continue la première sans solution de continuité, en ayant coécrit une minisérie dérivée : Black Panther & the Crew: We Are the Streets (2017) avec Yona Harvey et Butch Guice. le présent tome est donc la grande résolution avec bien sûr la grande bataille finale comme il est de coutume dans les comics de superhéros. Pour le coup, le lecteur en a pour son argent : Black Panther, un commando choisi du Wakanda, plusieurs superhéros contre une armada spatiale. Les dessinateurs s'en donnent à coeur joie : les navettes si élégantes du Wakanda, les vaisseaux spatiaux de l'empire intergalactique et ceux de la rébellion s'affrontant dans le vide de l'espace à grands coups de faisceaux laser, le pont de commandement, les armures spatiales des soldats, etc. Indubitablement, il y a un petit goût de Guerre des Étoiles par moment, mais sans tomber dans le plagiat. Cette grande bataille finale se focalise sur le héros dont la série porte le titre, ainsi que quelques-uns des personnages secondaires récurrents. le lecteur apprécie la précision descriptive des dessins de Bodenheim très propres sur eux, ainsi que l'apparence plus organique de ceux d'Acuña, plus sales en apparence. de ce point de vue, ce dernier tome tient toutes ses promesses : un grand affrontement final, des combats spectaculaires, des scènes d'action visuellement mémorables, un personnage principal héroïque et courageux qui se surpasse, et un épilogue dessiné par l'artiste présent au début de la saison, Brian Steelfreeze.

Bien sûr, le lecteur est également à l'affut des thèmes que l'auteur va développer, car l'éditeur l'a engagé pour ça, à la fois pour sa notoriété et sa légitimité d'écrivain, à la fois pour que ce personnage afro-américain soit écrit par un scénariste afro-américain. Depuis, le début, Coates a raconté une histoire qui se déroule d'abord au Wakanda, un pays africain, puis dans un empire spatial fondé par la même nation. C'est donc tout naturellement que la quasi-intégralité des personnages sont afro-américains, et qu'ils sont dessinés comme tel, sans impression de militantisme ou d'artificialité puisque le récit se déroule en Afrique. Comme depuis le début de la série, les artistes intègrent des éléments visuels évoquant la culture africaine, à nouveau de manière organique, sans connotation touristique ou condescendante. le lecteur est un peu plus surpris de constater que Black Panther a requis l'aide de superhéros uniquement noirs : Spectrum (Monica Rambeau), Luke Cage, Spider-Man (Miles Morales), Nick Fury Jr., Falcon (Sam Wilson), Night Thrasher (Dwayne Taylor), Misty Knight, Patriot (Elijah Bradley), Thunderball (Eliot Franklin), Ironheart (Riri Williams)
Cloak (Tyrone Johnson), War Machine (Jim Rhodes), Prodigy (David Alleyne), etc. Il constate d'ailleurs qu'il y a un ou deux personnages d'origines portoricaines, mais pas de blancs. Il peut comprendre que Coates ait fait ce choix pour éviter à tout prix de donner l'impression qu'un blanc sauve, ou même aide un noir.

Le scénariste continue de développer un autre thème présent depuis le début : la manière dont T'Challa représente son peuple en tant qu'homme politique. Sa soeur lui fait une leçon sur la nature des responsabilités d'un chef d'équipe qui va de l'exemplarité, à la nécessité d'être un meneur symbolique, en passant par l'incarnation des valeurs d'une nation. À nouveau, Coates épate par l'aisance avec laquelle il développe cette dimension en utilisant les conventions du genre superhéros, avec compétence et élégance. Il n'abuse pas de scènes de dialogue où les personnages opposent leur vision politique du chef d'état : il met à profit les artifices du genre superhéros, pour rendre cette dimension visuelle et métaphorique. Il bénéficie d'artistes au service de son histoire avec un impressionnant niveau de maîtrise de leur art. T'Challa voyage dans une dimension spirituelle pour rencontrer et affronter les spectres de ses ancêtres, dans des pages montrant ce voyage de manière littérale, tout à fait raccord avec un récit de superhéros. Les déités tutélaires de la nation du Wakanda planent littéralement au-dessus des événements, et là encore l'artiste représente des silhouettes géantes hautes en couleurs traduisant parfaitement l'intention de l'auteur. T'Challa finit par affronter N'Jadaka et ses troupes dans un long combat courant sur deux épisodes, avec une narration visuelle dans laquelle Daniel Acuña apporte un souffle épique, représente des dizaines de personnages, conçoit des découpages de planches taillés sur mesure pour chaque action, chaque attaque.

Le lecteur accompagne donc le roi T'Challa dans le royaume des morts pour aller à la rencontre de ses ancêtres, comme il l'avait déjà fait dans un tome précédent. Il doit se mesurer à eux pour se montrer digne de son titre, pour passer les épreuves qu'ils lui imposent. de la même manière, les déités du Wakanda incarnent les valeurs de la nation. C'est un thème assez délicat à aborder, encore plus avec des gugusses en costume moulant. le scénariste le fait avec un naturel confondant, mettant à profit les visuels. Ainsi le lecteur voit T'Challa affronter ses aïeuls pour confronter sa propre vision de sa fonction de roi avec celle de ses prédécesseurs, endossant ainsi l'Histoire de son peuple au travers des actions de ses représentants successifs. Les déités incarnent de manière littérale les valeurs de cette nation, comme la liberté, l'égalité et la fraternité pourraient être représentées par des entités pour la France. le lecteur voit alors ces valeurs affronter celles de l'ennemi de manière très visuelle. Avec ces deux dispositifs narratifs (les rois défunts, les déités), les auteurs donnent une plus grande ampleur à cet affrontement entre un tyran intergalactique et un roi africain.

Le lecteur était en droit d'entretenir des doutes quant à la réussite du pari de coller un écrivain engagé sur une série de superhéros Marvel. Ce final vient confirmer que Ta-Nehisi Coates est un connaisseur de l'univers partagé Marvel, qu'il apprécie le genre superhéros, et qu'en plus il sait écrire une bande dessinée en prenant en compte les particularités d'une narration visuelle. Ce dernier apporte une conclusion pleine d'énergie à la saison, avec une narration visuelle minutieuse pour Bodenheim, plus impressionniste pour Acuña, les deux artistes insufflant une énergie remarquable à leur page. En outre, le scénariste ne sacrifie en rien un deuxième niveau de lecture, questionnant le rôle d'un chef d'état, et les valeurs qui donnent sa cohésion à une nation.